C’est un peu plus l’automne à chaque jour, ou un peu plus l’hiver et un peu moins l’automne? Un peu moins en vie, un peu plus mort qu’hier? C’est le genre de chose qui me fait faire de l’anxiété…
Décidément les astres nous sont favorables. Depuis quelques semaines il y a des shows intéressants chaque vendredi et/ou samedi (Black Lips, Ty Segall, Iceage, Reigning Sound, Demon’s Claws…) Impossible de tout voir, il faut donc faire des choix déchirants ou se dédoubler. Ce soir c’est direction le Ritz machin.
C’est ma première visite au Ritz PDB depuis les rénovations. Située dans un coin ronflant de la ville, la salle était autrefois connue sous le nom de Il Motore, véritable Mecque des outsiders à Montréal. À première vue c’est plus chaleureux, c’est fou comment un lustre et un peu de bois verni rendent une atmosphère agréable. Il y a aussi les planchettes multicolores qui ajoutent un effet de luminosité, c’est simple et de bon goût. La scène est maintenant à la place du bar, qui lui est rendu sur le mur à droite, à gauche si on est sur scène. L’éclairage me donne l’impression d’être dans une toile de Rembrandt, La Ronde De Nuit, plus précisément. On se sent bien ici, immédiatement. Une belle occasion pour retrouver les Reigning Sound
La formation de Memphis est maintenant établie à Asheville en Caroline du Nord. Greg Cartwright, parrain des garageux à l’âme mélancolique, vient défendre le p’tit dernier avec sa bande. Shattered est le 5ième album studio du groupe. Le band tire ses influences dans les années 60 (Stones, Sonics, Neil Young) et le punk-blues des DMZ. Ici pas de gimmick de poseur à la con, c’est de l’authentique, du rock-garage bien instrumenté avec un filet de voix abrasif, une poignée de verre brisé dans un broyeur. C’est particulier, un peu comme Daniel Johnston, folie et jets de salive en moins. J’adore! Particulièrement les pièces de Too Much Guitar, paru en 2004. Un album intemporel aux qualités mélodiques réconfortantes, du sirop d’érable dans un pain hot-dog.
En première partie, les Birds Of Paradise un des nombreux projets de Roy Vucino (Pypy, Red Mass CPC Gangbang…) accompagné d’Hannah Lewis (aussi vu dans Red Mass) et Warren Auld au fût. Le groupe explore et improvise sur plusieurs pistes à l’aide d’un choix d’instruments éclectique (castagnettes, boîte à rythmes, effets sonores digital). Seul un EP (45tours) est disponible pour l’instant. Intéressant, c’est à suivre.
Je suis un homme méchant, mais c’est déjà trop bon pour toi…
Vers 11h30, les Reigning Sound se présentent. À cinq le groupe occupe une bonne partie de la scène, par chance il n’y a personne en surpoids. Le setlist satisfait à peu près tout le monde, en particulier le couple d’Ontariens venus à Montréal pour voir leur groupe favori. We Repel Each Other, Your Love Is A Fine, If You Can’t Give Me Everything, Drowning, Brake It, sont joués, comme les pièces d’un rappel de luxe avant le temps. Sans oublier Bad Man un vieux rejeton des Oblivians. À la batterie Mikey Post, nouveau venu, incube du gros cognac à même la bouteille, il faut bien se gâter. Cartwright, plus sage se commande un Jack-Coke diet, un pneu à moitié crevé pour le côté rock n roll… Au keyboard, l’indécoiffable Dave Amels est serein, comme l’organiste amateur de l’église du coin. Le géant est toujours souriant, juste heureux d’être là, sur scène avec ses potes. Mike Catanese à la guitare et Benjamin Trokan à la basse, les deux jeunots, assurent comme des vétérans.
La musique des Reigning Sound possède une âme fragile, une chose rare, une belle sensibilité, surtout avec les Banker And A Liar et Is It True? pièce touchante sur la solitude. À 12h45 la salle se vide dans la bonne humeur. Les fumeurs obstruent la sortie, comme d’hab. Il y a beaucoup de barbus, Amish, hypsters ou djihadistes, moi ça me mélange tout ça…
Texte : Fred Lareau
Photos Steve Cabana