L’auteur-compositrice indie-folk Vanwho lance le 25 octobre son nouveau simple pour la pièce Nobody. La gentille demoiselle, que vous avez peut-être aperçue l’an dernier sur les ondes de TVA à l’émission Faites comme chez vous, et qui se promène aux quatre coins du Canada, en Europe et même aux États-Unis depuis quelques années. 2016 fut clairement une année charnière avec des apparitions dans de nombreux festivals comme le Music4Cancer en première partie des Colocs, le Rockaganza de Drummondville et le Gabstock en ouverture de Kandle et Capitaine Révolte. Le DR s’est entretenu avec Vanessa Boivin-Drolet, la femme derrière le pseudonyme Vanwho, une gipsy des temps modernes déambulant sur les routes avec son sac à dos et son étui de guitare.
D.R.: Ton projet roule depuis déjà quelques années, et comme tu le chantes si bien dans Nobody «we’re not alone». On s’imagine bien que tu ne peux pas faire tout ça seule. Qui sont tes collaborateurs et quel est leur rôle dans le projet?
Vanwho.: En fait j’ai composé et écris la chanson seule avec ma guitare lorsque je repensais à tous ces moments où l’être humain a quelque chose à dire, mais ne se fait pas entendre que ce soit par rapport à n’importe quelle cause. Le reste est venu tout seul. Mon guitariste me suit déjà depuis 2 ans. Un collègue de travail qui joue de la basse m’a demandé de lui envoyer la chanson en solo, et il a composé une ligne de fou par-dessus. Et un collègue d’un ancien travail m’a offert durant la même période d’enregistrer car il a un Studio, et de faire la batterie sur la pièce . On a sauté à bord et on a monté la chanson en deux sessions d’enregistrement. C’était malade! J’ai eu la chance d’avoir Jay Leblanc à la guitare électrique, Émile Tempère du groupe funk Of Course à la basse et Vincent Letartre du groupe Young Dogs à la batterie. Pour le mix, Vincent Letartre en a fait une bonne partie et j’ai aussi travaillé avec mon bon ami Patrice Pruneau et Philip Gosselin qui s’est chargé de la bande maîtresse.
D.R.: Peut-on tout de même considérer Vanwho comme un projet solo? Quelles sont les raisons qui motivent ton choix de garder le projet sous ton propre nom?
Vanwho.: Vanwho c’est n’importe qui, tout en étant aussi moi-même. J’aime m’entourer de musiciens à court ou long terme. J’aime encore les voir revenir après leur départ. Mais ça reste mes chansons, ma plume. Que ce soit en solo, en duo ou en orchestre; Vanwho c’est tout le monde qui s’attache au projet. Les formules changent et j’aime que chaque individu qui décide d’embarquer dans le bateau pour une durée indéterminée puisse apporter sa touche personnelle à ma musique. C’est un partage. L’enrobage d’un noyau.
D.R.: Sur scène comme dans la vie tu es souriante et enjouée. Comment abordes-tu le travail de création et le travail de production en studio? Es-tu très rigoureuse en studio et dans les pratiques? Es-tu capable de parfois jouer le rôle de tyran? En d’autres mots, comment réussis-tu à faire la balance entre le plaisir de la création et le sérieux de la production?
Vanwho.: Je ne suis pas quelqu’un de très strict dans la vie, comme j’ai dit plus haut j’aime avoir la vibe des autres et s’il faut absolument que dans chaque chanson je dise quoi faire à un musicien, ça ne fonctionnera pas. Faut que les chansons et les musiciens connectent. Elles ne sont pas toutes écrites à la mesure près, je préfère lorsque les musiciens utilisent leur feel mais tout en connaissant la structure de base des chansons.
D.R.: Le milieu de la musique est en complète mutation partout sur la planète. Et particulièrement ici au Québec où notre bassin de population est très faible pour couvrir un énorme territoire, faire de la tournée coûte donc excessivement cher aux artistes. Tu fais beaucoup de tournées, justement parce que j’imagine que malgré tout il s’agit encore d’une des dernières solutions pour les artistes de faire un peu de sous et de se faire voir. Comment images-tu l’avenir de la musique au Québec? Comment imagines-tu ton propre avenir par rapport à lui?
Vanwho.: Ce que je peux dire, et ce pour n’importe quel endroit sur la planète, c’est que les bars devraient offrir de plus en plus un cachet de base aux artistes qui viennent se produire chez eux. C’est en offrant un cachet de base qu’autant l’artiste que le proprio se pousseront plus dans le derrière pour faire une bonne promotion de l’événement. Ça ne tient pas seulement au groupe qui se produit de faire sa propre promotion dans une ville où il est peu connu et n’a pas encore de public. C’est en offrant un cachet de base que le bar va faire de son mieux pour lui aussi amener du monde afin de s’assurer de vendre assez d’alcool pour payer ses employés et son groupe invité.
D.R.: Et considérant toute la difficulté qu’on les artistes présentement, même ceux de grand talent de (sur) vivre de leur musique, quel(s) conseil(s) pourrais-tu donner à un jeune artiste qui voudrait se lancer dans ce tourbillon?
Vanwho.: Se demander pourquoi il fait de la musique et pourquoi il ne se voit rien faire d’autre. D’être fier de son projet et de le démontrer, de parler au plus grand nombre de personne possible pour bâtir un cercle de contacts, et de s’entourer d’une équipe qui croit en ce qu’il fait. Il faut se faire voir le plus possible que ce soit sur les réseaux sociaux ou en spectacle. Il ne faut jamais dire qu’on veut VIVRE de notre musique, simplement dire qu’on veut la partager au plus grand nombre possible et pour cela, faut le faire PARTOUT et surtout se faire confiance.
D.R.: Le milieu musical a malheureusement souvent été considéré comme un milieu masculin, mais heureusement les temps changent et de plus en plus de femmes prennent la route dans des vans rouillées afin de se présenter sur scène pour livrer leur âme. Quelles sont tes impressions par rapport à l’ouverture et l’égalité des sexes dans la scène du Québec? Considères-tu que les chances sont égales? Considères-tu déjà avoir été victime de sexisme?
Vanwho.: HAHA, je parlais justement de ça la semaine dernière. Je vois beaucoup d’articles dernièrement à ce sujet et je dois dire une chose: je ne suis pas totalement en accord. Premièrement, j’ai grandi avec des gars, je ne fais pas la différence entre eux et moi puisque je me considère comme un être humain et non uniquement comme une femme. J’ai toujours fait des sports et je joue de la guitare depuis l’âge de sept ans parce que j’aime ça. Ta place, tu ne la prends pas uniquement en tant que femme, mais bien en tant qu’humain. Je ne me sens pas différente lorsque je donne des concerts avec des groupes de gars. Ce sont mes frères, je suis une de celles qui fait tout elle-même depuis le départ comme Cat Power, Emily Haines, Feist et je ne crois pas qu’elles ont dû se battre tant que ça dans la jungle masculine pour prendre leur place, elles l’ont juste prise. Et c’est ce que je fais. Les filles choisissent d’être chanteuses, tant mieux, si elles veulent s’autoproduire, qu’elles le fassent… Je n’ai jamais, dans ma carrière, senti que c’était plus difficile parce que je suis une fille. Nous n’avons rien à prouver, il faut foncer et faire ce qu’on veut. C’est un peu comme le racisme je trouve, le jour où on ne se fiera plus au sexe de la personne pas plus qu’à sa couleur, les choses changeront. Faut arrêter de tout voir comme de la compétition.
D.R.: Ta victoire à l’émission Faites comme chez vous a été vue par environ 10 % de la population du Québec, ce qui est tout à fait significatif. Mais je ne peux m’empêcher de penser que ce même 10 % aux États-Unis auraient fait de toi du jour au lendemain une grande vedette connue et apprécié par plusieurs millions de personnes. Le chèque reçu pour ta victoire aurait été suffisant pour te faire vivre une année et probablement même pour produire ton nouveau disque dans un grand studio. Ici, ce que tu as reçu comme cachet pour l’émission couvre à peine tes propres dépenses et ton temps au salaire minimum pour participer à cette dite émission. Évidemment chaque victoire vaut la peine d’être soulignée et célébrer, mais est-ce que ce n’est pas un peu frustrant? Savoir qu’on a du talent et être reconnue comme telle par tes pairs, mais ne pas être en mesure d’être vu par assez des gens pour réussir à payer le loyer. Et même si pourtant nous avons clairement ici la preuve que ta musique peut rejoindre un large public. Comment gères-tu cette déception que 99 % des artistes contemporains vivent? Tu finis par ne plus t’en soucier ou au contraire c’est une motivation supplémentaire pour continuer à travailler davantage?
Vanwho.: Je dirais un mix des deux réponses que tu as citées. La musique je l’ai crée parce que c’est mon âme qui sort et parce que les gens qui m’entendent aiment ce que je fais. Ce qui est difficile c’est juste de débuter en s’endettant, de ne pas avoir un financement nécessaire pour enregistrer un album sur la coche qui me représente bien. Le plus difficile c’est lorsque les contacts de l’industrie veulent t’entendre, mais ne veulent pas se déplacer à un concert, car ils sont débordés, et que tes enregistrements ne sont pas assez démonstratifs de ce que tu fais. Mais là, avec ce nouveau simple, on espère réellement que ça nous aidera dans la prochaine année à sortir d’autres enregistrements. J’ai tout mon monde, seulement pas l’argent, mais ce jour viendra. Et effectivement, c’est assez frustrant venant de la part de TVA qui produit une émission musicale qui n’existerait pas sans les artistes. Je n’ai pas eu la chance de déclarer l’émission télé vue par plus d’un million de personnes à la Socan puisqu’on a joué une chanson originale (FACE) et comme il y avait une somme de 2000 $ en jeu, nous ne pouvons pas avoir accès à nos redevances de droits d’auteur. Je trouve ce système très lourd puisqu’ils font de l’argent avec nous, mais nous laisse enseveli dans un trou de dettes, sans rien de vraiment significatif pour nous aider. Avec tous les spectacles que j’ai faits durant l’année, et en remplissant mes salles sans que personne ne m’ait vu à l’émission, je peux affirmer que c’est pas la visibilité qu’ils m’ont donnée qui me permettra de payer mon loyer, mais je suis quand même très heureuse d’y avoir participé et surtout d’avoir gagné ma semaine contre des filles vraiment extraordinaires et remplies de talent.
D.R.: Outre la musique, la photographie prend beaucoup de place dans ta vie, et principalement la photo de concerts. Quelles ont été tes rencontres les plus mémorables? Et quelle place accordes-tu à la photographie dans ton travail de création? Est-il complémentaire ou au contraire diamétralement opposé à ton travail d’auteur-compositrice? Tu t’inspires d’un pour influencer l’autre?
Vanwho.: La photographie est simple pour moi. Je travaille avec la lumière naturelle. Je n’ai pas vraiment de préférence en fait, je photographie tout; des portraits, des mariages de la photographie urbaine, mais j’avoue que dernièrement c’était vraiment pour le plaisir. Je me suis fait voler mon appareil photo durant un concert à Santa Fe, NM à l’automne dernier, j’étais vraiment bien équipé et ça m’a vraiment brisé. Je me suis ensuite acheté un nouvel appareil avec mon remboursement d’impôt et j’ai décidé de faire ça au chapeau. Ce n’est pas tous les gens qui peuvent avoir de super belles photos par contribution volontaire. C’est, encore une fois, ma façon de partager avec le monde ma vision à travers la lentille de ma caméra. Je dirais que les moments qui m’ont le plus marqué seraient: le spectacle d’Anti-Flag il y a plus d’une dizaine d’années au Métropolis, j’étais tellement contente d’avoir l’accréditation média pour prendre des photos. Le fameux spectacle de Karkwatson fut également mémorable pour moi, Karkwa avait partagé l’album sur leur page et j’étais tellement heureuse de savoir qu’ils appréciaient mes photos. Le Pouzza Pelouzza aussi. Cet été, j’ai aussi pris de superbes photos au Gabstock de Kandle et d’un groupe d’amis de Joliette, les Rock’n’roll Bitch. La photographie ne m’inspire pas réellement de chansons ni vice-versa. La vie tout simplement me fascine et m’inspire, la musique m’aide à en parler et la photographie m’aider à le montrer.
D.R.: Et afin de te connaître davantage et de partager tes goûts culturels, parce que dis-moi ce que tu écoutes je te dirai qui tu es.
D.R.: — L’album qui a changé ta vie?
Vanwho.: Ouf. Beaucoup trop. Changer… je dirais: Underground Network d’Anti Flag (pour une fois que je comprenais les paroles, ça m’a réveillé pas mal).
D.R.: — Le film qui a changé ta vie?
Vanwho.: La Belle Verte
D.R.: — Le livre qui a changé ta vie?
Vanwho.: La trilogie des Fourmis et celle des Thanatonautes de Bernard Werber.
D.R.: — Ta découverte internationale?
Vanwho.: Beaucoup tropppppp duuuur… Cette année j’vais dire Title Fight.
D.R.: — Ta découverte locale?
Vanwho.: Cette année encore, je vais dire Émilie & Ogden.
Pour voir Vanwho en concert:
En duo, le 15 octobre au Cagibi avec The Open Rays
En solo, le 25 octobre au Yer’mad Bistro bar avec Guilhem (Lost Love) et The Ghostwrite!
Et en formation complète, le 12 novembre dans le cadre des Coups de cœur francophone au Quai des Brumes avec Raton Lover.
Entrevue réalisée par David Atman
Photo dans le texte: William Magnan