Dès les premières secondes de ce concert énigmatique, je suis propulsée ailleurs. Je ne suis pas dans l’Auditorium Stravinsky, ce n’est pas 2018, la chaleur de l’été ne m’atteint plus. Parce qu’Anna Von Hausswolff n’est pas chanteuse, multi-instrumentiste ou parolière. Elle est un flux d’énergie fougueux et incontrôlable, dont les variations vocales surprennent autant que saisissent le monde sur lesquelles elles se répercutent. Elle nous propulse dès les plus jeunes notes dans un univers dont les méandres ne sont connus que d’elle et ses sbires. Toute la salle semble s’être changée en cristal pour l’occasion, les lumières blanches traversent la scène, transformant les musiciens en silhouettes de fumée, et le public n’est qu’une masse de silence en transe. Les vocalises nordiques se font douces puis tempêtent, criardes ou éclatantes au gré des nappes étranges d’orgue, de guitares électriques jouées à l’archet et de rythmes de batteries presque tribaux. A la fois céleste et infernale, c’est ainsi que je décrirais cette expérience qu’il faut avoir écouté en concert. L’apogée de celui-ci, cet instant où Anna est rejointe par sa soeur et qu’à deux voix, elles se fraient un chemin au milieu de la foule, improvisent un morceau complètement elfique, et communient avec l’univers autour comme si la salle était devenue la grotte et l’épicentre d’un culte des temps anciens. Un enregistrement à écouter dans le noir, les yeux fermés. [Brunelle Gerber]
Note : 5/5