Du denim savamment décoré, des clopes et des pintes en plastique, de la chevelure au pied carré, sur la terrasse des Katacombes. Des rires, des salutations, de l’amitié et beaucoup de bière. En tête d’affiche: Alcoholator, thrashers montréalais à la carrière florissante, venus donner un spectacle pour le lancement de leur deuxième album «Escape from reality». Comme invités: Dealer, groupe de thrash crossover de Montréal puis Warsenal, formation thrash de Joliette.
Avec tout cela, je me dis que les années 80 n’en finiront plus d’exister. On se les ap-proprie de toutes les manières, une façon d’hommager ceux et celles ayant inspiré nos goûts les plus persistants. Cet amour profond pour une époque révolue, pour une mu-sique déjantée qu’est le heavy metal, donne lieu à des soirées où les têtes s’agitent pour célébrer une énergie propre au genre. C’est ce qui m’enchante à chaque fois puisqu’au-delà du vestimentaire et de l’attitude, il y a la musique que ces groupes s’efforcent de réinventer sans cesse.
Donc, terrasse, gobelets de bière, cendriers et Dealer embarque sur scène. D’un bout à l’autre, presque sans interruption, la formation a enchaîné les pièces. Une perfor-mance concise où s’entrechoquaient riffs affûtés et solos d’un lyrisme inhabituel. Un des guitaristes, Corey, chantait avec une voix canine, presque comme un jappement, ce qui contrastait grandement avec la voix plus conventionnelle du chanteur-guitariste, Rick. On se rappellera surtout de la qualité d’exécution de Corey et à sa voix particu-lière. Arrêt terrasse, pause cigarette, juste à temps pour Warsenal, du thrash metal intel-ligent. À leur arrivée, la foule s’est enflammée. Leur look et leur énergie s’harmonisent parfaitement avec leurs riffs acérés. Ce groupe utilise les schémas du thrash metal de façon astucieuse, notamment en incorporant des changements rythmiques qui lais-sent respirer les compositions. Leur musique est expéditive et chaque instrument est exploité à son maximum. Leur vitesse de jeu et leur énergie folle ont donné de la puis-sance à la performance. Malheureusement, à quelques reprises seulement, les membres du groupe paraissaient légèrement décalés au niveau rythmique, ce qui donnait l’impression d’une masse sonore indéchiffrable. Tout cela ne nous a pas em-pêché de profiter d’un son de guitare basse assumé et puissant joué par un musicien particulièrement doué, Francis Labine.
Une autre escapade sur la terrasse s’impose en attendant Alcoholator et leur sens de l’humour teinté de boisson. La formation sait interagir avec le public. Ils savent déve-lopper une franche camaraderie avec l’auditoire, l’instant d’une performance. On com-prend pourquoi les fans se sont immédiatement embrasés. Le groupe joua des titres tirés de «Coma», leur premier album sorti en 2011, qui fût bien accueilli par la presse spécialisée, et joua des compositions tirées du nouvel album. Alcoholator est un groupe franc, passionné et pertinent pour la scène métal montréalaise.
Malgré le fait qu’ils ne s’aventurent pas vraiment au-delà des patrons musicaux propres au Thrash metal, leur approche est simple et authentique. Leur énergie scénique, leur charisme et leur amour flagrant pour le genre sont uniques. Malgré un son un peu hermétique, on savoure des pistes comme «Alcoholator» et «Wasted (all the time)» avec sa fin eni-vrante qui donne littéralement l’impression d’être wasted. Et que dire de «The Cham-ber» qui s’impose sur l’album «Coma» où les riffs sont sans pitié, le suspense plane et la guitare basse ponctue et donne une belle rondeur au son. D’ailleurs l’album «Es-cape from reality» se démarque grâce à son usage particulier de la guitare basse qui n’était pas exploitée à son maximum sur le premier disque.
En ce sens, certains détails ont retenu mon attention lors de la performance, notamment le son du bassiste Francis Louis XVI que l’on aurait dû amplifier tant sa qualité de jeu est nécessaire à la sonorité du groupe. Malgré tout, une nouvelle maturité s’est installée avec leur deuxième opus. Les compositions sont plus recherchées, leur son plus personnel et moins emprunté aux pionniers du genre. Tous les groupes ont performé avec passion et enthousiasme, ce qui rendait cette soi-rée intime plus chaleureuse encore. Le temps de se diriger vers la terrasse arriva. Retour aux clopes, aux cendriers et aux gobelets de plastique. L’éclairage est doux, les gens sont fébriles et mon amour du mé-tal l’est tout autant.
Texte: Alexandra Perazzelli