Éclectisme générationnel, éclatement stylistique, cheveux longs ou cheveux courts, assis comme debout, le public présent au Cepsum pour les performances de Crobot, d’Anthrax et de Volbeat était incroyablement varié. Et que dire de l’abondance de motifs vestimentaires, représentant autant de groupes différents provenant d’époques et de genres divers. Ce fut le résultat de ce mélange de groupes issus de milieux totalement différents venus performer dans cet aréna devant des milliers de personnes.
Lumières grandes ouvertes, la plupart de la foule toujours au guichet et Crobot s’enflamme. Pur Hard Rock, lourd et épais, à trancher au couteau. Malheureusement, les subtilités musicales étaient presque inaudibles. En effet, une sorte de vrombissement couvrait la sonorité du groupe. Certaines passes de cymbales à la batterie et les chants d’accompagnement se fondaient dans l’écho indésiré. Malgré tout, ce groupe originaire de Pennsylvanie incarne le rock, celui que l’on jouait autrefois, qui libère le corps et l’esprit. Sans grande originalité dans les compostions, Crobot sait pourtant personnifier le Hard Rock des années 70 notamment grâce à des riffs pesants et une attitude déjantée. Le vocaliste, Brandon Yeagley, avec son look à la Steven Tyler d’Aerosmith mélangé à un Ian Gillan de Deep Purple, est un atout incomparable à la formation. Énergique et charismatique, il captive la foule de par sa fougue et son enthousiasme.
Une fois la performance terminée, la file d’attente au kiosque de bière se remplit. Les toilettes sont bondées, les gardes de sécurité surveillent les sacs et leurs propriétaires, le sol est inondé de couvercles en plastique. Crobot signe discrètement des autographes à côté de la scène et les fans d’Anthrax attendent patiemment la venue du groupe. Les lumières se ferment enfin, des cris se font entendre: Anthrax embarque sur scène. Le drummer Charlie Benante et l’ex-guitariste Rob Caggiano furent remplacés par Jon Dette et Jon Donais. Benante, ayant subi une opération à la main, ne fut substitué que temporairement. Et Jon Donnais à la guitare succède à Caggiano qui joue désormais avec Volbeat.
Anthrax n’a pas besoin d’être présenté. Fioritures, enjolivements et garniture, ils n’en ont pas besoin. Vétérans de la scène thrash métal américaine des années 80, ils savent diriger impitoyablement le spectacle. Joey Belladona, de retour après des années d’absence au sein de la formation, prouve qu’il est fait pour la scène. Il s’adresse au public avec amusement et reconnaissance. Il sollicitait la foule, assez statique, à s’embraser et à participer. Et que dire de sa voix, toujours aussi adroite et sans pitié. Le groupe joua de superbes chansons de leur répertoire telles que «Caught in a mosh», malgré la quasi-absence de Moshpit, «I am the law» et leur excellente reprise de «Antisocial», initialement une chanson de la formation hard rock française Trust. Avec un nouveau batteur très doué, un guitariste-soliste très décontracté et un Scott Ian, toujours aussi vigoureux, le groupe s’est emparé de la scène, et en est devenu la bête. Anthrax est un groupe franc et direct. Artistiquement et socialement engagée, la formation a su se démarquer grâce à ses multiples influences musicales allant du punk au hip-hop et à leurs paroles abordant des sujets sensibles tels que le vol et la non-reconnaissance de la culture amérindienne en Amérique du Nord, dépeint dans la pièce «Indians», merveilleusement interprétée et chantée en choeur avec la foule. De plus, Ronnie James Dio et Dimebag Darrell furent hommagés sur «In the end» publiée sur «Worship music» leur plus récent album, sorti en 2011. La qualité sonore s’étant grandement améliorée depuis le début de la soirée ne leur rendait pourtant pas justice, tant les détails musicaux se perdaient dans l’ensemble phonique. Malgré cela, ils donnèrent une prestation délirante devant un public ravi, mais loin d’être coincé dans un Mosphit.
Plus la soirée avançait et plus le sol se remplissait de gens fébriles à l’idée de voir Volbeat pour leur première apparition à vie à Montréal. Ils se firent attendre et lorsque l’énorme rideau tomba, les poumons s’échauffèrent et les cris retentirent. Originaire du Danemark, la formation se fit connaître au milieu des années 2000, notamment grâce à un son et un look d’inspiration Rockabilly, des mélodies très pop et un charisme fou. En effet, le chanteur, Michael Poulsen en a touché plus d’un avec ses interventions personnalisées, ses sourires fiers et son allure de «Bad Boy», évidemment très propre et grand public. Volbeat s’inspire beaucoup d’une sonorité Heavy metal, mais les mélodies sont très pop et savamment composées pour plaire à un public aussi varié que celui présent au Cepsum. Ils jouèrent des pistes de leur plus récent album «Outlaw Gentlemen & Shady Ladies» (2013) dont «Lola Montez», une ballade sentimentale, ou des chansons plus rock dont «The hangman’s body count», très fidèle au son de l’album. Ils ont aussi interprété «The Lonesome Rider», superbe épopée à la Johnny Cash et aux arrangements très modernes. Sarah Blackwood généralement en duo sur cette piste n’a pas performé ce soir-là. Se baladant à travers leur répertoire, interprétant des chansons figurant sur leur premier album tel que «Pool of Booze, Booze, Booza» ou plus récemment «16 dollars» et l’excellente «The Mirror and the Ripper», ils captivèrent la foule du début à la fin. Parce que les membres de Volbeat aiment leurs fans et leurs auditeurs, ils le démontrent continuellement durant leur spectacle. De 7 à 77 ans (littéralement), les gens sont fous d’eux. Leur image est fondamentale à leur visibilité grand public. Et n’étant pas une fan du groupe, mais reconnaissant la réussite de leur venue à Montréal, leur attitude me semblait parfois exagérée et superficielle. Néanmoins, Volbeat livra une bonne performance et interpréta leurs chansons impeccablement. Rockers au grand cœur, musiciens de talent, musique accessible et bien ficelée, ils ont tout pour plaire.
Texte: Alexandra Perazzelli