D’abord chanteur-créateur du groupe de rock alternatif Your Favorite Enemies — formation québécoise de renommée internationale — Alex Henry Foster se produit depuis une quinzaine d’années, entre les projets musicaux et les tournées, un peu partout sur le globe. Depuis 2018, il mène une carrière solo en parallèle de son groupe principal. L’auteur-compositeur-interprète publie son nouvel album, intitulé Kimiyo, le 26 avril 2024.
Musicalement, Kimiyo s’inscrit dans le post-rock, style caractérisé pour sa composante narrative, à tendance progressive et expérimentale, qui s’éloigne des structures conventionnelles du rock traditionnel. La nouvelle œuvre d’Alex Henry Foster se forge sur ces procédés par son caractère contemplatif et immersif. Menée par une étroite collaboration avec son bassiste Benoit Lemelin, les deux musiciens composent la musique de ce projet qui, initialement, s’annonçait instrumental puisque Foster, qui avait subi une double greffe cardiaque, suivie d’une longue période de convalescence, n’était pas en mesure de chanter à sa juste valeur. Ainsi vient l’idée d’inviter l’artiste montréalaise d’origine japonaise Momoka Tobari à se joindre au projet. Celle-ci deviendra, au fil de la création, le point central de l’œuvre. Elle y pose sa voix sur des textes, d’abord écrits en anglais par Foster, qu’elle a ensuite traduits en japonais. À la lecture des versions anglaises, les thématiques tournent, entre autres, sur l’introspection, la spiritualité et le temps qui passe. C’est ce que nous laisse entendre A Silent Stream, premier extrait paru en mars dernier.
Sur Kimiyo, on traverse une variété de tons. Il n’est pas nécessaire de comprendre le japonais pour en saisir l’essentiel. L’ambiance, elle, se fraye un chemin entre les instruments et les murmures qui s’alternent au premier plan. La tension monte à certains moments comme dans The Edge of Time, où le rythme de la batterie et les lignes de guitares électriques opèrent avec insistance. C’est le cas également de la pièce Nocturnal Candescence qui, à son sommet, dégage une intensité presque anxiogène, mais qui se stabilise en douceur. On assiste aussi à des séquences à plus grand déploiement au niveau des arrangements comme par exemple sur Too Bright to Crumble où les deux dernières minutes évoluent en un crescendo orchestral.
Momoka Tobari représente sans doute la touche onirique des neuf pièces. Elle récite et chante les proses tout en se faisant discrète, voire mystérieuse, et surtout, libre. Cette liberté d’interprétation encouragée par le principal intéressé finit par s’enraciner en nous. Chaque minute de cette traversée musicale se révèle aussi captivante que méditative. On atterrit au bout des soixante-dix minutes avec Under a Luxuriant Sky qui conclue en beauté l’album par, entre autres, les vocalises de Tobari, les instruments à cordes et les couches de synthétiseurs.
Maîtrisant tous les détails de leur production d’album, de la création jusqu’à l’impression, c’est une véritable entreprise que Alex Henry Foster et Jeff Beaulieu, guitariste, grand ami et partenaire artistique de longue date, ont établie avec Hopeful Tragedy Records, situé à Drummondville. La version en vinyle de Kimiyo est accompagnée d’une présentation soignée comprenant un feuillet, des encarts et deux disques marbrés de teintes rosées. Les fleurs de cerisier y sont symbolisées en cohérence avec la thématique japonaise. C’est un vrai objet de collection qui nous est offert.
L’album Kimiyo est une expérience musicale inspirée et étonnamment accessible. Ses neuf pièces baignent dans la fluidité et la nuance que procurent à la fois ses progressions et ses arrangements bien mesurés. Alex Henry Foster signe ici une œuvre remarquable et distincte dans sa discographie déjà étoffée.
4/5