Ian Anderson est sans aucun doute une des figures légendaires de la scène progressive des années 1960. Force motrice avec autant de projets que les têtes d’une hydre, Anderson revient sur leur vingt-deuxième album « The Zealot Gene », hautement encensé par la presse et les fans.
Tu as présenté ton nouvel album « The Zealot Gene » en janvier 2022. Qu’en tires-tu, presque une année plus tard ?
On l’a sorti quatre semaines après que j’aie commencé à travailler sur mon nouvel album ! Je suis en train de faire le mix et mastering en ce moment. C’était super d’avoir tous ces gens qui jouent en live avec moi en studio, afin qu’ils fassent partie intégrale de l’aventure Jethro Tull. Il a commencé en tant qu’album rock avant COVID, mais j’ai dû le terminer en acoustique à cause de la pandémie. On a joué trois morceaux en live pour les présenter à notre public. J’ai sorti un album en 2012, et en 2014, puis en 2017 avec le String Quartet. Autant te dire que je n’ai pas chômé ! Mais ce projet est assez « Jethro Tull », comparé à Homo Erraticus par exemple. En fait, quand j’y pense, il faut attendre longtemps pour voir une manufacture signée Jethro Tull, même si je reste très actif dans de nombreux projets.
Tu as beaucoup tourné après la pandémie également.
Les gens se réjouissent. Nous avons joué en Allemagne, en Suisse, au Royaume-Uni, mais COVID était encore très actif. On pouvait voir la joie sur leur visage, de revivre des concerts était quelque chose de magique. Mais une année plus tard, tout est de retour à la normale. Ici au Royaume Uni, nous n’avons plus de restrictions depuis plus d’une année. Mais certaines personnes comme moi prennent encore des précautions. Si je tombe malade, il y a des dizaines de gens qui se retrouvent sans travail. J’essaie d’éviter tous les risques que je peux éviter. Mais les gens sont très relaxes ici. Cet été cela va peut-être changer : l’Allemagne a par exemple décidé d’imposer des restrictions pour cet hiver. On remarque que les pays ont peur que nous retombions dans ce que nous avons vécu et ce qui en découle, avec la santé et l’économie en tête. Et sans oublier l’impact que cela a sur le moral de la société.
Revenons en 1968, les départs de Jethro Tull. Quels groupes as-tu vu émerger ?
Avant mes débuts en tant que musicien professionnel, deux albums ont vraiment changé la face du rock, en montrant quelque chose de plus progressif et inventif. Ces deux albums sont : « Sargent Pepper » des Beatles, un album progressif/pop, et « The Piper At The Gates of Dawn » de Pink Floyd, le premier album de rock progressif. Pour moi, ils m’ont montré une direction plus progressive, inventive, et m’ont invité à prendre des risques. J’avais clairement cela en tête quand j’ai commencé à enregistrer. J’étais capable d’être plus éclectique et plus aventureux dans mon écriture. Jethro Tull a été décrit comme progressif en 1969. Il y a d’autres groupes qui valent la peine que je les mentionne : Yes, The Nice, Emerson Lake and Palmer, et des groupes comme Genesis… Le rock progressif est devenu très en vogue dans les années 1970. Led Zeppelin est un excellent mélange entre hard-rock et écriture et arrangements intelligents. Cream avant eux, avaient un statut légendaire. Nous marchions sur leurs traces, et quelles traces ils ont laissé !
Et quels souvenirs gardes-tu de ton aventure ?
J’en ai beaucoup ! Je me souviens de salles de concerts principalement, comme ma première fois au Royal Albert Hall à Londres ou à au théâtre d’Éphèse en Turquie. J’ai joué sous la Parthénon à Athènes… Je crois que les environnements dans lesquels je suis sont de gros souvenirs, principalement à cause de l’histoire qu’ils ont. Sans oublier me promener dans les villes, prendre l’essence de la ville et explorer les cultures. Sur scène, je suis beaucoup trop concentré à me focaliser sur les paroles, la musique et ne pas faire d’erreur ! (Rires) Je n’ai pas le temps de penser à ce qui se passe, je ne me souviens presque d’aucun concert !
Et tu as parlé d’un nouvel album ?
Oui, hier soir je viens de terminer de mixer le dernier des douze titres. Aujourd’hui je travaille sur les mastering, et lorsque je rentre de Grèce, j’enverrai ces morceaux à un autre ingénieur afin qu’il les mixe pour différentes plateformes, comme le 5.1, Dolby Atmos et Sony360. Sans oublier la pochette, les photos… Nous avons prévu de le sortir en avril 2023. Dans les années 70, nous avions un nouvel album chaque année, et regarde, je retourne à mes origines ! (Rires) En fait, je suis vieux, j’ai 75 ans donc je crois que je suis dans un mouvement perpétuel de sortir tout ce que je peux tant que j’ai l’énergie et l’enthousiasme. Un jour, je ne serai plus autant en forme mentalement ou physiquement, donc autant en profiter.
Tu as un message pour tes fans suisses ?
La Suisse me manque beaucoup. Nous avions une maison à Montreux avec ma femme, nous y passions beaucoup de temps et visitions notre ami Claude Nobs. Après sa mort, nous nous sommes dit que nous ne serions pas en Suisse aussi souvent, alors nous avons vendu notre maison. D’une certaine façon, la Suisse a toujours été ma seconde maison. Je viens d’Ecosse, et je pense que les montagnes, les lacs, il y a un certain rapport entre la Suisse et mon pays d’origine.
Mais c’est mon expérience personnelle ! Au niveau concert, j’aime la mentalité suisse. Les gens ne montrent pas forcément leur émotion, ils sont assez réservés, mais il y a beaucoup d’humour, de tradition, et cela me touche beaucoup. J’ai joué en 1968 ou 1969 au Montreux Jazz, donc c’était l’un des premiers pays que j’ai visité.