Après une longue absence, l’atypique formation Matmatah est de retour sur disque avec l’intense ‘Plates Coutures’ via Space / L’autre distribution / Outside.
Sorti en Europe il y a plus d’un an, ‘Plates Coutures‘ marque le retour en force du mythique groupe rock de Brest. Depuis l’annonce de leur retour en septembre 2016, les membres de Matmatah ont réussi le pari de bonder toutes les salles dans lesquelles ils ont joué. Initiée en février 2017, une tournée marathon de quatre-vingt concerts donnés en France, en Belgique, en Suisse et en Corée s’est achevée magistralement en décembre dernier.
Un grand, et presqu’inespéré retour donc. Le résultat ? Une immense bouffée d’oxygène à un moment où l’atmosphère générale est emplie de tensions. Dans cette ambiance délétère de fin du monde permanente, Matmatah répond aux maux par les mots.
« Ça y est, nous y sommes », clament-ils d’ailleurs d’entrée. Le message vaut autant pour saluer leur retour après neuf ans d’absence, que pour souligner le triste état de notre planète, dans un déluge d’électricité et avec un refrain atomique. L’expression « fin de civilisation » est lâchée dans un texte aussi cynique que désespéré. ‘Nous y sommes‘ stigmatise l’égoïsme et l’aveuglement d’une Humanité dont le baroud d’honneur est tout sauf glorieux. L’évidence mélodique de ‘Lésine pas‘, qui appelle à inverser la tendance et à faire parler l’amour plutôt que la haine, se pare d’une ironie bien sentie (« T’inquiète, il en restera »).
Avec son riff sulfureux, ‘Petite frappe‘ renoue le temps d’une chanson avec de légères consonances celtiques, histoire de boucler la boucle, et dénonce surtout des horreurs dans un format purement rock. Un délicieux paradoxe qui joue encore sur les mots en y mettant « le cœur à l’outrage ».
Un peu d’histoire…
En 1998, lorsque Matmatah sort son premier album, ‘La Ouache‘, le jeune groupe brestois ne s’imagine pas encore que le train vient de démarrer et qu’une fois lancé à pleine vitesse, les escales se feront rares. Contre toute attente, le phénomène Matmatah s’exporte rapidement hors de Bretagne et le groupe s’affirme comme une place forte du rock hexagonal : les disques s’écoulent à un rythme effréné, les tournées sont sold-out. ‘Lambé An Dro‘, ‘Emma‘, ‘Derrière ton dos‘ et ‘L’apologie‘ sont autant de nouveaux hymnes pour une génération pas encore frappée de plein fouet par la crise.
En 2001 sort ‘Rebelote‘, gorgé d’influences classic rock. Artistiquement, le groupe amorce un virage radical et l’assume. Matmatah évolue, comme le monde qui l’entoure.
Le troisième album, ‘Archie Kramer‘, marque un passage à l’âge adulte. Après avoir profité de l’insouciance de ses vertes années, le groupe délivre désormais des messages plus concernés. « La décadence d’une Amérique à contempler sur Fox » évoquée dans la pièce Alzheimer résonne d’ailleurs encore étrangement aujourd’hui. Matmatah continue sur sa lancée avec un quatrième album, ‘La Cerise‘ (2007). Mais la longue tournée qui suit exacerbe les tensions et le groupe tire sa révérence en 2008.
Fondu au noir. À l’occasion des vingt ans de la création de Matmatah, Eric, Benoît et Tristan regardent avec tendresse dans le rétroviseur et publient, en 2015, le coffret ‘Antaology‘, offrant de nombreux inédits, démos ou versions live. L’idée d’une reformation fait alors son chemin. Mais pour eux, il ne s’agit pas simplement de partir sur les routes jouer d’anciens titres. Ils ont des choses à dire. Il est à nouveau temps d’écrire.
Matmatah embarque en août 2016 pour l’Angleterre, accompagné du réalisateur Bruno Green. En l’espace de quelques semaines, les automatismes reviennent, le sentiment d’urgence jaillit de la section rythmique, toujours constituée d’Eric Digaire et de Benoît Fournier. La voix de Tristan Nihouarn, tantôt tranchante, tantôt émouvante, n’a pas bougé. Il est plus que temps de refaire connaissance avec Matmatah.