ALISON & THE TWINS – L’art d’être au four et au moulin

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Alison & the Twins, c’est un trio à l’énergie redoutable. Menant de front leurs études et leur passion musicale, ils ont malgré tout trouvé le temps de nous rencontrer dans les locaux de l’EPFL, avec quelques bières en soutien. Action !

Petites questions du tac-au-tac pour commencer… Thé ou café ?
[Julian, basse :] Bière, le soir c’est plutôt bière !

[Evan, batterie :] Oui, bière !

Bonne réponse ! Le problème, c’est que la suivante était : bière ou vin ? Donc après… Radiohead ou Muse ?
[Julian :] Hmm… Muse.

[Evan :] Mouais. C’est vrai que les gens trouvent que ça leur fait penser aux deux. Mais je n’arriverais pas à dire qui je préfère honnêtement. Je crois qu’on essaye vraiment de mélanger un peu les deux et de faire des ambiances très différentes, dans la structure des chansons aussi. Donc c’est vrai que ça nous plaît de faire des trucs un peu grandiloquents par moments, mais aussi plus intimistes dans certaines parties. Ma préférence va plutôt pour les trucs plus intimistes et quand je réécoute ce qu’on a fait, il y a beaucoup de parties calmes, que je préfère aux parties qui sont plus opéra, très ouvert, avec beaucoup de choses, hyperproduites.

[Julian :] Ça dépend un peu de la situation, de l’humeur du moment. Quelquefois c’est plutôt intimiste, quelquefois on a plutôt besoin de s’ouvrir.

Peut-on faire un petit retour sur le background musical de chacun ?
[Julian :] Mon père jouait de la guitare. Après quand j’ai eu 8 ou 9 ans, j’ai commencé à en jouer avec un prof de guitare, puis j’ai commencé à jouer de la basse plus tard, vers 15 ans. C’était une situation typique, on avait un groupe et il manquait le bassiste, alors « tu joues de la guitare, la basse c’est presque la même chose, donc tu prends la basse ». C’était un groupe reggae/ska. Avec mes études à Zürich, j’ai joué dans un groupe de indie-rock et un groupe d’irish folk, qui tourne encore beaucoup, Pigeons On The Gate. J’ai aussi joué dans des projets de reprises de Black Sabbath, de comédie musicale… c’est différent, mais j’essaye toujours de trouver quelque chose de spécial.

[Evan :] J’n’ai pas eu autant de groupes que Julian, mais je suis toujours resté dans le rock. J’ai commencé la batterie petit, à 8 ou 9 ans aussi, puis j’ai toujours fait partie de petits groupes avec des potes, mais c’était jamais aussi sérieux que j’aurais voulu. Quand t’as 14 ou 15 ans, c’est pas là que tu fais les meilleurs choix et que t’es le plus malin ! Mais ça m’a quand même permis de m’entraîner un petit peu. Mon dernier groupe, c’était sur Fribourg, on n’a rien sorti mais j’me suis entraîné vraiment longtemps avec eux… ça s’appelait Dirty Old Man. Après j’ai rencontré Loïk via une annonce qu’il avait posté sur le net. J’avais envie de me relancer dans quelque chose et il avait un local, ce qui est quand même une denrée assez rare, et une photo de Led Zep’ donc je me suis dit « avec lui ça peut que l’faire ». Je l’ai appelé et on s’est rapidement vus en essayant de faire quelque chose de pas trop mal. C’est ce qui m’a tout de suite plu chez lui : il met les moyens pour arriver à ses fins en musique, sortir des disques, faire des concerts et se faire plaisir. On s’était vus déjà mi-2016 avec Loïk et on a cherché quelqu’un sur Internet. Puis on a choisi Julian, en janvier ou février.

Merci Internet ! *rires* Dans le rock, ça commence plutôt souvent avec des potes dans un garage. Vous avez l’air de vous être bien trouvés et plutôt bien partis sur un mode sérieux, régulier.
[Evan :] J’ai toujours voulu faire un métier en rapport avec la musique, mais j’n’ai pas envie de bouffer des pâtes jusqu’à 50 ans… C’est pour ça que j’fais du droit, pour exercer dans le domaine des droits d’auteur et gagner ma vie. Avec les concerts, j’peux payer ma facture de téléphone et d’essence pour le prochain concert, mais concrètement, on n’a jamais vraiment parlé de vivre de ça. Par contre une fois qu’on aura tous fini nos études, on est d’accord pour peut-être se faire une année sabbatique, partir en tournée un peu partout. Julian aussi m’a dit qu’il aimerait que le groupe tourne pour pouvoir arrêter la chimie ! Ça sera cool un moment, mais faut pas se voiler la face.

[Julian :] Pour moi c’est assez rare, les gens qui peuvent vivre de ça, des concerts. Et ça laisse de la liberté si ça reste un hobby, à 50% par exemple, comme ça on peut faire ce qu’on veut, sans devoir regarder ce qui marche, ce qui se vend bien.

[Evan :] Mais on essaye de bosser comme des pros, on se voit plusieurs fois par semaine, on répète toujours chez nous, on injecte beaucoup de sous là-dedans, aussi. Pour l’album, ça nous a coûté un bras, il est hyperproduit et on a passé des heures et des heures en studio.

Oui ça se voit que c’est du sérieux, la pochette aussi ! L’enregistrement s’est passé comment ?
[Evan :] Dans le local on branche quelques micros sur la batterie et on enregistre quelques pistes qu’on utilise dans le vrai studio. On fait quelques démos. On est allés au Royal Studio à Sévelin, Lausanne. Juste à côté des Docks et Artefax studio et c’est vraiment bien.

[Julian :] On a moyen d’enregistrer quelques trucs au local, des démos. On n’a pas de matos pour faire quelque chose de qualité comme sur notre cd, mais il est très bien pour bosser.

Vous êtes un trio, mais j’ai entendu sur votre album bien plus que trois instruments. Ça se traduit comment, en studio et sur scène ?
[Evan :] On triche un peu, on fait tourner le click-track dans les oreilles, on joue aux in-ears et j’ai un pad Roland SPD-6.

[Julian :] D’habitude, c’est moi qui joue les synthés pour l’EP. En live, s’il n’y a pas de basse, je joue au synthé, sinon on a samplé quelques parties. On aurait besoin d’une quatrième personne…

[Evan :] Même cinq ou six ! Au début on voulait être plusieurs avec Julian, mais Loïk voulait rester trois, puis on a trouvé un autre moyen qui finalement va très bien, je trouve. On n’aime pas forcément les groupes qui ne font que des samples tout le temps, donc on essaye de réduire au max, si le synthé apporte vraiment quelque chose à la partie, mais qu’on ne peut pas le jouer. Après, ça et la click-track, c’est pratique.

En live, le choix de rester trois, c’est pour garder un côté simple, se concentrer sur le cœur de la musique ?
[Evan :] En effet, c’est un argument qui revenait souvent, le power trio !

Vous faites beaucoup de live ?
[Evan :] De plus en plus.

[Julian :] Le premier était le 23 mars. Depuis, on a joué sept ou huit fois. Pas des masses, mais c’est pas mal pour un début.

Concernant les paroles, quels sont les sujets traités ?
[Evan :] On écrit beaucoup avec Loïk. C’est pas un sujet qui intéresse vraiment Julian (ndlr : qui acquiesce en riant). C’est toujours assez sombre, introspectif, sur des gens qui se sentent mal. Je lui reproche souvent que c’est hyper noir, alors que j’aime ce qui est métaphorique, que tu peux mettre en contexte avec ta vie. ‘The House’ par exemple parle de son for intérieur, quand quelque chose nous tracasse et qu’on ne peut le dire à personne.

Pour le coup, ça fait plutôt Radiohead que Muse ! Sauf pour la voix haut perchée, notamment sur ‘Gone’. Loïk a pris des cours de chant ?
[Julian :] Ah ah ! Vraiment au début, c’est horrible ! On faisait de la musique, c’était cool, mais personne n’était capable de vraiment chanter. Alors Loïk a dit qu’il allait essayer et il a bossé ça. C’était pas parfait, mais quand on voit le développement depuis les premières répètes jusqu’à la sortie de l’EP, c’est vraiment bien. Il y a toujours quelques petits problèmes de justesse, mais même un chanteur professionnel doit bosser tout le temps.

(ndlr : Loïk arrive justement, livre de cours sur « La tentation psychotique » sous le bras)

Ah, j’ai ma réponse sur l’origine de vos textes !
[Loïk, guitare et chant :] Mais ils sont pas si dark !

[Evan :] Fais-moi un texte dark alors une fois, pour voir jusqu’où tu peux arriver dans les bas-fonds de l’humanité !

[Loïk :] Je pense que ça s’interprète de plusieurs manières. J’ai pas forcément un thème précis quand j’écris.

Reprenons du début, quel est ton background musical ?
[Loïk :] J’ai eu la chance d’avoir un instrument petit. Une fois j’ai vu un poster de Hendrix et je me suis dit « incroyable, c’est ça que je veux faire ! » D’abord il y a eu la guitare acoustique, à l’EJMA quelques années puis j’me suis arrêté. Le côté académique, les gammes, ça m’intéressait pas, je n’avais pas la passion de l’instrument. Je gratouillais un peu. Un jour j’ai eu un déclic, j’ai vraiment commencé à m’investir à fond et maintenant j’ai envie de faire des trucs techniques, d’apprendre des gammes, etc. mais j’ai moins le temps ! Que je chante, c’est récent. Ça fait peut-être une année que j’apprends à faire des exercices et comprendre l’instrument de la voix, c’est plus compliqué que la guitare. J’ai toujours su que je pouvais faire des écarts de voix assez facilement, mais après une répète, je tirais beaucoup sur la voix et ça devenait horrible. Donc pour avoir la bonne position, pas trop se fatiguer, une pote qui fait du chant lyrique m’a donné quelques cours. S’il y a bien un instrument qu’il est compliqué d’apprendre tout seul, c’est la voix.

[Julian :] Si on fait du studio ou trois concerts par semaine, t’as besoin de technique sinon tu es mort après le premier set.

Et tu survis bien aux concerts, maintenant ?
[Loïk :] Je regrette juste qu’on n’ait pas encore des conditions idéales avant les concerts. J’aimerais qu’on ait le temps de se préparer, mais y’a toujours du monde et on finit par boire des bières.

[Evan :] Comme toujours, on est pleins de bonnes intentions quand on arrive. Puis on voit le frigo et on s’est pas chauffés dix minutes avant le concert.

[Julian :] On n’a jamais eu de concerts avec un vrai backstage, en fait.

Et pour tes influences musicales ?
[Loïk :] Forcément, Radiohead et Muse me suivent depuis l’enfance. Mais j’ai des périodes. En ce moment je suis obsédé par The Doors. Je lis des biographies, je regarde des documentaires.

[Evan :] ‘People are strange’, avec la voix de Johnny Depp, est vraiment bien.

[Loïk :] Le classique me touche beaucoup aussi. Y’a une énergie chez certains compositeurs. Et si t’écoutes du Chopin, c’est violent au piano, il y a une agressivité ! Tu peux aussi être influencé par les présences scéniques. Matthieu Chedid, je n’peux pas dire que c’est une influence pour moi, mais il a tout compris, artistiquement. Pour les voix, je cite Buckley et Mercury, ils sont incroyables. Je n’leur arrive pas à la semelle, mais j’essaye de bosser pour avoir une voix qui leur arriverait peut-être à la cheville jour.

Alison & The Twins, c’est ton premier groupe sérieux, donc ?
[Loïk :] J’ai eu des projets, un peu, mais c’est le plus évolué. J’avais envie depuis longtemps d’avoir un truc sérieux. On fait au mieux pour mettre toute notre âme dans notre musique. Moi j’me verrais difficilement mettre autant d’énergie et de ressources dans ce groupe sinon. C’est le premier truc auquel tu penses quand tu te lèves.

[Evan :] Et le dernier quand tu dors. Surtout qu’on commence à avoir un petit succès… relatif. Ils nous ont bien aimés à Berne et on va jouer aux Docks le 14 décembre.

Quels ont été vos meilleurs concerts ?
[Julian :] Le premier, dans la Tour Vagabonde à Fribourg, c’était génial. Devant ce public, ça faisait vraiment plaisir de jouer. Puis pour le vernissage, on a pu préparer tout comme il faut, on n’a pas eu ça pour les autres concerts. Quand on est plus à l’aise, niveau son et retours, ça s’entend. Le plus gros concert, c’était la finale de l’Emergenza à Berne, c’était presque 800 personnes.

[Evan :] On était bien tendus !

Vous avez fini comment au tremplin ?
[Evan :] On a eu le Prix du Jury et on a gagné deux jours de studio, qu’on va faire à la SAE de Zürich. On va enregistrer un nouveau titre et faire une version vinyle de l’EP, avec deux morceaux acoustiques et quelques petites combines qu’on va modifier sur les chansons. Vous le trouverez au bon vieux stand merch’ tenu par… nous et une valise. C’est presque un espace auto-géré, des fois tu retrouves de l’argent dans la caisse et des CDs en moins. Il faudrait qu’on demande à nos copines, quand même, ça aurait plus de succès.

[Julian :] En même temps, on doit ranger la scène après le gig. Quelques fois on a notre ingé son avec nous, mais sinon, c’est nous qui devons tout faire.

Vous avez d’autres plans pour jouer en Suisse Allemande ?
[Julian :] On a déjà touché un peu, Berne et Zürich. Le problème, c’est de suivre la loi, car la police a le droit de faire fermer les salles. Pour la batterie, c’est difficile de trouver des solutions, ça ne marche pas trop bien.

[Evan :] En Suisse Allemande, c’est « Le batterie, c’est trop fort. Tape moins. »

[Loïk :] Mais au Bourg, avant le concert, les gens qui parlent dans la salle font déjà 89 décibels… forcément avec une batterie et un ampli, tu dépasses.

Et donc, pour la suite ?
[Evan :] On essaye de prévoir un set acoustique pour tourner un peu l’été prochain. Ça marche bien, dans les petits endroits.

[Loïk :] Il nous manquerait juste un manager qui nous trouverait un label, des dates, des aides…

[Evan :] Sauf qu’on serait toujours derrière lui et finalement on travaillerait toujours autant. S’autoproduire, si tu veux le faire comme il faut, ça prend beaucoup de temps.

Est-ce que vous avez l’impression que la scène locale vous soutient bien ?
[Evan :] Pas du tout. Les salles locales ne permettent pas spécialement de jouer. Ils préfèrent faire jouer des groupes étrangers et en font une énorme promo alors que c’est de la bouse ! Peut-être que c’est comme ça partout… La seule salle où le programmateur fait vivre la scène du coin, c’est le Duke’s. Comment tu veux que les groupes se fassent connaître si on les laisse pas jouer ?

Et finalement… pourquoi « Alison & The Twins » ?
[Julian :] C’est un peu la réaction qu’on voulait provoquer.

[Evan :] C’est se poser la question… En fait c’est la réplique d’un film qu’on aime bien.

[Loïk :] J’ai poussé la réflexion plus loin, une fois, mais attention à ne pas donner trop d’infos. Il y a un côté mystérieux.

[Evan :] C’est parce que ça nous plaisait, surtout. Avant même qu’on fasse nos premiers concerts, quand on disait qu’on joue dans Alison & The Twins, les gens disaient « ah tiens ça me dit quelque chose, j’ai l’impression d’avoir déjà entendu ». Avant, on avait des noms horribles, on a eu « Sweet Root Liquorice ».

[Loïk :] J’adore les palindromes, alors j’ai proposé plein !

[Evan :] Dont « Evil Olive », sérieux… On pourrait peut-être en faire un morceau. Ça sera moins dark que d’habitude !

www.alisonandthetwins.com

FICHE CD :
Alison & the Twins
Autoproduction
3.5/5

Auteur : Alain Foulon

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