Un des plus brillants producteurs hip-hop habitait le Metropolis jeudi soir de sa musique avant-gardiste, maximaliste et ultra-rythmique… Du moins, c’est ce à quoi je m’attendais. La performance de Flying Lotus était précédée de deux premières parties assez peu intéressantes: Seven Davis Jr et PBDY. Le premier set, un duo DJ/batterie, n’avait plus ou moins rien à faire sur une scène. Le batteur n’était pas du tout synchro avec la musique, qui était somme toute inintéressante en elle-même –, et sa présence était discutable, vu le fait qu’il y avait de la batterie dans la piste. Tout ça sans compter qu’aucun des deux membres n’avait de présence scénique.
POURQUOI LES PREMIÈRES PARTIES SONT SYSTÉMATIQUEMENT DÉCEVANTES?
La musique de PBDY avait le mince mérite d’être sporadiquement plus authentique; certains moments avaient même beaucoup de potentiel à mon sens. Le DJ m’a cependant perdu avec l’incohérence des différentes parties de sa musique; le travail de composition était incohérent, il y avait une grande disparité d’intérêt entre les moments forts et les moments faibles, en partie parce qu’il ne développait pratiquement aucune idée à son plein potentiel. Et sa présence scénique était encore plus négligeable que celle du précédent.
DU 3D IMPRESSIONNANT
C’était enfin l’heure pour la raison d’être de cette soirée de prendre le stage: Fly Lo se porta aux commandes de son poste de travail tentaculaire, comme enveloppé par l’immense écran qui nous projetait du vidéo en trois dimensions et non pas de la 3D cheap de cinéma, mais bien une 3D profonde, claire et mise en valeur par la synthèse vidéo. Cette dernière était d’ailleurs bien à l’image du DJ: complexe, excentrique, surréaliste, futuriste, colorée… À ce niveau-là, pas grand choses à dire. Mais on n’était pas venus voir un film, et malheureusement c’est au niveau de la musique que ça a chiré un peu plus.
UN LOTUS QUI NE VOLAIT PAS TRÈS HAUT
Le choix de setlist a été le premier problème. Les pièces de ses derniers albums étaient intercalées de reprises et de références qui occupaient une place trop importante à mon goût dans le spectacle, vu que toutes ces divagations étaient loin d’être aussi intéressantes que la musique que l’on lui connaît en studio. Ces segments semblaient presque avoir étés rajoutés pour plaire au public, qui était principalement composé de fans de hip-hop a priori, Flying Lotus a collaboré avec certains gros noms comme Kendrick Lamar, MF Doom et Mac Miller, d’où la provenance de son fanbase. Mais il y avait pire encore; même les pièces originales que le producteur a jouées étaient tronquées pour, je suppose, mieux les fondre dans l’esthétique dance. Les arrangements consistaient essentiellement en une décimation d’une grande partie de l’intérêt de la musique du producteur, soit la complexité et le perfectionnisme du travail rythmique, pour remplacer le tout par un rythme… dansant? Peu importe quelle était l’intention derrière la chose, musicalement, c’était un échec. On a même eu droit à quelques «bangers» trap, projetant le concert à l’opposé du spectre stylistique que Fly Lo sait si bien repousser.
Un concert haut en couleur certes, mais non sans déception.
Ce qui est triste de l’histoire, c’est qu’il y avait aussi de très bons moments au fil du concert. Il y avait même quelques moments inédits audit concert qui surpassait sa musique studio selon moi et ce n’est pas peu dire! Mais l’image globale est celle d’un concert incohérent, haut en couleur certes, mais non sans déception. En plus d’avoir une aussi grande disparité entre les pièces, les transitions entre ces dernières étaient parfois très mal exécutées, les interjections rappées du producteur étaient soit inaudibles soit un peu décevantes et le son du spectacle en général était trop fort et assez peu clair surtout dans les basses fréquences, évidemment. Je ne croyais pas avoir à dire autant de mal d’un artiste aussi pertinent que lui, mais je suis obligé d’observer que j’étais allé voir Flying Lotus, mais que j’ai vu le concert d’un «bon DJ». Ce qui est presque une insulte pour le compositeur de chef d’œuvres comme Cosmogramma, You’re Dead! et Los Angeles.
Texte: Hugo Tremblay