La pandémie aura eu le mérite de renvoyer les groupes à leur composition plus vite que prévu. En voici une belle preuve avec »Aphelion », le spontané, l’instinctif. Leprous nous a toujours surpris en bien il est vrai. Même si ce nouvel album n’est pas aussi percutant et incroyable que »Pitfalls’, il en offre bien assez pour nous rassasier pendant plusieurs mois.
Sur ‘Pitfalls’ tu parlais de ta dépression. Comment as-tu vécu cette dernière année et demi de pandémie, qui fut très difficile mentalement?
En fait, mes problèmes viennent de l’intérieur. Lorsque les problèmes sont externes, je gère assez bien. Bien évidemment, c’était un coup dur pour tout le monde, mais j’ai réussi à garder la tête haute, je ne pense pas que ça ait rendu mes problèmes pires, je n’ai pas été en difficulté plus qu’auparavant… Donc c’est positif, c’est juste? (rires)
Le plus positif, c’est votre nouvel album! Il est sorti bien plus tôt que prévu.
Ce qui était incroyable, c’est qu’on avait tous beaucoup de temps à disposition en même temps. Donc on n’y a pas réfléchi à deux fois et on a commencé à enregistrer. Généralement, on passe de tournée en album et d’album en tournée, donc là, on devait rester actif et on a énormément écrit. C’était important pour moi, car cela fait partie de moi et de mon identité. Si je ne suis pas un musicien, je perd une partie de moi-même. Donc même dans les moments difficiles, tu trouves cette énergie en toi. Parfois même, cela t’extirpe de ces moments-là, cela t’offre du réconfort. Cet album est plus instinctif, moins planifié.
Certains artistes ont besoin de temps pour se recharger, et recharger leur créativité. »Pitfalls » est sorti en 2019, vous aviez toujours des moments créatifs en stock sur »Aphelion » ?
Je ne sens pas ma créativité faiblir, ce n’est pas dans ma nature. La créativité me tombe dessus, et j’y travaille beaucoup aussi, je me force à travailler, à écrire, je n’ai pas besoin de me ressourcer, de me recharger. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur d’autres projets, nous avons fait des live streams. J’adore écrire de la musique donc je n’attends pas que l’inspiration arrive, cela fait partie de moi.
Cet album est plus instinctif, vous avez aussi fait participer des fans sur cet album (ndlr : ils pouvaient se prononcer sur certaines options musicales).
On a fait une semaine entière de live streams et ils ont pu interagir avec les paramètres des chansons, le tempo, l’instrumentation… C’était beaucoup plus difficile que je ne l’aurais imaginé ! Mais j’ai beaucoup aimé cette expérience, même si nous ne nous attendions pas à ça du tout ! J’ai l’impression que cette idée était la plus créative de tous ces live streams qui sont sortis, pour ne rien te cacher (rires) !
»Pitfalls » était un énorme pas en avant pour le groupe. Musicalement parlant, c’était difficile de faire »Aphelion » ?
Tu as raison, en matière de musique, on s’est vraiment poussés en avant. On ne regarde jamais en arrière et nous essayions de faire quelque chose que nous n’avions jamais fait. Dans la vie, tu n’es jamais à la même période, tu progresses, tu changes. Je pense qu »’Aphelion » nous a aussi mis sur une nouvelle route, un peu comme un effet boule de neige, car nous avions tous les éléments à disposition. Je ne pense pas que nous avons incorporé de nouveaux éléments, mais tout est plus organique, viscéral. C’est une première pour nous ! C’est un album très varié et je le recommanderais aux personnes qui ne nous connaissent pas. Il contient de multiples éléments de Leprous.
Je trouve que tu as écrit les morceaux les plus pop de ton répertoire !
Non ! (rires) Sur »Pitfalls » il y a plein de morceaux pop ! Je ne me vois pas écrire des morceaux accrocheurs à la sauce pop, même si nous aimons les hooks et les éléments accrocheurs, mais pas estampillés »populaires ». Après je respecte ton opinion, même si je ne suis pas d’accord ! (rires) On fait du prog, cet album est super prog. »Below » est un morceau assez accessible, »Running Low » est plus calme…
C’est un savant mélange ! C’est ce qui est intéressant dans votre travail. Vos paroles sont très sérieuses, mais votre musique est très claire et positive.
C’est assez inconscient. Je n’y réfléchis pas vraiment lorsque j’écris, je suis mon instinct. C’est bien d’avoir cet équilibre, ces moments de balance, surtout dans le prog.
Qu’as-tu appris sur toi-même en travaillant sur »Aphelion » ?
Chaque morceau a été écrit de manière différente et originale, je pense que j’ai appris sur ma façon d’écrire et appréhender les morceaux.
Et comment as-tu appréhendé ces fameux live streams ?
Ils nous ont vraiment sauvé pour ne rien te cacher. On voulait faire de nombreuses choses, rester en contact avec les gens, rester dans leur esprit. On va peut-être faire quelques livre streams lors de nos vrais concerts, je pense que les gens se sont habitués à ce format maintenant et acceptent plus cette idée. On aime cette option pour les gens qui ne peuvent pas être avec nous dans la même salle.
Tu as aussi fait des concerts solo acoustique. Pourquoi ce choix ?
Je me sentais de plus en plus confiant avec moi-même sur des morceaux plus épurés. J’aime bien cette idée de faire des trucs »à moi ».
»Aphelion » signifie l’endroit le plus éloigné du soleil d’un objet qui est en orbite héliocentrique, une métaphore qui signifie un endroit difficile d’accès pour les humains. Quel est le plus grand challenge pour la race humaine, d’après toi ?
Cela représente le monde dans lequel nous vivons. Je dirais que nous sommes le plus loin de la lumière en ce moment. Nous sommes loin du soleil, mais il y a toujours des choses à faire, il ne faut pas abandonner. Tu peux toujours faire des choses, aller de l’avant, utiliser la situation à ton avantage. Comme sur la pochette de l’album, ce petit personnage montre que tu peux trouver quelque chose à l’intérieur de ce bâtiment, quelque chose d’intéressant, même avec le monde entier qui l’entoure. Il faut faire la paix avec toi-même.
C’est assez optimiste !
Oui ! Mais il faut être réaliste, si tu es optimiste tout le temps tu ne sais pas ce que le monde te réserve ou te jette dans la figure.
Tu peux citer un ancien artiste et un nouvel artiste qui t’inspire ?
Définis »ancien » (rires), j’aime bien Bach ! J’aime bien Radiohead aussi, même si c’est un poil plus vieux que moi.
Es-tu familier avec l’univers de Steven Wilson ?
J’aimais bien Porcupine Tree quand j’étais jeune, mais je ne les écoute plus vraiment, car ils sont assez similaires à nous sonorement parlant.
Vous allez célébrer le vingtième anniversaire de Leprous. Qu’est-ce que le Leprous »adulte » dirait au »jeune » Leprous ?
Je lui dirais : fais ce que tu veux ! Ne te laisse pas abattre par la scène musicale. Chaque choix que tu fais va te mener à quelque part d’autre. Suis tes envies, ton chemin. Ne perds pas de temps avec les gens qui n’en valent pas la peine.