Le 26 septembre dernier est sorti au cinéma IMAX de Québec «Through the Never» le nouveau film en 3D de Metallica. À l’occasion de la première européenne à Berlin, l’équipe de Daily-Rock eu l’occasion d’en parler avec Lars Ulrich, batteur et membre fondateur du groupe.
DR ; Lars, depuis le début de votre carrière vous n’avez jamais eu peur de prendre des risques et faire ce que vous vouliez, en commençant par quasiment inventer le thrash metal, sorti le «Black Album», «Load/Reload», «S&M», des documentaires, des albums de reprises, «Lulu»… Maintenant un film ?!
LU ; Ces gars sont fous, hein !? (rires)
DR ; Vous n’avez jamais eu peur de ce que les autres auraient pu en penser… D’où est venue cette idée d’un hybride entre concert et film d’action ?
LU ; Et bien, merci de dire ça, je le prends comme un compliment. C’est la façon dont nous fonctionnons, c’est notre ADN qui nous fait faire tous ces trucs fous. L’idée date de 1997. À ce moment-là, il n’y avait pas de films d’Hollywood en IMAX, mais seulement des images d’escalade ou des films sur les grenouilles et la nature. Ils nous ont approchés pour faire un film spécial, mais à cette époque les caméras étaient trop grandes et compliquées et donc nous avons abandonné le projet. Mais il y a quatre ans, nous avons repris l’idée de tourner un film en 3D pour les salles et puis ça s’est métamorphosé en ce truc hybride, car nous savions qu’un film de cette ampleur devait avoir quelque chose d’unique et de particulier, principalement quelque chose de stimulant parce que tourner un simple «concert-movie» aurait été trop évident et prévisible. Nous avons déjà publié cinq vidéos comme ça, ça n’aurait pas eu de sens de refaire la même chose.
DR ; J’étais aux concerts de Vancouver pendant le tournage, mais revoir les images en 3D sur IMAX c’était quand même… WOW !
LU ; (Rires). Merci
DR ; Est-ce que la partie film est comme tu l’as conçue ?
LU ; Si j’avais eu quelque chose de spécifique dans ma tête, je l’aurais dirigé moi-même. Nous savions qu’il y aurait une partie du film avec une histoire liée au concert, mais nous n’étions pas au courant de la trame. J’ai passé beaucoup de temps avec plusieurs réalisateurs d’Hollywood très connus qui n’étaient pas motivés ou n’avaient pas d’idées intéressantes à nous proposer. Mais quand nous avons rencontré Nimród, il était à fond ! Il y avait cette lueur de fou dans ses yeux. Nous aimons la folie, car nous sommes un peu fous aussi. Il a donc créé cette histoire qui n’avait aucun sens sur le papier ! Nous nous sommes assis en cherchant à comprendre ce qui était en train de se passer. Le nom de l’histoire était «Chaos» et le contenu était aussi bizarre, chaotique et ridicule qu’il semblait parfait pour compléter le concert et la musique.
DR ; À quel niveau le groupe a été impliqué dans le projet ?
LU ; Pour la scène, nous avons travaillé avec ce mec, Mark Fisher, qui a conçu les tournées de Pink Floyd, U2, des Rolling Stones et dernièrement «The Wall» de Roger Waters. Il avait déjà conçu la scène de la tournée «Load/Reload» et aussi «Death Magnetic». Nous voulions introduire tous les éléments théâtraux depuis nos premiers albums et tournées, comme les croix ou la statue de Doris, surtout pour donner la chance aux plus jeunes de revoir ça. Nous étions très impliqués, mais parfois la meilleure façon d’être impliqué dans un processus est de ne pas l’être en permanence, car tu as besoin d’un peu de recul. C’est une chose que Rubin (ndlr : Rick, le producteur de « Death Magnetic ») nous a apprise. Tu as sûrement entendu ces histoires : «Rick Rubin n’est jamais en studio avec le groupe». Mais c’est parce qu’il n’est pas toujours présent qu’il a une approche plus claire sur le projet. Il n’est pas impliqué dans les détails. Je ne dis pas que je n’étais pas impliqué dans les détails du film, mais quand ils étaient en train de tourner, j’ai fait le choix conscient de ne pas être sur place, car je peux t’assurer que j’aurais été trop impliqué. Au point que Nimród aurait dit d’une scène : «Le shoot numéro cinq est bon» et moi : «Je préfère plus le quatrième». Et ça n’aurait pas été bénéfique pour le film. J’ai fait un pas en arrière pour avoir une approche plus fraîche du projet. Mais nous étions quand même très impliqués dans la post-production et l’editing et surtout dans le mixage du son.
DR ; Comme nous l’avons aussi vu à votre Orion Festival, tu es un grand fan de cinéma. Est-ce que tu as amené un peu de ton expérience et goût personnels ou tu as laissé Nimród faire son job?
LU ; (Rires). J’ai amené… le mot que je voudrais utiliser est passion. Oui. J’aimerais dire que j’ai un œil neutre pour les choses et que je peux donner un feedback qui aide plus le projet en entier ou les fans de Metallica. Je me considère comme le fan de Metallica avec la voix la plus forte et donc j’ai le pouvoir d’orienter le projet pour satisfaire le plus grand fan de Metallica dans le monde, au nom de tous les fans du groupe
DR ; Est-ce que vous avez choisi Nimród car il a été le seul fou intéressé à ce projet ou, car vous avez aimé les films qu’il a tournés avant ?
LU ; J’aime sa passion. Son premier film «Kontroll» était entièrement son projet et il est allé à Hollywood pour faire d’autres trucs du style, mais sa situation était difficile et donc il s’est retrouvé à tourner des films dont il n’était pas responsable d’un point de vue créatif, plus comme un «yes-man». Il était donc très passionné par ce projet et il a fini par écrire une grande histoire. Il voulait vraiment le faire et la passion est très importante dans ce cas. Hollywood est un endroit dans lequel il est vraiment difficile d’entrer. Et ils regardent les musiciens comme des citoyens de deuxième classe : «Nous savons ce nous faisons. Et vous les musiciens ?» Nimród n’était pas comme ça, mais très ouvert, il ne faisait pas le précieux, comme d’autres personnes dans le milieu du cinéma.
DR ; Le résultat est très impressionnant, mais je suis sorti du cinéma avec aussi une sensation d’inachevé. J’aurais voulu plus de concerts, plus de parties de film…
LU ; Je voulais aussi plus d’histoire. Quand nous avons regardé les premiers six mois de tournage, nous voulions plus d’histoire, plus de Dane DeHaan (ndlr : L’acteur principal). Toutes les images tournées sont dans le film. Le problème est que Dane a été choisi pour tourner dans le nouveau «Spiderman» et les producteurs l’ont bloqué pour six mois. À cause de ce putain de «Spiderman», nous l’avons eu un seul jour en avril, pour refaire quatre ou cinq scènes. Moins de ces rockers et plus de Dane DeHaan ! Il est génial. Tu ne peux pas t’arrêter de le regarder. Je l’ai vu dans ce film, «Kill your Darlings», et j’ai adoré !
DR ; Est-ce qu’il a été ton seul choix?
LU ; Il était le seul choix. Il n’y a pas eu d’autres noms qui sont sortis.
DR ; Tu sembles beaucoup apprécier Dane…
LU ; Il y a un an et demi j’ai vu avec mes gamins le film «Chronicle» et quand je suis sorti j’ai commencé à lancer des messages : «C’est qui ce mec avec ces yeux !?». Puis je l’ai vu aussi dans un TV-show et j’ai découvert qu’un pote à moi était en train de le faire jouer dans le film «The Place Beyond The Pines» et donc j’ai appelé le gars, qui m’a aidé à l’avoir. Je le voulais absolument avec nous !
DR ; À quel point ça a été un défi pour Nimród de tourner ? Un concert n’est pas comme un film…
Je ne sais pas vraiment. Le concept était d’amener les caméras sur scène, amener le public du film sur scène et leur donner la sensation de faire partie du show avec Metallica. La plupart des concerts vidéo ont un point de vue extérieur, mais nous voulions le contraire : depuis la scène regarder vers l’extérieur, comme si le public faisait partie du concert. La partie plus difficile peut-être a été l’editing. Nous avons dû prendre un deuxième éditeur, Joe Hutshing, qui a travaillé avec Oliver Stone et Cameron Crowe, pour éditer la partie concert comme un film. En ces temps post-MTV, on a tendance à éditer comme dans les clips, très vite, au rythme de la musique, mais nous avions un concept plus cinématographique pour notre film. Ça, c’était plus difficile à réussir, car c’est un peu le contraire de ce que tout le monde est en train de faire aujourd’hui. Comme tenir la caméra sur le protagoniste lui-même s’il n’était pas en train de faire quelque chose. C’est plus intéressant. J’ai même invité l’éditeur à travailler sur le film sans écouter la musique, car il aurait eu tendance à suivre les rythmes comme dans un clip et je voulais qu’on s’approche d’un film.
DR ; Le fait que le protagoniste ne parle pas pendant tout le film, comme dans les vieux films muets de Buster Keaton, c’est une idée de qui ?
Honnêtement? Nous avions les deux mondes (concert et film), les deux sont cool et nous avons dû les mélanger. Qu’est-ce qui se serait passé si après tout le temps perdu nous n’avions pas obtenu un film comme résultat ? Je trouve que Dane est génial, que tout ce qu’il fait est une interprétation physique, comme Buster Keaton. C’est du «body-language». C’est pour ça qu’il est si magnétique, si doué. Tu peux interpréter ses émotions seulement par la posture.
DR ; Qu’as-tu à dire du chevalier ? Ne me dis pas que c’était fortuit pour un groupe surnommé «les quatre chevaliers» («The Four Horsemen») ?
Ça n’a rien à avoir avec moi ! Je n’ai jamais demandé ça. Quelqu’un l’autre jour m’a demandé si la poupée sur le rétroviseur avait quelque chose à voir avec «Master of Puppets». Sérieusement ? Je ne sais pas (ndlr : bizarre, car dans une interview Rob Trujillo déclare d’avoir eu cette idée). Nous avons donné à Nimród beaucoup de liberté et clairement il y a eu des choses que nous n’avons pas approuvées, mais nous n’avons pas interféré dans son travail. Je ne lui ai pas demandé directement de mettre le chevalier et je ne suis pas sûr de vouloir savoir la signification. La beauté du film est dans toute cette ambiguïté. [Andy Gaggioli et David Margraf]