1990, j’ai 12 ans, je suis assise sur les marches de l’entrée à l’extérieur de la maison avec mon ‘cassettophone’ et j’attends ma meilleure amie, comme tous les soirs. Mais ce soir-là va être différent de tous les autres, l’Apocalypse va me tomber dessus et je ne le sais pas encore.
Ma pote se pointe en courant comme une dingue, une cassette violette à la main en hurlant : ‘Mate la pochette, elle déchire !’. Effectivement, elle a raison : un motard genre Silver Surfer, sur une moto en forme de dragon surplombe une ville en fusion. On kiffe de suite. On n’a encore rien vu. Ma copine met alors la cassette dans l’appareil. Et c’est la claque dès les premiers riffs. On en reste scotchées tellement c’est bon ! On n’a jamais rien entendu de pareil auparavant ! La voix d’Halford nous transporte dans un monde futuriste à la Mad Max, mâtiné de ‘Class of 1984’ et de ‘Hardware’. Plus les morceaux s’enchaînent, plus je me dis que je suis en train de vivre le plus beau souvenir musical de mon existence. Mon cœur palpite, mon corps tremble de joie, j’ai un orgasme sans le savoir !
Ca rue dans les brancards de suite: ‘Painkiller’, c’est de la sueur, du mâle, de la violence, des riffs de malades et des solos de demi-dieu de la gratte ! Super bien mixé même sur une cassette pourrie, il va sans dire que j’ai acheté le CD au moment même où j’ai touché mon argent de poche ! ‘Hell Patrol’ continue sur la lancée de l’album avec un rythme d’enfer, lourd et puissant, accompagnant à merveille les tremolos d’Halford et les notes nasillardes de la gratte. Avec ‘All Guns blazing’, on passe la seconde et la troisième avec ‘Leather Rebel’. On dirait un concept album futuriste, un truc qui nous donne envie de regarder de la SF 80’s crade avec du pop corn et un joint. ‘Metal Meltdown’ nous achève et la cassette fait ‘clic’. Alors, fébrilement de nouveau, on change de face et on attend le deuxième round, excités comme des puces.
Judas nous frappe direct à la mâchoire avec ‘Night Crawler’ (Bewaaaaaaaare the Beaaaaaaaaaast) : là, franchement, c’est la première fois de ma vie où j’ai envie de tendre l’autre joue pour en reprendre une dans la gueule ! ‘Between the Hammer and the Anvil’ reste dans la veine du style du groupe, puis arrive ‘A Touch of Evil’. Et là, c’est le pied : tout est parfait ! La mélodie, la voix, les riffs, le rythme, les paroles, l’ambiance… je suis amoureuse d’un morceau et le resterai toute ma vie. Si le Diable avait un nom, il se nommerait Judas Priest. A la fin du morceau, j’ai à peine le temps de redescendre de mon nuage de souffre. ‘Battle Hymn’ et ‘One shot at Glory’ achèvent le peu de raison qui me reste. Et la cassette de faire ‘clic’, annonçant la fin des réjouissances.
La cassette a rendu l’âme tellement je l’ai écoutée. Le CD trône dans ma médiathèque, je ne le passe à personne, c’est mon miracle perso ! Je n’ai jamais rien entendu depuis qui vaille la peine à ce point là, qui me transporte à ce niveau-là. Comme un drogué, j’espère encore trouver le shoot musical parfait, qui me fera ressentir ce que Judas m’a offert en 1990. Cela ne s’est point produit mais je ne désespère pas.