«I’m the Lizard King. I can do anything.» clamaît Jim Morrison en 1968, en plein trip psychédélique sur l’album Waiting for the Sun. The Doors, toujours quelque part à mi-chemin entre le clownesque et le tragique ainsi qu’entre la poésie en spoken-word et le Blues-Rock.
Des centaines de groupes ont tenté depuis les 70’s de faire revivre le style — le blues chaotique avec un chanteur fou. Jamais nous n’aurions pu imaginer que celui qui sortirait du lot serait un francophone nommé Serge Brideau, un ambulancier natif de Tracadie. Loin de moi l’idée de prétendre que son groupe, Les Hôtesses d’Hilaire, est une pale copie des Doors, ou que son personnage est une caricature du vrai Roi Lézard. Nous ne faisons pas du tout ici, avec la musique des Hôtesses d’Hilaire, face à une copie, mais bien plutôt à une référence et un héritage. L’héritage qu’a laissé Morrison sur Brideau c’est la liberté de parole, la mise en scène chaotique, l’envie de choquer, de faire rire… au fond l’envie — mais surtout le besoin — de déboussoler. Le dernier album des Hôtesses d’Hilaire «Touche moi pas là» est une ode à la liberté de parole, et de critique, si importante chez Morrison, mais chez plusieurs autres aussi: Plume et Francoeur, Gainsbourg et Zappa.
Nous avons brièvement parlé à Serge Bribeau, en plein test de son, quelques heures avant sa montée sur la scène du Lion d’Or pour le lancement de son album dans le cadre des Coups de cœur francophone.
D.R.: Les Hôtesses d’Hilaire fait penser à un nom de groupe d’un quatuor à cordes féminin faisant dans le pop-country. D’où est-ce que ça sort?
Serge Bribeau: Avant on s’appelait Serge et ses Orifices, mais la gérante n’aimait pas ça. Hilaire c’est mon père. Il fête son 78e anniversaire aujourd’hui (vendredi 13 novembre). C’est lors d’une soirée bien arrosée que notre choix s’est arrêté sur les Hôtesses d’Hilaire.
D.R.: La pièce Regarde-Moi — sans contredit la meilleure de l’album, elle tourne d’ailleurs en boucle chez moi depuis deux semaines — est une critique virulente d’une nouvelle condition sociale. Un regard anthropologique sur le déroulement de la vie sociale. La critique, et le besoin de critique sont profonds. On ressent la nécessité de s’établir dans un autre ordre des choses, de se distancer des nouvelles normes sociales. La pièce critique précisément le besoin d’être vue comme symbole de réussite. Au fond pour vous, qu’est-ce que la réussite?
Serge: (après quelques secondes de réflexion, et une petite montée d’émotions) la première fois que des petits jeunes de la polyvalente pas loin de chez nous, ont repris une de nos chansons. Cette journée-là, je me suis dit que j’avais réussi. Quelqu’un a pris la peine de faire l’effort. Pour moi c’est une réussite. J’aime faire des shows, avoir du fun et tripper avec le monde, c’est aussi tout simplement ça pour nous la réussite. Pour moi c’est thérapeutique de faire de la musique, c’est un besoin de créer.
Sur scène le personnage est tout à fait à son aise. Il prend l’espace nécessaire et implique le public dans son délire. Ses histoires nous choquent et nous font pisser de rire. Le groupe a donné une excellente performance, peut-être un peu courte par contre, mais non moins efficace. Et cela malgré la soirée bien alcoolisée qui avait précédé, au sous-sol du Cercle à Québec, la veille.
Seul aspect décevant du concert fut l’énorme quantité d’effet de reverb dans la voix. Malheureusement, la balance de son nous a fait perdre beaucoup de mots ce qui nous rendu incapable de bien suivre les histoires du bonhomme qui se laisse souvent aller dans le spoken-word. Mais léger détail qui n’a pas empêché le public de passer une agréable soirée.
D.R.: Qu’est ce qu’on vous souhaite pour 2016?
Serge Bribeau: Des shows, des shows, et encore des shows…
On arrête ici. Même le Roi Lézard a besoin de repos.
Entrevue réalisée par: David Atman