Respect et irrévérence. Il y a quelque chose de l’équilibrisme dans l’art de la reprise. Comme une sorte de grand écart à faire entre prise de risques et respect de l’original. L’importance de l’écart entre les deux résidant souvent dans le choix des artistes dont l’on interprète l’œuvre, et la manière dont on arrivera à les faire oublier. Ici pour un album entièrement dédié à la cover, le spectre musical est large et permet d’imaginer le chanteur de Dépêche Mode en funambule spectaculaire, jouant de son timbre de baryton pour défier autant Nina Simone, Neil Young, PJ Harvey, que Charlie Chaplin. Le single « Metal Heart », bousculant d’emblée Cat Power avec une montée finale asphyxiante, et l’affaire semblait entendue, Rich « Soulsavers » Machin et l’enregistrement en live au studio de Rick Rubin à Malibu avaient offert au chanteur l’assise parfaite pour épater la galerie, pour se lancer dans le vide sans filet. Emballés, voilà qu’il restait à découvrir la dernière inconnue de l’équation, la liste complète des chansons, le programme de la soirée en somme. Et là patatra, c’est le grand sommeil. On a plus souvent l’impression d’assister à un aimable après-midi musical dans une maison de repos qu’à une soirée de folie sous un chapiteau de cirque en ébullition, et Dave Gahan semble bien ne pas oser réveiller les pensionnaires, Mark Lanegan, Gene Clark, Nick Cave et Bob Dylan les premiers. Au point que l’on a même l’impression que l’ingénieur du son a oublié d’ouvrir la porte de la cuisine où batterie et pianos avaient été enfermés pour ne pas réveiller la maisonnée. Pire lors du seul moment où les musiciens optent pour une instrumentation grinçante, ils affublent Emore James d’un costume étriqué qui le fait ressembler à un Halliday des mauvais jours. Y’a plus qu’à retourner faire la sieste. [Yves Peyrollaz]
Note: 2.5/5