L’homme-orchestre est le penchant contemporain d’un mélange imprécis entre le troubadour et le fou du roi de l’époque médiévale.
Les dernières années ont vu apparaître un nombre grandissant de nouvelles sensations d’homme-orchestre. Ils deviennent la saveur du mois sur les écrans et disparaissent tout aussi rapidement dans l’éphémérité de leur médium qu’est l’internet. Montréal; ville de tous les vices et de tous les interdits. Montréal; ville de rencontres interstellaires entre tous les gratteux de guitare et les fumeurs de chanvre de la planète, possède aussi son lot de troubadours-postmodernes en les Santosh Lalonde, Dylan Perron et Bloodshot Bill entre autre. La vague est si importante que même Steve Hill veut sa part de la hype. Est-ce qu’il s’agirait d’un mouvement tout à fait opportun considérant nos modes de vie, c’est-à-dire l’indépendance à tout prix? Les artistes n’ont plus besoin de devoir négocier avec les horaires instables de leurs musiciens avant de se présenter en public. DIY.
Xavier Rudd est très loin de l’image stéréotypée de l’homme-orchestre urbain. On a eu droit ce soir au Corona, à une salle pleine, une ambiance carnavalesque, et à d’autres types de stéréotypes. Le personnage qui se présente devant nous n’a aucune ressemblance avec les hommes-orchestre qu’on peut s’imaginer.
Le hippie australien nu pied, probablement (assurément) fumeur de hash marocain avec sa planche de surf et son ballon de foot en arrière-scène. Je ne cherche pas du tout à discréditer le monsieur, au contraire, il a l’air du beau-frère parfait; cool mais responsable, ouvert mais réfléchi. Le parfait stéréotype du hippie trop heureux d’être hippie. « I believe we are one, we are sacred », le spectacle entier au fond est une ode à Gaïa, à la mère-nature et à la beauté dans toute chose. On pourrait vite se lasser d’une proposition aussi « pur », mais on se prend au jeu. Et le bonhomme est si sympathique et talentueux qu’on adopte sa pensée telle un love-guru.
Mais, ce soir, Xavier Rudd fait à sa tête. C’est avec son groupe les United Nations qu’il se présente sur scène. Huit musiciens en tout dont deux choristes aux voix sublimes, un bassiste en habit de Castro, un claviériste drapé de plume de Géronimo, deux instrumentistes qui ont passé la soirée entre le Ukulele, la flute la trompette et le sax, et un percussionniste sans histoire, mais quel musicien, ouff!! L’homme-orchestre, parce que
Xavier Rudd est surtout reconnu pour ses performances solos complètement déjantées. L’un des moments marquants de sa carrière est sans contredit l’album enregistré en spectacle dans un petit studio de Vancouver en 2003 Un album remarquable où le didjeridoo s’imbrique à des riffs parfois progressifs (rapelant Tool ou Dredg), par-dessus des rythmes de « guitar-percussion » tournant en boucle.
Et sa voix si particulière et reconnaissable qui respire l’océan et la plage. Une période marquante pour sa carrière. Toute l’orchestration permet à l’auteur-compositeur de se la couler douce on dirait, de prendre son temps, de jouer quand ça lui plaît, d’interagir avec le public. Peace out man.
Au fond, à quoi ça ressemble la musique de Xavier Rudd? Quelque part entre Jack Johnson et Sublime, un Bob Marley de l’hémisphère ouest, un Manu Chao anglophone, Moglie qui se serait mis à la guitare, ou La Compagnie Créole qui aurait pris beaucoup trop d’acide. « What a beautiful beautiful day » dit-il sous une pluie d’applaudissements. Tout y était pour sentir le Corona virée en beach-party sans les douchs et douchesses de Pointe-Calumet. Une soirée extrêmement festive.
Mike Love, en première partie m’était totalement inconnu. Un autre hippie avec les dreads aux genoux et ses pédales de « loop ». Je ne sais pas à quel point Love était connu du public sur place, mais j’ai rarement assisté à un accueil aussi chaleureux pour une première partie. Son spectacle a débuté 30min plus tôt que ce que l’évènement facebook nous avait préparé. Le Corona était plongé dans un silence de fer pour entendre son poème-chanté a capella (parfois près du Rap) et ses complaintes de granos contre la déforestation. « Take the power back, take the knowledge back, knowledge is power ». Refrain accrocheur que le public chantait en réponse au principal intéressé. Trente minutes excessivement rafraichissantes et une ovation debout de plusieurs minutes pour la première fois de Mike Love en sol canadien. Aurait-il volé la vedette à Xavier Rudd?
Peut-être.
Du moins. Spectacle hautement réussi. On attend toujours la venue prochaine de M. Rudd en solo. Et on ne manque pas Mike Love qui sera de retour au FIJM en juillet.
Texte: David Atman