Est-ce besoin de vous présenter Chloé Trujillo ? Bien sûr vous connaissez son nom mais plus que certainement ses créations, car c’est une artiste très dynamique et présente sur tous les fronts : design, peinture, musique etc… Pour le côté rock, Chloé Trujillo a sorti son dernier album ‘Mothers of a New Nation’ en octobre 2021, album qu’elle a réalisé quasi seule.
Interview avec cette multi artiste.
Très présente sur les réseaux, on peut voir que tu fais énormément de choses tant artistiques que personnelles. Ma première question : où trouves-tu le temps de faire tout ça ?
Chloé : En fait, j’ai tellement d’imagination, il y a tellement de choses que j’ai envie de créer et de faire que du coup ça me donne une énergie folle. Et puis il faut dire aussi que je suis très organisée. En fait, je me suis donnée le temps, quand mes enfants sont nés, d’un peu moins travailler. Il y avait ce côté très heureuse de pouvoir m’occuper d’eux bébé (ce qui est aussi très difficile, avec peu d’heures de sommeil et peu de temps pour soi) mais mon mari étant en tournée j’ai dû beaucoup gérer. Mais quand ils faisaient leur sieste je pouvais peindre, je pouvais écrire, je pouvais faire pas mal de chose tout en ayant le côté frustrant de la chose avec un manque de temps évident. Du coup maintenant qu’ils sont plus grand j’ai doublement la motivation de toutes les choses que je n’avais pas eu le temps de faire avant. Je pense que c’est ça qui me donne énormément d’énergie, ce coté positif de faire tout ce que j’ai à faire.
Après je suis quelqu’un de très organisée par exemple, le dimanche je fais un point de tout ce que j’ai fait la semaine, et tout ce qu’il me reste à faire pour chaque projet en cours. Pour chaque projet je me donne une sorte de deadline et je planifie en fonction ma semaine. Chaque soir aussi je fais le point sur ma journée, et les journées ou des choses imprévues se passent, j’essaye de les caler à d’autres moments pour tenir mes délais. Je suis quelqu’un d’assez difficile avec moi-même. Je crois que ça vient de mon père (rires), car lui n’a jamais vraiment pris de vacances et je pense que de grandir avec un père acharné de travail, ça te donne un sacré exemple. En bien ou en mal car je me sens maintenant presque coupable si je prends des vacances.
J’ai donc vraiment une énorme motivation et plein d’idées et parfois, je suis quand même obligée de me ralentir car je ne peux tout faire en même temps.
Par contre j’ai du mal à prendre du recul pour voir ce que j’ai accompli. Je ne vois que ce que j’ai encore à faire. Mais ça reste tout de même du plaisir. Je me sens tellement heureuse quand j’ai fini quelque chose comme une toile par exemple. Une satisfaction de s’exprimer, de sortir ce qu’on a en soi, de pouvoir l’extérioriser et de transformer cela en quelque chose de concret, de visible. De finir un projet m’apporte de la joie que je n’aurais pas si je ne faisais rien. Quand je travaille je me sens productive même si j’ai du plaisir à ne rien faire parfois mais pas trop longtemps.
En parlant de tes créations, qu’est ce qui t’influence le plus ?
Depuis que j’ai des enfants, ce sont eux qui m’influencent énormément, a plein de niveaux différents. Mais la façon dont je crée c’est vraiment pour me vider l’esprit, comme une méditation. Il y a des choses qui viennent que ce soit des mélodies, des mots, des choses qui deviennent des peintures ou des chansons, tout cela vient du fait de m’écouter, d’être en osmose avec moi-même, de me laisser aller. C’est une influence plutôt intérieure.
J’ai quand même des influences extérieures par exemple si je vais voir des expositions ou des concerts ou autre. Un film ou un livre peuvent aussi m’inspirer mais la plupart de mes créations viennent vraiment de l’intérieur.
J’ai quand même, pour ma part, ressenti des influences telles que l’ésotérisme. C’est un aspect purement artistique qui t’intéresse là ou ce sont des croyances profondes ?
J’ai toujours été un peu obsédée par l’idée du sens de la vie, de savoir qu’on a certaines facultés dont on n’est pas forcément conscients ne serait-ce que déjà le 6eme sens, l’intuition ou encore le feeling qu’on l’on ressent sur une situation, une personne. Notre société aujourd’hui va tellement vite que l’on ne s’écoute plus. Et moi, ça m’a au contraire, toujours fascinée. Cette histoire de vie après la mort, de pourquoi on est là, des questions que je me pose depuis très jeune d’ailleurs même enfant je me regardais dans la glace, je me tirais la peau en me demandant qui j’étais vraiment. Je me sentais différente des autres, je ne jouais pas aux mêmes jeux, je trouvais ça futile et je me posais vraiment des questions. L’ésotérisme m’a donc vraiment toujours fascinée. Cette introspection, cette recherche de qui je suis et pourquoi je suis là ça se retrouve dans tous ce que je créée. Il y a beaucoup de métaphores dans mes morceaux et beaucoup de symbolique dans mes peintures. On peut prendre ça à différents degrés.
C’est donc quelque chose qui me passionne il n’y a pas de doute.
Est-ce qu’il y a encore quelque chose dans tout ça que tu rêves de faire ?
Il y a toujours des choses à faire dans beaucoup d’autres domaines. Ce que j’adore c’est de pouvoir expérimenter la vie de différentes manières. J’avais ma licence de pilote quand j’avais 14 ans, ça m’a donné une connaissance et un savoir et j’aime en avoir sur différentes choses. Ça peut être tout et n’importe quoi de la cuisine en passant par l’astronomie. Je suis une passionnée. Je lis beaucoup et sur plein de sujets, j’apprends des langues. En ce moment je suis en train d’apprendre le perse d’ailleurs. J’ai cette curiosité de connaitre différentes cultures et d’apprendre différents modes de pensées ou de vies. Je trouve ça tellement intéressant.
Le fait de voyager énormément doit t’apporter beaucoup de choses aussi ?
Je m’y intéresse aussi parce que quand mes enfants étaient bébés, on partait en tournée et pendant que le groupe se reposait, moi j’allais découvrir les alentours avec mes enfants. On allait voir les musées, les centres d’intérêts, on allait se balader dans les rues voir comment les gens vivaient. Ça m’a toujours fasciné et je suis tellement heureuse d’avoir pu montrer cela a mes enfants parce que, du coup, ça leur offre une ouverture d’esprit, qu’ils sachent que des gens vivent différemment d’eux.
Dans ce milieu artistique, qu’est ce qui est le plus dur pour toi : être une femme ou être la femme de… ?
D’être ‘’la femme de…’’’ n’est pas toujours évident. J’ai une anecdote que beaucoup de mamans peuvent comprendre : quand j’ai eu mon premier enfant, j’avais mis mon boulot entre parenthèse, je venais d’emménager dans un nouvel environnement, mon mari était en tournée donc déjà j’avais l’impression d’être une machine et du coup on se perd un peu. J’avais rapproché mon identité a ce que je faisais et, à ce moment-là, j’étais un peu paumée. Un jour, Robert rentre de tournée, on décide d’aller manger dans un café en bas de la rue.
J’étais avec notre bébé en poussette et les gens nous arrêtaient souvent parce qu’ils reconnaissaient Robert et pour moi, c’est comme si je n’existais pas. L’une des premières fois depuis la naissance de notre enfant où je me retrouvais en tête avec tête avec mon mari, un fan arrive et j’avais ses fesses devant mon visage car il parlait à Robert et on avait juste une heure pour manger ensemble et une demi-heure est passée comme cela. J’étais juste là : invisible. L’autre côté d’être femme de et d’être toujours comparé à ce que fait l’autre. J’ai gardé mon activité très séparée de ce que fait mon mari, je fais mes propres choses et je suis contente de suivre ma propre voie. Je pense que d’être femme aujourd’hui ce n’est pas toujours facile mais une nouvelle vague de reconnaissance arrive. Dans la musique il y a aussi de plus en plus de femmes. Ma fille par exemple fait de la batterie, elle a son groupe et je suis très fière d’elle.
On va parler également de votre dernier album qui est sorti en 2021. Pouvez vous nous en dire un peu plus : comment s’est passé la préparation, quelles ont été les principales sources d’inspiration ?
Les morceaux ont été créés naturellement. Comme je l’ai expliqué ce sont des choses qui me viennent. Certains morceaux me sont venus en peignant des toiles, qui tout d’un coup m’ont inspiré, en général d’ailleurs elles ont un message, ce message devient alors une chanson. J’ai travaillé pas mal toute seule, mais avant Covid, j’ai rencontré un ingénieur qui travaillait pour Death Row Records, avec qui ça a bien marché de suite et du coup il a mis tous les beats derrière mes morceaux comme une collaboration. Et d’un coup, le confinement est arrivé et du jour au lendemain je me suis retrouvée sans ingénieur, sans studio, donc si j’avais envie de finir cet album je devais apprendre à utiliser ce software. J’étais toujours réticente à apprendre des choses sur l’ordinateur car j’aime travailler avec mes mains, avec la matière, mais j’étais forcée et motivée pour finir ces morceaux. Du coup ça m’a ouvert des portes et une sorte de liberté de pouvoir finaliser complètement seule, sans l’aide de personne même si c’est un apprentissage continuel avec toutes les nouvelles mises à jour etc. C’est donc comme ça que cet album s’est terminé. J’avais toutes les démos avec cet ingénieur, mais il a fallu que je retravaille tout moi-même avec ce que j’apprenais au fur et à mesure.
C’est quand même assez difficile de travailler seule car il n’y a personne pour donner un avis. Un travail solitaire un peu comme avec mes peintures ou les avis arrivent au moment de l’exposition. On ne sait pas à quoi s’attendre au moment de sortir un tel album.
Alors surement un prochain album si j’ai bien compris ?
Oui tout à fait, un album qui devrait sortir en décembre de cette année. Maintenant que j’ai cette liberté de pouvoir créer moi-même à mon rythme avec mon studio très proche de la maison, c’est très pratique. Du coup je créée encore plus vite (rires).
Comme tu vis maintenant loin de l’Europe, te sens tu encore pleinement française ou la culture américaine t’as rattrapée ?
Je pense que je suis un mix des deux mais je suis encore pleinement française même si mon français semble devenir moins bon. Cela fait depuis 2019 que je n’étais pas revenu. Être française reste dans mon cœur et dans mon âme. Mais j’ai ce côté américaine car je vis là-bas depuis tellement d’années.
Malgré tout, si je me compare avec les californiennes typiques, il y a quand même un décalage avec ce que je suis. Mes racines sont définitivement européennes.
Concernant tes influences musicales, et elles sont résolument rock depuis très longtemps, mais quel est le groupe dont tu as toujours été fan ?
J’avais des posters dans ma chambre de Iron Maiden, notamment un jaune et noir de 1980 ! Mon père était fan, alors j’ai découvert Maiden en cassette et je croyais même que Eddie
c’était Steve Harris (rires). Et j’adorais dessiner et j’ai dessiné Eddie très souvent. J’étais fascinée par les crânes et la mort déjà à ce moment-là. Mon père écoutait Hendrix, AC/DC, j’adorais tout ça ! Les guitares électriques c’est un truc que j’ai toujours adoré. Je n’avais quand-même pas de groupe dominant car même si j’avais ce poster de Maiden, j’écoutais autant Metallica ou Megadeth. Dans les années 90 à l’adolescence, je suis passée par le death metal : Napalm Death, Obituary etc… Un groupe ne se dégage pas plus d’un autre, c’était surtout selon le moment, genre Suicidal Tendencies c’était plus ma période ‘Happy’ par
exemple.
Mais ici au Hellfest, est ce qu’il y a « The groupe » que tu ne voudrais surtout pas louper ?
Oh mais il y en a plein car aussi au fur et à mesure des années j’ai rencontré les mecs de groupes, des amitiés se sont créés par exemple avec Sepultura. Paulo je le connais depuis que j’ai 20 ans donc ici je vais les voir c’est sûr. Gojira je vais aussi aller les voir car je les respecte énormément et ce sont aussi des potes, les adore. Korn c’est pareil, mon fils a joué pour eux donc je ne vais pas les louper, et ma fille a aussi des groupes qu’elle veut absolument voir.
Pour finir une petite anecdote sympa ou un scoop à nous donner ?
J’ai fait le design pour l’équipe olympique de natation synchronisée aux Etats-Unis pour 2024. Le design a été fini juste avant le Hellfest comme cela je suis tranquille ici (rires).
Et sinon un nouvel album ‘Spellbook’ qui sort en décembre 2022. Et je vais essayer de faire des concerts, car j’ai fait des shows virtuels pendant le covid, mais j’aimerai jouer avec des musiciens et en live, j’espère en 2023.
[Marjorie Delaporte]
https://chloetrujillo.com/