Tandis que le Petit Campus se remplit tranquillement, la soirée débute avec The Ballroom Thieves, un trio originaire de Boston venu nous présenter leur premier album «A wolf in the doorway». Première bonne surprise, The Ballroom Thieves n’est pas un «traditionnel» band de rock guitare, basse, drums puisque le groupe se compose de Martin Earley au chant et à la guitare, de Devin Mauch aux percussions et de Calin Peters au violoncelle, ces deux derniers apportant une vraie originalité et une certaine identité sonore au trio.
Première excellente impression lorsqu’ils entament leur set avec «Lantern», les harmonies vocales des trois musiciens se combinent merveilleusement bien, parfaitement juste, presque féérique, la guitare hollow body de Martin procure juste assez de distorsion pour donner un coté blues rock n’roll aux vocaux country/folk des trois instrumentistes.
Les percussions minimalistes de Devin donnent un côté tribal au folk de The Ballroom Thieves avec notamment un djembé africain remplaçant le «kick» standard sur lequel il utilise des baguettes de timbales.
Le son qui en ressort est pesant et ample tout en restant dynamique compensant l’absence d’un bassiste au sein de la formation.
Le violoncelle de Calin quant à lui donne une tonalité dramatique à l’ensemble, crée de la tension avec ses nombreuses dissonances et rend le band plus «edgy» ce qui le démarque du même coup de la masse des bands pop/folk qu’on a l’habitude d’entendre sur les ondes de radio.
Après une couple de chansons, Martin délaisse sa guitare électrique pour une acoustique et The Ballroom Thieves nous embarque comme dans un trip à travers le middle-ouest américains. Les chansons, définitivement orientées folk/pop comme «Archers» avec une pincée de blues lorsque la guitare électrique est de mise sur «Wolf» par exemple sont étonnamment variée en terme de rythme et d’ambiance. Le «lead singer» Martin est tout en nuance dans son chant et son jeu de guitare est sobre, mais incisif, oscillant entre le tranchant des mélodies et la douceur des accords.
Ce même martin semble d’ailleurs apprécier sa première visite à Montréal, il est très loquace et enchaîne les blagues, il se dégage à la fois une décontraction et une dynamique qui fait plaisir à voir, le band est très à l’aise sur scène, la chimie entre les membres du band ainsi que la communion avec le public est excellente, on a du mal à croire que ce band à un background aussi peu «étoffé» tellement le show auquel on assiste ce soir est remarquable en tout point.
À mi-show, Calin, la violoncelliste nous offre en solo une performance vocale de toute beauté sur «Bury me smiling», je me trouve presque honteux de ne pas avoir remarqué plus tôt son impressionnante technique vocale et l’émotion dégagée par sa voix fragile comme le cristal, superbe!
Encore une dernière chanson électrifiée et électrifiante de Martin et sa gang puis le band tire sa révérence en me donnant l’impression d’avoir fait une vraie belle découverte ce soir. Chapeaux bas messieurs et mademoiselle!!!!!
Après un petit quart d’heure d‘« entracte », voici The bros. Landreth qui embarque sur la scène du petit campus tout auréolé de leur Juno Award, “Roots and Traditional Album of the Year-Group 2015”. Par ailleurs, Joey Landreth (chant, guitare) est devenu enfant unique si je puis dire puisque David, son frère a dû quitter leur tournée nord-américaine pour raisons personnelles remplacé au pied levé par son père Wally! La musique est une affaire de famille chez les Landreth!!!!!!
Après un petit discours de Joey sur l’absence de David, son frère et de souligner à quel point il lui manque, le band entame son show avec “Let em in”, une ballade bluesy/pop country ponctuée de passages “lead” au bottleneck, une bonne introduction à l’univers très tranquille et nostalgique du band.
The Bros. Landreth poursuit son set avec “Tappin’ on the glass”, autre ballade pop caressante avec son riff blues en double stop et ses arpèges tout en nuance où la voix mielleuse de Joey s’envole quelque peu sur les chorus.
“I am the fool”, “D’Angelo”, “Made up mind” et le single “Angelina” s’ensuivent et malgré la maitrise technique indéniable des musiciens, le solide couple drums/bass (Cody Iwasiuk/Wally Landreth) et le jeu intéressant de Joey au bottleneck, j’ai le sentiment qu’une certaine monotonie s’installe au fil du show sans doute un peu trop tranquille.
En fait, c’est plutôt le manque de variété dans les chansons constamment mid-tempo ainsi que le registre vocal de Joey dont la voix douce et impeccable manque peut-être un peu de “folie”, d’aspérité, sonnant un peu trop “lisse” sans doute, on aimerait l’entendre s’envoler, on aimerait entendre son cœur chanter avec un peu plus de mordant.
Après “Let it Die” l’une des très bonnes chansons du band, Joey nous offre une belle et poignante prestation en solo pour rendre “hommage” à son frère et nous rappeler combien il aimerait l’avoir à ses côtés ce soir.
Le “duel” de solos guitares sur “Vulture Choir” nous permet de monter un peu en pulsations, Ariel Posen le guitariste “lead” est certainement brillant, mais le band peine quand même à emballer la soirée, encore une fois, tout est parfaitement maitrisé, peut-être trop, on sent comme une retenue dans le jeu et l’attitude des musiciens, dommage, car la musique est vraiment excellente.
“Runaway Train” apporte un peu plus de “rythme” au show tandis que “Nothin»”, “Jesus” et “Our Love” renouent avec leur pop/folk country mid-tempo qui font évidemment le charme de leur musique, mais qui en configuration “live” manque cruellement de rythme.
Un “encore” de deux chansons et The Bros. Landreth nous quitte avec un doux parfum de nostalgie, cette nostalgie qui semble transparaître vivement chez Joey à travers l’interprétation de sa musique qui plus est loin de son frère resté à Winnipeg et dont l’absence semble s’être fait beaucoup sentir dans la dynamique du band.
Un sentiment qui me rappelle à la fois l’éloignement de mon propre frère et cette citation de Gabriel Legouvé qui écrivait “Un frère est un ami donné par la nature”, un frère est une bénédiction, rien ne peut le remplacer et c’est d’autant plus vrai quand on partage avec lui une chose aussi “sacrée” que la musique et je ne pense pas que Joey Landreth me contredirait…
Texte et photo: Ronan Le Hec’h