Trois membres du groupe hispanophone le plus américain de Genève ont posé leurs instruments et leurs verres quelques minutes, le temps de nous répondre et de réfléchir sur le sens de la vie et de leur album.
Vous étiez en Russie l’an dernier et vous revenez tout fraîchement d’une tournée sur la côte Ouest des USA ! Pas trop épuisés ? Vous y avez été reçus comment ?
[Julien, guitare :] C’est sûr que partir en tournée est très loin d’être des vacances, même si au final on a quand même réussi à aller à la plage. Le travail d’organisation en amont est colossal, puis il faut enchaîner les concerts en donnant chaque soir tout sur scène, les longs trajets entassés dans un van, les excès de fiesta et le manque de sommeil qui va avec ! Pour être honnête, on est pas encore totalement remis des USA physiquement, par contre mentalement on est (re)chargé à bloc pour défendre le disque dans nos contrées. La dernière tournée nous a permis de tester le nouveau set à fond, de le pratiquer dans des conditions parfois difficiles avec un public qui ne nous connaissait que peu. On a eu beaucoup de chance avec notre chauffeur/tour manager Matt qui a énormément contribué au bon déroulement du tour et également l’équipe de Fryette amplification qui a été incroyablement généreuse en nous fournissant du backline pour jouer dans les meilleures conditions possibles. L’accueil a toujours été plutôt chaleureux, par contre les conditions sont vraiment différentes d’ici (il faut reconnaître qu’en Suisse, on est quand même super bien lotis) ! La concurrence est rude et les groupes se bousculent au portillon pour jouer, du coup les organisateurs n’en ont pas grand chose à foutre que tu viennes de l’autre bout de la planète ! On a aussi constaté de manière générale très peu de soutien entre les groupes. Par exemple avec le backline, chacun joue sur sont matos et ne partage rien, ce qui est complétement insensé pour nous. Malgré tout, on a rencontré quelques groupes avec qui on avait beaucoup de choses en commun et avec qui on espère échanger dans le futur. On a eu aussi d’excellents retours du public et on était même hyper contents de revoir certains visages rencontrés lors de notre tournée précédente en 2017 !
[Bastien, batterie :] La Russie était incroyable, les gens étaient très chaleureux et vraiment motivés lors des concerts ! Super expérience.
[Ricardo, chant :] En termes de public, je trouve que les publics russe et américain ont beaucoup de choses en commun : ils aiment faire la fête et ils écoutent très souvent la même musique et surtout c’est dans les villes les moins connues que tu rencontres les gens le plus curieux de te voir. Puis, en général, si t’es sympa les gens sont sympas avec toi. Rien de nouveau, mais ce sont deux cultures qui nous ont appris beaucoup de choses. Chez les Russes faut quand même signaler une part de sincérité qui est assez rare, il y a une folie vers 2h du mat’… Vodka Brattan !
Votre fan-base suisse est solide et vous êtes depuis longtemps entourés de Greg (mastering) et Randy (label). Vous vous sentez comment dans la scène metal romande ?
[Julien :] On ne change pas une équipe qui gagne ! Travailler avec ces personnes nous a appris beaucoup de choses et nous a permis de mettre la barre toujours plus haut. Que ça soit Drop ou Greg pour le son, ces gars-là te poussent toujours plus loin tout en restant à l’écoute de tes idées les plus absurdes ! Randy est quelqu’un qu’on connaît depuis quasiment les débuts de CardiaC, où il assistait à nos concerts, puis pour partager la scène de nombreuses fois avec ses différents groupes. C’est un plaisir de travailler avec lui et Olivier de Tenacity music, une relativement petite structure qui font du super boulot pour pas mal de groupes de la région !
[Bastien :] On s’y sent bien ! Même si notre musique reste métissée, les gens ont l’air d’y prendre du plaisir et nous aussi, donc c’est cool. Après c’est clair que c’est toujours difficile de faire sortir les Romands de chez eux.
Ce qui étonne tout de suite sur votre nouvel album, « Mañana No Será Otro Día Igual », ce sont les trois invités d’outre-Atlantique ! Qu’est-ce qui a permis cette collaboration et cette organisation ?
[Julien :] CardiaC a toujours eu une tradition d’inviter des artistes que nous apprécions, que ça soit sur les albums ou en live. Cette fois on a voulu marquer le coup en proposant des collaborations plus audacieuses : Sen Dog (Cypress Hill / Powerflo), Billy Graziadei (Biohazard / Powerflo) et Scott Middleton (Cancer Bats). Ce n’est pas un hasard si nous avons choisi ces artistes car chacun d’eux représente une face de CardiaC qu’on a voulu mettre en avant dans certains morceaux. Ces collaborations sont le fruit de rencontres, puis de plusieurs années d’échanges. Ricardo avait fait connaissance avec Sen Dog au FestiNeuch en 2011, CardiaC avait ouvert pour Biohazard à l’Usine de Genève en 2012 et Cancer Bats est un groupe que nous suivons régulièrement en live ces dernières années. Nous avons eu l’occasion de discuter plusieurs fois avec les musiciens qui sont très disponibles. Scott est une des personnes les plus gentilles et humbles que nous ayons rencontrées et c’est un honneur d’avoir son jeu de guitare sur notre disque. Ricardo le connaît via des potes de la scène de Barcelone. On a finalisé ces collaborations durant l’enregistrement de l’album en suggérant les chansons qui nous paraissaient coller aux artistes, à l’exception de Sen Dog qui a finalement choisi un autre morceau. On était un peu sceptiques, mais on a été tout de suite conquis lorsqu’on a découvert sa proposition !
[Ricardo :] Sur six albums il y a en cinq où il y a des artistes invités. Ça fait partie de nos aventures musicales. Toujours envie de rencontrer des musiciens différents, on aime partager notre musique et créer des morceaux qui artistiquement soient intéressants.
Vous aviez déjà travaillé avec Drop (Samael) en 2012 et 2015. Dans quelle mesure apporte-t-il sa touche à CardiaC ?
[Bastien :] Drop est incroyablement patient. Je crois que personne d’autre ne supporterait CardiaC dans leur studio ! Et c’est un sacré musicien, avec une oreille incroyable.
[Julien :] Drop est simplement la personne la plus talentueuse (et persévérante) de la région. Enregistrer chez lui est juste un pur plaisir, tant il est efficace et professionnel. Son côté perfectionniste t’oblige à te pousser hors de tes limites, mais le résultat est toujours là. On a eu l’immense honneur de l’avoir également à la basse sur tout l’album et il a fait un boulot de dingue en enchaînant droit derrière les guitares ! Il a amené un groove et une attaque différente que sur les autres disques, ce dont on est super contents.
[Ricardo :] Drop on t’aime !! Merci ! Il est une perle rare, du pur talent, du travail, du professionnalisme, de la patience, de l’écoute, il a une perspective différente… On est très reconnaissants ! Pour moi il fait clairement partie de notre famille.
Est-ce qu’on pourra s’attendre à quelques versions acoustiques ?
[Julien :] C’est pas dans nos plans, du moins pas dans l’immédiat ! C’est vrai qu’on s’est beaucoup concentrés sur l’enregistrement de l’album, puis la préparation de la tournée cette année, mais on a pas mis l’acoustique de côté pour autant. On a très envie de continuer le délire en testant de nouvelles sonorités, de nouveaux rythmes, pour aller plus loin que « Olas y Rocas ». On a déjà quelques riffs qui tournent et on n’exclut jamais une idée avant de l’avoir testée, mais tout ce que je peux dire, c’est qu’on risque d’en surprendre plus d’un !
[Ricardo :] Moi, ça m’intéresse toujours… On verra. J’ai toujours une guitare près de moi… L’important c’est d’avoir envie de dire quelque chose qui soit artistiquement vivant et qui soit un défi sincère, un moment d’apprentissage. Des fois on peut pas tout calculer et c’est bien de se laisser aller. On vit le présent !
On vous verra sur scène avec Cypress Hill à Zürich en mi-décembre. Tout le monde attend l’apparition de Sen Dog, mais y a-t-il d’autres nouveautés pour le live ?
[Bastien :] Pas vraiment. On essaie d’adapter notre setlist au public bien sûr, mais surtout on va faire ce qu’on fait à chaque fois : donner le meilleur et faire la fête à mort sur scène !
[Julien :] On jouera principalement les nouveaux morceaux qu’on a hâte de présenter, mais on adaptera un peu le set pour le public de Cypress Hill qui sera peut-être surpris de voir du hardcore, même si on a pu constater à Los Angeles que ça pogotait sévèrement à leur concert ! Ce qui est certain, c’est qu’il y aura assez de mojito pour tout le monde et on se réjouit de vous retrouver pour le vernissage le 22 novembre à l’usine de Genève.
Vous approchez des 20 ans de carrière, mine de rien… quel est le secret pour rester aussi soudés aussi longtemps ?
[Bastien :] Pas se prendre la tête, se pardonner quand on dit de la merde ivre. Et surtout écouter « The power of love » aussi souvent qu’il le faut.
[Julien :] Bastien a bien résumé la situation ! On passe énormément de temps ensemble, du coup on a appris à se connaître, à se taquiner sur nos qualités et défauts. L’essentiel est de passer du bon temps et de sentir qu’on avance dans la même direction.
[Ricardo :] On a tous des nombreux défauts, moi le premier, mais je crois qu’on s’aime tous beaucoup et la famille CardiaC est grande, on a réussi sans vraiment faire exprès à porter le nom du groupe aussi loin que possible grâce à la participation de beaucoup de personnes sans qui on serait pas là aujourd’hui. Tout le monde qui participe dans ce projet met du cœur et fait la fête, on vit simplement…
M.O.J.I.T.O. m’a tout l’air d’être une chanson à boire ! Pourtant la plupart des morceaux me paraissent traiter soit de sujets plus émotionnels, soit de sujets plus sérieux, au premier abord…
[Ricardo :] C’est vrai que les paroles, c’est quelque chose qui me tient à cœur. Quand j’écris des paroles, j’aime chanter des choses qui m’aident à avancer dans la vie. Il est vrai qu’il y a des chansons qui parlent de faire la fête mais il n’y a pas que ça. Je pense qu’il y a souvent une même thématique qui revient sans faire exprès, c’est celle de rester positif, d’avancer, d’aller de l’avant face aux difficultés. La vie te fait pas beaucoup de cadeaux et pour moi les paroles doivent être vraies, senties même si tu parles pas la langue, sincères et habitées. Il y a des artistes que j’écoute et parfois une phrase dans une chanson m’a donné le courage d’affronter l’adversité parce qu’elle résonne dans ma tête. Notre musique a pour mission te faire passer un bon moment mais aussi à véhiculer des valeurs PMA.
[Bastien :] Ne jamais abandonner. Ne rien lâcher. Suivre son instinct et garder la tête haute.
Votre nouvel album est sorti un mois plus tôt aux USA qu’ailleurs, même en Suisse… un peu frustrant pour nous ! Pour quelle raison ?
[Bastien :] À la base on espérait faire une sortie physique pour la tournée aux States, mais on a merdé. Du coup on a gardé l’idée pour le digital.
[Ricardo :] Le public américain reste évidemment peu nombreux, mais cela avait du sens d’accompagner la tournée avec la sortie du disque, il faut battre le fer quand il est chaud. Puis, on a toujours rêvé de grignoter une part du marché à Metallica ! Attention Lars ! Ah ah !
[Julien :] CardiaC est un groupe avant tout genevois, mais ce n’est pas un hasard si l’album est sorti d’abord aux USA alors que nous venions de terminer la tournée là-bas, avec des invités internationaux. Avec Mariano, le deuxième guitariste habitant à Madrid et Nacho (ancien bassiste chilien et membre légendaire de la famille) qui nous a rejoint sur la tournée, les gens ont souvent du mal à comprendre qu’un groupe suisse puisse chanter en espagnol et déconner en anglais, du coup le côté international nous colle bien et on a voulu mettre ça en avant. Mais pas de souci, les premiers qui auront le nouvel album en mains seront quand même les Genevois !
Et le petit mot de la fin ?
[Ricardo :] Nous avons fait un clip vidéo avec Sen Dog de Cypress Hill à LA et ça va pas tarder à sortir, puis d’autres dates devraient s’enchaîner avec Cypress Hill, c’est l’aventure ! Merci à tous ceux qui nous ont soutenus jusqu’ici, achetez et soutenez la scène locale, il y a beaucoup d’artistes à découvrir, laissez-vous surprendre, sortez de chez vous, merci à vous !
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FICHE CD:
Mañana no será otro día igual
Tenacity Music
4.5/5
Auteur : Alain Foulon