Asima est un projet ambitieux qui a vu le jour dans la tête du compositeur Valaisan Nicolas Fardel. Son idée : faire cohabiter sonorités asiatiques et musique rock. Sur le papier, ceci ne semble pas gagné d’avance. Mais ne tirons pas de conclusions hâtives. Il est l’heure d’enfoncer profondément mes écouteurs dans les oreilles et de faire preuve d’une ouverture d’esprit indispensable pour cet exercice.
‘Asarock’ est le premier titre de cet album. L’introduction se joue sur un instrument traditionnel asiatique que je ne me risquerais pas de nommer, sous peine de fauter. Puis s’ensuit l’entrée du reste des musiciens. L’ensemble sonne très chaleureux et chaque instrument possède sa place dans le mixage. La basse y tient une place de choix, et ceci n’est de loin pas pour me déplaire. Ce premier morceau est convaincant. Fichtre, cette satanée mélodie reste en tête. Mais c’est plutôt un signe de qualité. Nous connaissions le géniteur de ce projet comme amateur de rock progressif. Avec la composition ‘Friends’, il nous en fait la parfaite démonstration. Une introduction à la guitare entourée d’une cymbale ‘ride’ cristalline nous met dans l’ambiance. Pour parler un peu technique, c’est un morceau écrit en mesure impaire (13/8 pour les intimes). Cette rythmique fort peu usitée couplée à un mid-tempo, donne une ambiance ultra atmosphérique et plaisante. Le solo de guitare est un condensé de feeling et de musicalité. Quand tes ‘Friends’ sont des musiciens classieux, cela offre un morceau de cette qualité.
Francis Stoessel (batterie) se veut brillant et très inspiré pour ‘Five Taps’. Des accents inattendus sur la caisse claire ou le charleston me font penser à ce que pourrait faire un certain Gavin Harrison (Porcupine Tree). Francis est au service de la superbe mélodie écrite. Ce titre n’est pas sans rappeler, dans son approche, le légendaire ‘Take Five’ du saxophoniste Paul Desmond. Un clavier mis en avant par une sonorité à la Rick Wakeman (Yes) nous accueille pour le titre ‘Creasong’. On sort la ‘disto’ pour une nouvelle mélodie très inspirée. D’ailleurs, et c’est une constante, le sens mélodique de Nicolas Fardel est impressionnant. Je ressens une influence Ayreon dans ce titre, tellement la flûte est mise en avant sur des bases rock, ce qui est courant dans le projet de Arjen Lucassen. ‘Reach the Time’ constitue à nouveau un morceau de bravoure rythmique. Du vrai ‘prog’, et ça fait rudement plaisir. Là, par contre, le solo d’un des instruments traditionnels m’agressent un peu les tympans. Pas trop l’habitude des sonorités un peu criardes et aiguës de ces cordes chinoises. Contre-pieds avec ‘Intromania’. Le groupe nous emmène vers un univers très ‘funky’. Le bassiste Denylson Patti imprime un groove imparable, pendant que Nicolas Fardel nous sort un solo aux phrasés originaux. On tape du pied, et cela, sans même sans rendre compte. Une fin typée ‘fusion’ viens clôturer ce titre.
Ces 45 minutes de musique sont un gros travail du compositeur Nicolas Fardel. Mais il ne faudrait pas occulter le travail d’orfèvre des musiciens présents sur cet album. Je pense que la capacité d’adaptation des musiciens asiatiques est à relever. Je ne suis pas un connaisseur de cette musique traditionnelle, mais j’imagine que notre approche européenne de la musique, plus terre-à-terre et rythmique, n’a pas dû être simple à assimiler pour eux. Pour peu que l’on fasse preuve d’ouverture d’esprit, et que l’originalité ne nous effraie pas, cette galette renferme des pépites musicales certaines. Pour le Suisse de base, biberonné au metal ou autre hard-rock que je suis, il y a certes des sonorités que je n’aime pas, ou que je trouve trop agressives à mon goût. Pour asseoir le qualificatif de ‘progressif’, il manque, à mon sens, une pièce épique, plus longue, munie de plusieurs thèmes qui s’entremêleraient. Je reste convaincu qu’Asima saurait nous pondre quelque chose de cet acabit.
Une belle prise de risque de la part de Nicolas Fardel, qui a su souder deux mondes musicaux que tout tendait à séparer. Partir d’une page blanche, et accoucher d’un tel projet constituent une vraie aventure musicale, culturelle et humaine.
Note : 4/5