Jinjer – Entre mur du son et mur de fleurs

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À l’occasion de la sortie de ‘Wallflowers’, petite entrevue entre deux avions avec la chanteuse célèbre pour sa voix aussi brutale que douce et le bassiste en réalité aussi doux qu’il a l’air brute.

Vraiment navré d’aborder ce sujet qu’on a déjà trop entendu, mais c’est inévitable… Où vous situez-vous dans l’échelle du  »on est vidé de tout énergie avec cette pandémie… » à  »complètement rechargé à bloc et faut que ça sorte ! » ?

Eugene Abdukhanov (basse) : On est entre-deux. C’était déprimant et rester à la maison était parfois une plaie… jouer nous manquait, depuis un an et demi. Mais on a aussi tellement besoin de sortir que c’en était d’autant plus réjouissant. On a utilisé cette énergie pour créer notre nouvel album, faire de nouvelles musiques et des vidéos, c’était vraiment une échappatoire nécessaire pour nous !

Vous avez l’air extrêmement proches, dans Jinjer. Est-ce que ça vous a aidé à surmonter ça ou bien c’était justement plus dur ?

Tatiana Shmayluk (chant): C’est une bonne chose de pouvoir être ensemble, mais aussi de pouvoir se séparer quand il faut. Par exemple quand on passe tout notre temps dans le tour-bus, ça peut parfois être irritant… Mais nous sommes vraiment très proches, après toutes ces années de tournées ensemble, et finalement, être éloignés est plus douloureux qu’autre chose pour nous.

Dernière question sur le sujet, à quel point est-ce que ça vous tape sur les nerfs qu’on vous pose des questions sur la pandémie ?

Eugene : Oh oui, on nous pose souvent plus de questions là-dessus que sur notre musique !

Tatiana : On essaye de prendre nos distances avec la pandémie, de nous focaliser sur les aspects positifs et on ne passe pas notre temps à se plaindre.

Eugene : En fait le problème qu’on va avoir bientôt est que certains n’arriveront pas à s’en défaire. C’est important de faire face à ses peurs, d’outrepasser la situation et de revenir à une vie normale. Peut-être pas tout de suite, mais il faudra le faire.

Vous revenez tout juste d’Israël, bravo pour ce premier concert depuis longtemps ! Comment était-ce ?

Eugene : Justement, c’était super plaisant de voir que les choses étaient enfin revenues à la normale. Ça se répandra dès qu’on aura appris à contrôler la situation, avec assez de vaccins. Israël est la preuve que c’est tout à fait possible.

Est-ce que le fait de venir d’Ukraine, notamment d’une région propice aux conflits, vous a parfois joué des tours, que ce soit par les critiques, les organisateurs de concerts, ou autres, quant au fait d’avoir à se prononcer pour ou contre l’Europe ou pour ou contre la Russie ?

Eugene : On ne nous a jamais posé la question, heureusement. C’est stupide, on est des musiciens, on n’est pas  »contre » quelqu’un, mais  »pour » quelqu’un ou quelque chose. Pour la paix. Pour l’unité. Si chacun voyait les choses de ce point de vue,  »pour ou contre X », il y a tellement de mauvaises choses partout, dans les pays, les gouvernements, etc. que tu ne pourrais plus aller nulle part. Rien ne rassemble les gens aussi bien que la musique ! Quand on joue en Allemagne, le public vient de toute l’Europe. Il y a quelques jours en Israël, on a entendu des fans parler russe, hébreu et plein d’autres langues, sans problème. Et ça donne justement la valeur à ce qu’on fait.

Tatiana (à Eugene) : Mais n’es-tu pas  »contre » la guerre justement ?

Eugene : Ah… non, non… Je suis  »pour la paix ». Si je me battais contre les gens qui font la guerre, je ne vaudrais pas mieux !

Donc être  »pro-paix », par exemple, c’est avoir une position politique, qui est la vôtre, mais artistique et pacifique. Ça a été influencé par votre expérience des tournées ?

Eugene : Exactement. En Ukraine, tu trouveras difficilement de gens avec des valeurs et un esprit plus ouvert que le nôtre. En fait, traverser l’Europe pendant de longues années nous a apporté un gros héritage. On a vu des gens vivre ensemble, sans problème de race, de nationalité, religion… Maintenant on est libres de tout ça, ça nous passe complètement au-dessus. Et ces valeurs-là m’inspirent !

En parlant d’inspiration, quelles sont vos principales sources, avec lesquelles vous composez et travaillez ?

Tatiana : Tout m’inspire. Je fais ma propre inspiration, en puisant dans mon monde intérieur et dans le monde extérieur. Ça peut être un film, un livre, aussi bien que ce qui se passe dans le monde. Rien de nouveau, chaque artiste abreuve ses idées de sources d’inspiration extérieures… Si j’étais allée dans l’espace, ça en serait une ! Par exemple, le morceau ‘Dead Hands Feel No Pain’ commence avec des corbeaux qui coassent… en général pendant le printemps, j’entends les corbeaux coasser vraiment tôt le matin, sous le ciel nuageux, à travers mes fenêtres.

Eugene : Littéralement n’importe quoi peut inspirer. Même un rayon de soleil à travers les vitres.

J’imagine qu’après avoir fait un morceau, vous vous demandez comment ça rendra sur scène… Est-ce que vous écrivez parfois au format  »pour la scène » ou bien est-ce juste une coïncidence que votre musique soit parfaitement adaptée aux concerts ?

Eugene : Ah ah ah, non, on n’a jamais fait ça… Je me demande qui ferait ça !

Tatiana : Bah, il y a des tas de groupes qui incluent des passages populaires exprès pour faire chanter la foule ( »ooh-oooh-oh » en chœur, ou  »hey, hey, hey » avec le poing en l’air, etc.).

Quand le public chante la fin de ‘Pisces’ avec moi en concert, c’est vraiment fantastique. Et quand il a crié  »Booyah » avec moi à l’unisson, ça m’a beaucoup surprise et beaucoup plu ! C’est le public qui décide finalement, qui trouve lui-même ce qu’il peut chanter ou crier… on ne le planifie pas.

Eugene : Notre état d’esprit est constamment que notre musique ne doit pas laisser le groove de côté. Ça doit groover, tout le temps, il faut que ça fasse bouger la tête quand tu l’écoutes. Le reste vient naturellement, les walls of death, le chant en chœur, et tout.

Une musique composée vraiment à l’intuition, donc ! Pourtant, c’est une musique plutôt sérieuse, surtout dans les paroles, mais aussi dans le style et la production. Est-ce que vous vous verriez aussi écrire des morceaux plus légers, plus funs, voire festifs ?

Tatiana : Ce n’est pas trop mon trip, le genre folk-metal-festif ou chansons à boire. Je ferais plutôt du reggae, quelque chose de léger mais de cool. Peut-être du jazz ou du funk, dans la même idée.

Eugene : Pourquoi pas un peu de rap, d’ailleurs. Ça me fait penser que j’aimerais bien partager la scène avec Cypress Hill !

Cypress Hill, c’est du sérieux aussi ! Je sais que vous ne voulez pas simplement produire une réplique de vos gros succès, comme  »Pisces » ou  »Judgement (& Punishment) »… mais vous arrivez toujours à ajouter une petite touche originale à quelques-uns de vos morceaux. Est-ce qu’on pourrait s’attendre pour la suite à des changements de direction plus forts, par exemple plus d’acoustique, d’électronique, de l’opéra, un concept-album, ou tout ce que votre imagination vous permet ?

Tatiana : C’est encore trop tôt pour le dire, on est seulement en train de sortir un nouvel album ! Chaque chose en son temps ; avec nous, c’est toujours sur le moment… mais en tout cas, on n’a jamais pensé à faire quelque chose de vraiment spécifique, en terme de sous-genre.

Eugene : On ne planifie pas, ça vient avec le flow. Si on trouvait un passage d’électro qui passe bien, pourquoi pas, on le laisserait sur l’album sans problème ni préjugé. Tant que ça sonne bien ! Et aussi, tant qu’on peut le faire avec nos instruments : batterie, guitare, basse.

Questions plus légères maintenant. Admettons que vous puissiez avoir votre propre festival ou événement, à quoi est-ce que ça ressemblerait ?

Tatiana : Oh, oui, j’aimerais vraiment avoir un festival en plein été, sur la plage. Il y avait eu un festival de jazz sur une plage nudiste, en Ukraine, il y a un certain temps, c’était juste génial. Mais je n’inviterais pas de groupes vraiment vieux, old school, du genre Scorpions… plutôt du frais !

Eugene : Et un concert dans l’espace ? Sinon, il y a clairement une pétée de bons groupes avec lesquels on se verrait bien jouer, comme Opeth, on serait bien sur la plage avec eux. Mais surtout, le plus important est que le festival et l’endroit auraient vraiment une ambiance à la cool, bien relax.

La seule chose qui rassemble autant que la musique, c’est la nourriture ! Et si vous deviez me citer un plat qui vous représente ?

Tatiana : Je n’y ai jamais songé… Je serais du bortsch, une soupe de betteraves typiquement ukrainienne.

Eugene : Ça me donne faim, là je me ferais bien de l’okrochka !

Tatiana : Oui, l’okrochka ! C’est une soupe froide où tu mets ce que tu veux, ça peut être à base de bière, même, sinon de soda, de kvas, d’eau… et tu émiettes dedans des patates, de la viande, des légumes, des œufs, une cuillère de crème acidulée à la fin, ça peut facilement être végan et c’est rafraîchissant !

Merci Eugene et Tatiana pour avoir partagé avec le Daily Rock votre temps, vos recettes, vos envies de plage et de calme ! Je vous laisse le dernier mot pour nos lecteurs et lectrices !

Eugene : Je voudrais partager avec le monde entier :  »Peace, Love, and Harmony ! »

Tatiana : Voleur, c’était ma ligne ! Je la disais à la fin de chaque concert, c’était ma signature… Tu n’arrêtes pas de piquer mes trucs !

Eugene : Bon, il n’y a pas de problème à ce qu’on la dise ensemble, si ?

Ah, ça, on ne le saura qu’au prochain concert, donc !

www.jinjer-metal.com

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N° 151 - Avril 2023

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