Au moment où The KVB investi la scène, pour ouvrir cette soirée, le décor est simple. Juste un écran projetant des images de sculptures minérales en bord de mer, et le duo anglais évoluant comme en ombres chinoises sur le devant. A l’arrière le matériel d’Editors est là, drapé de noir semblables à des fauves assoupis. D’abord moelleux, le set de rock électro livré par Nicholas Wood à la guitare et Kat Day aux synthès, va petit à petit évoluer au grès des compositions vers un univers plus acide, plus urbain et industriel, toujours entrelacé d’un doux mélange de voix presque monotonales. Les beats suivent cette courbe ascendante pour finir par devenir imposants et bruts. L’atmosphère est posée, la température est déjà montée d’un cran. Le décor peut alors changer, la meute d’Editors s’ébrouer.
Cela ne va pourtant pas se faire si facilement. L’entrée en scène de Tom Smith et de ses complices va les dévoiler comme engourdis. Le chanteur s’étire, sa voix hésite à monter sur les premières mélodies du récent single « Heart Attack ». Le désormais sextet, peine à donner du relief aux textures électros amenées par Blanck Mass, le nouveau comparse arrangeur des anglais. On semble deviner le chanteur stressé, remerciant le public alors que la chanson n’est pas encore retombée. Seuls Ed Lay derrière ses fûts et le jeu de lumières sont déjà en mode rentre-dedans. Une chose est sûre le groupe démarre son concert comme il l’a fait avec son récent album, le curseur tourné sur électro.
C’est après quatre titres, en enchaînant « Picturesque » du récent « EBM » et « In This Light and on This Evening » bien plus ancien mais déjà à la sauce électro que le set décolle, que les textures gagnent en précision, que les musiciens imposent leurs instruments. Trouvant définitivement dans la noirceur de « Sugar » le parfait équilibre entre pulsions rock et saillies électronique. Reste que boucles et synthés ne sont pas les meilleurs alliés de l’émotion et c’est alors dans la nudité de l’acoustique que Tom Smith parvient à trouver la clef, interprétant « Nothing » seul à la guitare. Moment de grâce. La seconde partie du show, plus dense mais aussi plus organique, osant glisser du piano là où l’intro de « Kiss » n’était que synthétique, sera sauvage et habitée. Comme une harde emportant tout sur son passage jusqu’au rappel. Et là, au plus grand bonheur des fans de la première heure, comme si le combo se devait de faire mentir sa relecture rigoureusement synthétique de son répertoire, en trois notes de guitares, en une ligne de basse percutante, voilà les musiciens redevenus le temps de deux titres (« An End Has a Start », « Munich ») des rocker, sans artifices. Avant de laisser le déluge rythmique et synthétique de « Papillon » mettre tout le monde d’accord pour finir. Fureur électronique et ferveur rock, l’équilibre peut exister dans le monde d’Editors. [YP]
Texte : Yves Peyrollaz
Photos : Alex Pradervand