ALICE TORRENT, piano hanté du Valais

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Compositrice trentenaire qui se contentait de jouer dans son salon jusqu’ici, a finalement laissé exprimer son talent au grand jour, heureusement pour nous.


D’où sors-tu Alice Torrent ?
Je fais de la musique depuis toute petite. Ma maman me chantait des chansons à la guitare pour m’endormir et j’avais un piano à la maison. Elle m’apprenait à faire des deuxièmes voix sur des chansons d’enfant. Et du coup, ça m’a paru très naturel de faire de la musique et de chanter. J’ai passé tout mon temps libre à composer. Je n’ai jamais joué de reprises. Je ne chante jamais avec la radio. Mon plaisir c’est vraiment de composer des chansons. J’en ai plein qui sont très éphémères d’ailleurs. Ça me libère en fait. Et puis finalement, après pas mal d’années de composition et des expériences avec quelques groupes de la région, je me suis dit que c’était le moment d’aller enregistrer quelque chose pour mettre au propre quelque chose, enfin. J’aurais préféré être avec un groupe mais il y en a toujours qui tirent plus sur la corde que d’autres, il y en a qui ont plus de temps, pas la même motivation et puis du coup, c’est compliqué alors je me suis dit que c’était bien de faire ça toute seule.

Tu dis que tu as beaucoup de morceaux, comment a pris forme ‘Phantom Limb’ ? Comment as-tu décidé quels morceaux allaient figurer dessus pour qu’il soit cohérent ?
Ça c’était un peu compliqué. Finalement, c’était celles que j’arrivais à chanter car il y en avait beaucoup qui me sortaient par les oreilles (rires) et puis j’ai gardé celles que je préférais chanter. Il y en a de nouvelles qui sont arrivées pendant que j’étais en studio. Ça a été plus sur l’instant, qu’est-ce que j’ai envie de jouer, qu’est-ce que j’ai envie de chanter. Ce n’était pas vraiment réfléchi.

Lorsque tu as entendu le résultat, tu t’es dit que c’était ce que tu t’imaginais ?
Ça a été un long processus, le studio. En même temps, c’était Walt Disney pour moi car c’était un terrain de jeu absolument génial avec des gens qui savent utiliser du matériel et des musiciens. Et de l’autre côté, pour moi, enregistrer une chanson, c’est la figer et c’était un peu, entre guillemets, la tuer et lui dire ‘tu vas rester toute ta vie comme ça !’ C’était hyper compliqué pour moi de me dire que, alors qu’il y a tout cet éventail de possibilités et d’arrangements, de m’arrêter sur quelque chose. Du coup, à la fin lorsque je me suis retrouvée avec le disque, je me suis dit que j’aurais pu faire encore un milliard de choses mais finalement j’ai fait déjà beaucoup d’arrangements, j’en ai enlevé. Je ne m’imaginais pas vraiment quelque chose à la base donc du coup, je l’ai plus découvert.

Tu parlais des arrangements. Je l’ai trouvé très sobre, simple, tu vas à l’essentiel avec un peu de cordes, comment tu les crées ?
C’est au feeling sur le moment et aussi avec les musiciens qui ont apporté leur patte. Pour les deux violoncelles, c’est moi qui ai donné mes envies. Le guitariste, Dominique Dupraz, a pas mal amené de lui-même. J’essaie plein de choses et finalement, il y a un tas de trucs et puis je les enlève. J’adore empiler les trucs.

J’ai trouvé que c’était un album assez mélancolique, assez sombre, pourtant quand on te voit c’est pas du tout ce que tu dégages. Cela a-t-il toujours été comme ça quand tu composais ?
C’est assez marrant parce que qu’effectivement dans la vie, j’adore rire, je dis très facilement les choses qui me plaisent et tout ce qui croche un peu, les choses un peu plus compliquées, j’ai de la peine à les exprimer donc du coup, je crois que c’est par la musique que ça sort. Et puis en fait, j’écoute beaucoup de musique comme ça, un peu sombre, un peu noire, un peu triste, ça me touche plus que les ‘happy’ chansons (rires).

J’ai bien quelques noms en tête lorsque j’écoute ton album, mais c’est vers qui tu vas puiser ces ambiances ? J’ai pensé à Tori Amos, Fiona Apple…
J’ai beaucoup beaucoup écouté Tori Amos, Fiona Apple, PJ Harvey. Radiohead énormément. Je pense que ça m’inspire, toutes ces musiques. Après, jamais je me suis dit que je voulais faire un truc un peu comme eux. Je ne m’inspire pas vraiment consciemment.

Ce genre d’héroïnes féminines au piano comme Fiona Apple ou Amanda Palmer, c’est finalement assez américain, ici en Europe, il y en a peu.
Ouais peut-être Sophie Hunger un peu. Anna Aaron aussi.

En parlant des chanteuses suisses, ce sont des gens qui t’inspirent ?
Oui je les trouve fantastiques ! Evelinn Trouble aussi. On en a plein en fait ! (rires) Aurélie Emery ou Kassette, Emilie Zoé. C’est fou d’avoir autant de filles !

Comment ça se passe pour toi sur scène avec ces morceaux que tu jouais que pour toi avant ?
Le 18 novembre (2016), la date du vernissage, en fait c’était mon premier concert ! C’était compliqué. A force d’attendre… comme je suis perfectionniste, je ne voulais pas présenter quelque chose qui n’était pas comme je souhaitais, alors j’ai attendu, attendu et puis, c’est devenu une espèce de truc hyper compliqué. Je me suis dit ‘je suis trop timide pour faire ça, je ne vais pas assurer’, toutes les angoisses qu’on peut avoir. Et puis finalement, c’était fou, je n’imaginais pas… La première note, ça m’a plongé exactement… l’essence de la composition… comme une odeur qu’on sent et qui nous ramène à un moment qu’on a vécu. Et puis, ça m’a ramenée loin ! Beaucoup plus loin que quand je suis toute seule et puis que je joue mes trucs. C’est fou, j’ai adoré, je partais et je ressortais entre les morceaux. Tous ces entre-morceaux qui sont plus durs à gérer que les morceaux vraiment. Là, j’ai du boulot ! (rires) Et j’ai jamais aimé être trop exposée, j’aimerais bien que les musiciens soient tous devant moi, mais c’est un bon exercice et c’est incroyable, cette intensité que le public crée.

Tu parlais avant de figer tes morceaux sur l’album. Sur scène, c’est l’occasion de les réanimer ?
En fait, ça fait du bien parce qu’elles se réoxygènent, je trouve qu’elles reprennent vie, on peut faire d’autres trucs. On a fait cinq chansons avec des violoncelles sur scène. C’est agréable. Elles évoluent en fait.

Peux-tu me parler des musiciens qui t’accompagnent ?
Il y a Dominique Dupraz, le guitariste avec qui je joue depuis presque dix ans. Il a joué sur l’album, il a vraiment mis sa patte. Et puis sinon ce sont tous de nouveaux musiciens. Il y a Sonia Bossard à la basse, qui chante aussi. Sam Amos à la batterie et il y a deux violoncellistes qui se partagent les dates Dominique Jordan et Jordan Gregoris.

C’est un album hyper abouti. Est-ce que tu penses que ça aurait été pareil si tu l’avais sorti bien plus tôt ?
Je n’aurais peut-être pas assumé mes chansons d’il y a dix ans. J’ai bien fait d’attendre, d’essayer de trouver ma façon de chanter et ce que je veux exprimer. Aussi dans l’énergie, dans la voix. J’ai eu une période où j’aimais bien gueuler, surfaire tout ce que je faisais et finalement ça n’aurait pas été une bonne idée.

Ta voix se marie bien avec le piano. Tu as pris des cours ?
J’ai pris quelques cours de piano quand j’étais petite et ça m’a pas plu du tout car on me disait ce qu’il fallait faire (rires). Et mon plaisir, c’était de faire ce que je voulais. C’est vrai que j’ai des barrières techniques. Quand je suis en studio, je les entends, mais bon voilà je fais comme je le sens. Mais finalement, c’est cool aussi d’avoir ce côté très brut et très naturel.

Tu vas faire quoi pour la suite ?
Des concerts si possible et enregistrer un deuxième album dès que mes moyens le permettront. Là je me suis retenue de composer pendant quelques mois pour me consacrer aux concerts. J’ai dû me discipliner ce qui n’est pas facile pour moi (rires). Mais j’ai envie de recommencer à composer très vite. Ça sera aussi intéressant de voir l’évolution des compositions. Sur le moment, ce n’est pas conscient, mais quand tu prends un peu de recul…

Fiche CD : ‘Phantom Limb’
Boulette Records
Note 4.5
www.alicetorrent.ch/live

En concert le 18 février aux Docks en 1ère partie d’Emiliana Torrini, le 4 mars au Port Franc à Sion, le 21 avril au Bikini Test de La Chaux-de-Fonds et le 19 mai à l’Irreversible Festival à Monthey.

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