Le trio fribourgeois Dirty Sound Magnet est sans doute en train de vivre sa meilleure vie. Un album sorti en octobre dernier, des concerts en veux-tu en voilà et des rêves devenus réalité. Maxime (batterie), Stavros (guitare, chant) et Marco (basse), noyau dur de cette formation qui est – à quelques détails près – la même depuis le début, n’en reviennent toujours pas. Et pourtant. Après dix ans de travail acharné, la musique de ce groupe de rock suisse a dépassé nos frontières et s’est exportée à travers l’Europe. Grâce à un ADN propre, DSM prouve qu’aujourd’hui il n’y a pas besoin de venir de « Los Angeles ou de Londres » pour faire du rock de bon goût.
Pouvez-vous en quelques mots nous retracer l’histoire du groupe ?
[Stavros, guitare & voix] On avait 18 ans lorsque Maxime, Marco et moi-même avons formé Dirty Sound Magnet. À nos débuts, nous étions un groupe instrumental, mais quelques chanteurs sont intervenus. On a d’abord tourné régionalement et fait quelques dates en dehors de l’Europe. C’est en 2015 qu’on a voulu se donner à fond et ne faire que ça. Comme on a toujours joué tous les trois ensemble, on se connaissait bien. Donc en 2017, grâce à notre album Western Lies et le label berlinois, Noisolution, avec lequel on a travaillé, on a trouvé la véritable identité de cette même formation. De 2017 à 2019, on a tourné et on a enregistré notre dernier album, Transgenic. Et depuis c’est fou : après dix ans de répètes dans notre local, on tourne, on est sur la route et on peut en vivre ! On est heureux.
Justement, comment vivez-vous le fait d’être sur la route comme de vraies rock stars ?
[Marco, basse] C’est un job extrêmement varié. Chaque étape, de la création d’un album à l’organisation des tournées, est hyper enrichissante. On ne s’ennuie à aucun moment. Te lever le matin et te dire « je vais travailler pour mon groupe de rock » c’est incroyable ! Tu te découvres une énergie que tu ne pensais pas avoir.
Est-ce que vous auriez imaginé en arriver à ce point-là ?
[Stavros] On n’a surtout jamais imaginé autre chose ! On s’est toujours dit « il n’y a pas de plan B ». Car si t’en as un, c’est mort. En Suisse, c’est très dur d’être pro. Au début, tu ne gagnes pas d’argent. Donc à partir du moment où tu rentres dans la vie pro, tu pèses le pour et le contre, car il faut quand même être un peu fou…
Vous avez de la chance…
[Stavros] L’énorme chance qu’on a, c’est surtout de s’être trouvés tous les trois car la difficulté en Suisse c’est de trouver des personnes aussi folles que toi, prêtes à tout sacrifier.
[Maxime, batterie] C’est un peu un truc précieux, une sorte de diamant qu’on chérit tous les jours.
Quand vous étiez petits, vous n’aviez pas un rêve classique comme tout le monde ?
[Maxime] Personnellement, j’ai toujours eu un groupe. J’ai commencé la batterie à 6 ans, à 9 ans j’avais un groupe et à 11 ans j’étais en studio. De mon côté, c’est venu très vite.
[Marco] Pour moi tout a commencé en première année d’école secondaire. Il y avait plein de groupes de punk rock qui commençaient à se former et l’envie de monter sur scène est venue naturellement. À Fribourg, tu as énormément de scènes à dispo, dont l’ancien Nouveau Monde – qui a brûlé. Ce sont les premières sorties que je faisais à 14 ans. Je me rappelle, mon premier concert là-bas m’avait fasciné. C’est à ce moment-là que j’ai chopé le virus. Mon papa et mon frère écoutaient aussi beaucoup de musique rock mais l’envie de faire un groupe est vraiment née au Nouveau Monde.
Stavros : De mon côté, depuis tout petit, je ressens beaucoup de sensibilité pour la musique. Mes parents m’ont toujours dit qu’à seulement deux, trois mois je bougeais la tête quand j’entendais « Born to be wild ». J’avais déjà un truc pour la musique rock, mais aussi pour plein de musiques différentes. Ma mère me faisait écouter le Boléro de Ravel très tôt et j’ai réalisé que dans tous mes films préférés, c’est la musique qui m’intéresse. Il y a ce côté magique dans la musique qui nous permet de danser ou pleurer dessus. À 7 ans, je rentrais de l’école et je préférais ne pas manger et écouter les Stones dans mon casque. Contrairement aux deux autres membres qui étaient dans des écoles où il y avait d’autres groupes, moi, je ne connaissais personne. Le rock était ringard à cette époque c’était le rap qui dominait. Et un jour, ma mère m’a fait écouter Led Zepplin : ça m’a rendu fou ! Je me suis dit « je veux faire ça dans ma vie ». Un jour on m’a présenté Marco et Maxime et nous voilà aujourd’hui.
Vous dites vous-même que votre musique évolue, même sur scène. Est-ce que vous êtes des éternels insatisfaits ou est-ce plutôt par soucis de perfectionnisme ?
[Stavros] Pour moi la musique est quelque chose de vivant. Le jour où on ne fait plus évoluer un morceau, c’est qu’il est mort. On se laisse la place pour l’improvisation. C’est pour ça qu’on n’arrive pas à mettre un genre sur notre musique. Notre style n’est pas du tout figé et il y a un perfectionnisme maladif chez nous. On veut toujours que ce que l’on fait soit toujours au max de ce qu’on peut faire. Le jour où notre musique n’évoluera plus c’est peut-être qu’on aura perdu de l’inspiration et c’est ce qui me fait peur. Quand tu rêves, que tu joues et que c’est magique, t’as juste envie que ça ne s’arrête jamais !
[Maxime] T’inquiète ! On a une banque de données de morceaux… le prochain album est déjà quasi prêt. Pour les cinq prochaines années, on est encore bon pour créer des trucs.
Vous êtes en permanence en train de réfléchir de composer, de créer et j’imagine que ça se développe encore plus quand vous êtes en tournée…
[Stavros] Exactement. Au tout début de la tournée Western Lies, en Tchéquie, on était déjà en train de réfléchir. Le concept de Transgenic a émergé. Ça nous permet de ne pas nous ennuyer dans le bus !
Sur le dernier album il y a eu beaucoup de travail. Vous avez travaillé pendant plus d’un an dessus. Vous pouvez nous en dire un peu plus ?
[Maxime] On a fait 52 jours de studio.
[Stavros] Cet album comporte ma première compo que j’ai écrite lorsque j’avais 18 ans. Elle matchait totalement dans l’ambiance et l’univers de ce qu’on désirait exprimer sur cet album. Il y également des morceaux qu’on a bossés pendant longtemps et des nouveautés. Ensuite vient le travail de pré-prod, d’enregistrement, de production, de mix, de mastering… Tout ça, ça a pris une année.
Vous avez une très jolie pochette qui, je trouve, représente très bien l’univers sonore de l’album. Qui a réalisé ce travail ?
[Stavros] (ndlr. désignant Maxime) C’est lui qui l’a faite !
[Maxime] Comme j’ai une formation de concepteur multimédia, je trouve génial de pouvoir créer la cover de notre album. J’ai toujours été intéressé par ce travail qui permet aux artistes de se mettre en avant. On a eu plusieurs versions, car lorsqu’on enregistrait j’avais des couleurs, comme ce jaune un peu chaud, qui me venaient en tête. Je savais que je voulais aller un peu plus loin et j’ai travaillé avec Arnaud Dousse, un illustrateur fribourgeois. On a essayé de créer ce monde qui correspond au thème Transgenic. On est tous les trois représentés comme des protecteurs d’un monde organique qui se trouve au centre. Derrière c’est un peu un monde apocalyptique qui correspond au monde « transgénique ». À l’intérieur, il y a une illustration qui correspond à chaque morceau. Je me suis assez éclaté avec cette cover.
En live, vous jouez principalement le nouvel album ?
[Stavros] Pas mal oui et pour rejoindre ce que l’on disait précédemment, notre musique vit. Ce qui nous amène à jouer des morceaux qui ne sont même pas encore enregistrés…
[Marco] …et qui seront peut-être sur l’album suivant. On n’a pas vraiment de règle pour ça.
Vous êtes en tournée jusqu’à la fin février et il y a des dates prévues en mai…
[Stavros] Oui et on nous a demandé pour un tournée en avril, puis derrière il y aura la vague de festivals en mai et juin.
Mais vous allez être crevés !
[Marco] Ça demande une vraie préparation physique. C’est clair que si tu commences à boire des bières tous les soirs et à faire la fête, tu vas jamais tenir le coup. C’est un job qui demande beaucoup physiquement. Tu dois porter plus d’une demi-tonne de matériel deux fois par jour et tous les jours faire 500 km. Parfois les conditions font que tu ne peux pas manger et tu ne dors que quelques heures par nuit…
[Maxime] Ce n’est pas toujours comme on se l’imagine. Ce n’est pas « sex, drugs and rock’and’roll » tous les soirs. On a eu des tournées pendant lesquelles on enchaînait 18 dates d’affilée donc là, si tu commences à faire la noce, tu ne tiens pas.
[Stavros] Puis nous, on ne vient ni de Los Angeles, ni de Londres. On a dû travailler beaucoup plus et énormément répéter. Du coup chaque truc cool qui nous arrive, on arrive à les apprécier réellement.
[Marco] Le seul bémol pour l’instant, c’est tout le côté administratif qu’il y a autour et qui nous demande beaucoup d’énergie. Heureusement quand tu joues, tu comprends vraiment pourquoi tu le fais.
De quoi auriez-vous envie pour le futur de DSM ?
[Stavros] Le rêve, ce serait de pouvoir se décharger du management et de ne faire que de la musique. L’avantage pour nous, contrairement aux vieux groupes qui étaient managés sans avoir la moindre idée de ce qu’il se passait, c’est qu’on a appris les jobs de comptable, de tour manager, de manager… et maintenant, on connaît le business. En plus de ça, si on arrive à garder ce qu’il y a entre nous trois et l’amour pour la musique, on aura atteint un idéal.
Est-ce que vous avez le temps de vous consacrer à autre chose ?
[Stavros] Quand tu fais ce métier, il y a beaucoup de sacrifices. On rate beaucoup d’évènements. Par exemple, je ne peux pas aller voir Federer jouer quand je veux et pareil pour le mariage d’un ami.
[Marco] Maxime et moi avons des anniversaires qui tombent tout le temps dans des périodes de tournées. Je n’ai pas fêté mon anniversaire depuis… je ne sais même plus !
[Stavros] Si, on l’a amené au musée des dinosaures à Londres !
[Marco] C’est une très bonne question car notre vie, c’est la musique. Je ne me la suis moi-même jamais posée car c’est tellement rempli que t’as pas besoin d’autre chose pour vivre heureux…
Rédactrice : Floriane Piermay