Hayley Williams (Paramore) nous a parlé de son premier album solo, ‘Petals for Armor’, et de santé mentale au temps du Covid-19.
Tu as dit que tu avais déjà écrit trois-quatre chansons avant de réaliser que le projet avait commencé avec ‘Leave It Alone’ ; comment est-ce que tu sais qu’un projet est sa propre entité et pas simplement des chansons indépendantes ?
J’étais vraiment heureuse d’être à la maison, et je n’avais pas prévu de travailler – en tout cas, pas sur de la musique. Être dans mon foyer et me retrouver face à toutes les problèmes que j’avais mis de côté depuis mon divorce, et puis ma dépression – qui n’avait pas encore été diagnostiquée à ce moment-là – c’était juste… trop, un énorme raz-de-marée qui grandissait depuis deux ans et qui s’est abattu sur moi.
Quand j’ai commencé à écrire, je pensais ‘bon, j’écris sur les choses dont je parle en thérapie’, et puis je me suis dite que c’était un peu la finalisation d’un exercice qui me permettrait, au final, de comprendre ce qui m’arrivait. Je suis allée chez Joey (Howard, bassiste de tournée pour Paramore, ndlr) un soir et on a commencé à parler de ces choses-là ; on parlait de deuil, et j’ai dit ‘on devrait faire de la musique, sans trop réfléchir, juste faire de la musique’. Il a ramassé sa basse et – c’était très étrange, presque comme si on était dans un film sur un groupe où tu vois leurs débuts et que c’est presque trop simple ; quand j’ai regardé le biopic sur Queen, je me suis dit ‘c’est trop facile’, ils sont en mode ‘créons un groupe !’ et ensuite, d’un coup, ils deviennent Queen, tu sais ? Mais c’était aussi simple que ça : on était en train de parler de thérapie et la minute d’après on était en train d’écrire ‘Leave It Alone’. Après deux ou trois de ces processus où je prenais mon journal intime et je l’appliquais à de la musique, je me suis dit, ‘tu sais quoi, fuck it, c’est pas juste de la musique, c’est un album’.
Comment est-ce que tu commences à travailler sur quelque chose lors d’un épisode dépressif, quand commencer quoi que ce soit est la chose la plus difficile au monde ? Comment est-ce que tu ‘kickstart’ ton processus de création dans ces cas-là ?
C’est une très bonne question, et une grande conversation à avoir entre personnes qui souffrent à cause de leur santé mentale parce que c’est, genre, une des choses les plus difficiles à gérer quand tu souffres d’une dépression ou d’anxiété. Faire quoi que ce soit semble impossible, se lever et s’habiller donne l’impression de courir un marathon, et j’ai eu des phases du genre pendant cette pandémie.
J’ai acheté un enregistreur portable que mon amie Phoebe Bridgers (qu’on peut entendre avec ses co-musiciennes de boygenius dans les chœurs de la chanson ‘Roses/Lotus/Violet/Iris’, ndlr) m’avait recommandé. Il a l’air hyper simple à utiliser et j’ai envie de créer ; je me dis que créer m’aide à traverser des moments de confusion ou de difficulté, mais je regarde ce petit appareil posé sur mon sol tous les jours et l’idée de prendre ma guitare pour commencer à écrire quelque chose de nouveau est tellement écrasante que je passe la plupart de mon temps à répéter des chansons de ‘Petals For Armor’.
J’essaie de ne pas être trop dure avec moi-même, et je pense que c’est quelque chose d’important pour les personnes créatives qui ont le syndrome de la page blanche parce qu’elles sont en dépression, ou qu’elles sont stressées par la vie, ou l’état du monde. Je pense qu’il faut qu’on apprenne à être tendres avec nous-même, et c’est une leçon qu’on pourrait toustes apprendre maintenant que le monde s’est ‘arrêté’. On peut se ralentir un peu et comprendre que la productivité n’est pas nécessairement le progrès, tu sais ? Parfois, le progrès c’est juste se lever et manger, et appeler un.e ami.e ou un.e membre de ta famille. (…) Ma psy devrait avoir des crédits sur cet album (rires). [JB]
Fiche CD
Nom de l’album : Petals for Armor
Label : Warner
Note : 4/5