La Kilbi repart pour une nouvelle édition !
Le légendaire festival situé dans la campagne singinoise, tout près de Fribourg, a dévoilé mercredi matin la programmation de son édition de 2015. Son succès ne faiblit pas : en moins de cinq minutes les pass 3 jours ont tous été vendus ; la soirée du samedi suit le même schéma peu après ; enfin à l’heure où ces lignes sont écrites, le vendredi s’est envolé et il ne reste que des billets pour le jeudi.
Il faut dire que le festival s’attache à son atmosphère chaleureuse, quasiment intimiste avec ses seuls 2’500 heureux élus qui peuvent profiter d’une programmation jamais paresseuse, et qui étonne même les habitués d’année en année. Petit décryptage de la soirée du jeudi.
Tout d’abord, au niveau suisse. Déjà l’année passée le programmateur Daniel Fontana avait proposé parmi les formations les plus intéressantes du paysage national, avec Forks, Wolfman ou encore Puts Marie, pour lequel j’ai un faible avoué. De mauvaises langues se demandaient si c’était possible de proposer quelque chose de neuf sans sortir des frontières, et sans tomber dans le piège du ‘local’. Certes, ils ressortent l’atout Puts Marie (soirée du vendredi), mais jeudi la scène suisse est représentée principalement par deux belles formations qu’on attendait peut-être pas au tournant.
Klaus Johann Grobe tout d’abord. Duo suisse allemand, leur premier album ‘Im Sinne Der Zeit’ sorti l’année dernière a révélé leur aisance dans un kraut-rock pas trop abrupt, aux claviers hypnotisants empruntés au rock psychédélique. Rajoutez-y la langue de Goethe et obtient un étrange croisement de culture et de genres. Un premier disque, un premier succès dont aucun n’est titre n’est franchement à jeter, et si l’allemand chanté ne vous refroidit pas trop, il y a des chances que vous teniez votre nouveau groupe suisse préféré.
L’autre belle pointure nationale bascule du côté romand, il s’agit de Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp. L’étiquette qu’ils s’infligent spontanément – tropical post-punk / afro avant-pop – semble ne pas dire pas grand-chose sinon qu’ils ne se prélassent pas dans les sentiers battus. Pourtant, il ne faut pas passer à côté des relents méridionaux que cette étiquette inspire, qui donne par la même occasion une explication au nom abracadabrant qu’ils ont choisi, puisque ce nom d’apparence ridicule imite en réalité les sobriquets de mille et un orchestres originaires de Côte d’Ivoire et des pays alentours. Cependant, Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, eux, ne sont pas africains, mais sont originaires de Genève, d’où la présence insistante d’influences typiquement occidentales, au nombre desquels on sent une touche 80’s british. Ne faites pas les effarouchés : même si le mariage improbable d’un post-punk répétitif et de l’Afrique, cuivres en bonus, semble pouvoir n’accoucher d’aucun beau bébé, une fois la surprise passée, on s’étonnera de la facilité avec laquelle on adopte cette direction musicale fraîche et innovante.
Au cru national s’ajoutent encore Verveine, une Veveysanne toute seule comme une grande qui marie pop et musique électronique ascendance allemande avec habileté, dont les lives sont très réputés ; et Schnellertollermeier, un combo expérimental de Lucerne, combinant noise, free jazz et musique avant-gardiste dans un chaos musical assez inaccessible, du type qu’on en rencontre qu’au Bad Bonn !
Mais, quitte à décevoir l’UDC, il n’y a pas que le Suisse dans le monde, et la partie internationale de la programmation est encore plus belle. Nous passerons sur des pointures bien installées comme Mac Demarco, The Black Angels, dont ma très estimée consœur Laure saurait mieux vous parler, ou Thee Oh Sees, qui avait époustouflé les festivaliers en 2013 avec une prestation explosante d’énergie.
Si on descend un cran de renommée en-dessous, on est tout d’abord ravis de voir le nom de Wand apparaître. Originaires de Los Angeles, ils sont encore mal référencés sur internet, souffrant de l’existence d’un homonyme moins inspiré qui vient de changer de nom pour ne pas se marcher sur les pieds avec ces rockers psychédéliques. Le groupe n’est pourtant pas mené par un inconnu, puisque c’est le fameux Cory Thomas Hanson qu’on retrouve à la barre, connu pour son implication dans une autre formation à la popularité montante, together PANGEA. Un seul, mais fantastique, album au compteur – le suivant arrive bientôt – Wand est de ces groupes aux multiples facettes, n’ayant pas peur de se montrer trop aguicheur lorsqu’ils épousent un rock 60’s qui évoque les très populaires Temples, pour ensuite passer dans une sorte de proto-metal (toujours chanté) plus rugueux et plus rentre-dedans. Un énorme coup de coeur :
L’autre découverte de cette édition est Mr. Airplane Man, une sorte de version féminine des Black Keys (pour citer un truc vraiment pas inconnu), en ce sens que Mr Aiplrane Man est un duo de nanas, dont le rock tendance garage sent souvent le blues chaud et sec des routes américaines. Avec ça, une voix chaude et grave qui ne glisse jamais dans la mièvrerie. Les machistes auront la preuve qu’on peut avoir des seins et savoir faire du rock.
Concluons avec deux petites mentions à deux pointures qui sortent des sentiers battus. Tout d’abord il y a Tanya Tagaq, une chanteuse canadienne pour la santé mentale de laquelle on s’inquiète beaucoup, livrant des concerts quasiment a capella tenant davantage de la performance, durant lesquels elle tient l’attention du public en grognant, gémissant et se lamentant comme une possédée de film d’horreur. Du bizarre comme on en trouve, encore une fois, qu’au Bad Bonn. Enfin la soirée mise aussi sur la popularité de Nils Frahm, un artiste-compositeur allemand se réclamant de ‘néo-classicisme’ n’hésitant pas à se comparer à Tchaikovsky. Si c’est fort joli et gentillet à n’en pas douter, on risque de se lasser plus vite de ses ptites chansons au piano, idéales pour accompagner un film, que de la symphonie pathétique du Russe sus-mentionné.