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Alice Torrent – Soleil de minuit

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La chanteuse valaisanne propose son deuxième album en cette fin d’année. Les ambiances hivernales qu’elle a su capter dans les paysages islandais sont parfaitement inscrites dans les sillons de ce disque parsemé de références à la nature.

Ton premier album a recueilli beaucoup de critiques positives. Qu’est-ce que ça t’a fait de ne plus être dans la peau d’une outsider qui débarque mais de composer un album ‘attendu’ ? Est-ce que cela t’a préoccupé ?

Au contraire, j’ai trouvé ça plutôt confortable dans le sens où j’avais déjà poussé les murs de la scène musicale et je me suis sentie du coup directement légitime dans ma démarche. Ce qui a été désorientant pour moi sur le premier album a été de me dévoiler en tant que musicienne, d’oser et de prendre une autre direction professionnelle, de m’affirmer en tant qu’artiste autant auprès de mes proches que des professionnels. Du coup, durant la période de composition et d’enregistrement de ce 2ème album, je me suis sentie complètement libre et légère. D’ailleurs, chaque étape de création a été rapide et spontanée et j’ai eu énormément de plaisir sans me poser la moindre question sur ce qu’on pouvait attendre de cet album ou de moi.

Ton premier album s’écoutait très bien dans la nature. Je sais que tu es partie en Islande pour trouver l’inspiration., son titre c’est ‘Ode to your Sun’, tu vis en montagne. Quel rôle la nature joue dans ta création ?

La nature et la montagne sont un réel besoin dans ma vie au-delà de la création. En ville, je me sens vite oppressée. J’ai besoin d’entendre le vent, d’être proche des sommets enneigés et de sentir les éléments naturels agir sur moi. J’ai besoin qu’ils me poussent. Ils me rendent plus vivante. C’est peut-être ça qui m’a amené à vouloir faire une résidence de composition en Islande et durant le froid et la nuit hivernale. Je voulais découvrir ce que la nuit allait créer sur moi et ma musique. Et finalement, c’est l’éventail de bleu qui s’étendait devant moi qui a eu la plus grande influence. Je suis tombée amoureuse de ce pays. Là-bas, les éléments peuvent être violents et 30 minutes plus tard d’une douceur comme une caresse à l’âme. C’est magique, un peu comme si ça traduisait parfois l’intérieur de mon esprit.

Ton identité musicale semble plus affirmée comme si tu te reposais plus sur ton socle du premier album.

Je dirais que mon identité musicale a toujours été la même. Elle me suit, mais évolue forcément avec moi. Et heureusement ! Ça me fait donc plaisir que tu me dises qu’elle s’est affirmée. J’aurais été déçue de faire un deuxième album qui ressemble trop au premier. Là, il y a eu cette spontanéité dans la composition et les arrangements. J’ai pu aussi directement les travailler avec mes musiciens Dominique Dupraz, Allan Terranova et Sonja Bossart. Ce qui m’a permis, et c’est quelque chose qui me manquait sur « Phantom Limb », d’alléger et lâcher mon piano pour varier les ambiances. J’ai également très vite été en studio pour pouvoir garder au maximum le caractère de chaque chanson. C’était bien plus important pour moi de donner une identité à chaque titre que d’avoir une homogénéité dans l’album.

Quel rôle jouent tes musiciens en studio ? J’ai l’impression que l’instrumentation est plus présente sur cet album, que l’album est globalement plus rock.

Mes musiciens ont occupé une place vraiment importante sur cet album et j’en suis très heureuse. Je suis leur première fan (rires). Je suis fière que leurs empruntes soient si présentes sur mon disque. Pour certains morceaux, j’ai composé la totalité des arrangements. J’ai fabriqué des démos que je leur transmettais. Sur d’autres compos, au contraire, il m’est arrivé d’amener une compo piano/voix avec des intentions et une direction et ils brodaient dessus. Parfois, ça s’est fait simplement et rapidement et d’autres fois, je dois l’admettre, ils ont dû donner beaucoup de leurs personnes pour que je sois satisfaite ! (rires) Mais je crois qu’à la fin, tout le monde est content (et comme ils jouent encore avec moi, je pense qu’ils me pardonnent mes idées parfois un peu tordues et mon fascisme musical. (Rires) Après les sessions studio, j’ai effectué les arrangements chez moi avec mon clavier midi, mon ordi et mes voix par-dessus les enregistrements du studio. J’ai aussi eu la chance que Jordan Gregoris ait accepté d’interpréter mes douze mille pistes de cello, ou aussi d’avoir pu enregistrer les belles voix de Stéphane Davet et David Glassey sur deux titres, ainsi que certaines guitares de Bertrand Pot sur trois morceaux. Sans oublier le mix de Johann Meyer, (ingé son de Gojira) qui a su donner la profondeur et l’intensité que je cherchais, en passant également par l’aide sur certaines étapes de Jan Saunier et Raphaël Bovey qui viennent aussi du monde ‘métallistiqueux’. Je pense que c’est ce tout qui rend ce disque plus « rock », ou en tout cas plus dense.

Il y a aussi beaucoup d’effets sur ta voix. Y as-tu mis un soin particulier ? On y sent une certaine fatigue qui colle pourtant assez bien à l’ambiance des morceaux. Je crois d’ailleurs entendre à la fin de The Beckoning Silence ‘Ich kann nicht mehr’.

Pourtant, il y a peu d’effets sur les voix. A part la reverb habituelle, il y a certains delay ou quelques effets reverse sur la fin de ‘Crow’. Mais maintenant que j’y réfléchis, peut-être que tu fais allusion à un compresseur qui a mal été réglé à l’enregistrement sur deux chansons. (rires) Je considère la voix comme un instrument et je cherche au contraire qu’elle se fonde parmi le reste. Pour la fatigue, et ben merci! (rires) Non je n’étais pas fatiguée et au contraire très investie ! Cependant, j’étais enceinte et même très enceinte quand j’ai enregistré certaines chansons et je pense qu’on entend du coup mon souffle et qu’il y a un grain particulier. Je crois aussi que le fait d’avoir enregistré les voix durant ma grossesse a ajouté une dimension supplémentaire et a imposé plus de douceur. J’ai adoré partager ça avec mon bébé qui réagissait et qui avait l’air d’aimer ça. Le « Ich kan nicht mehr » de ‘The Beckoning Silence’ fait référence aux dernières paroles de l’alpiniste Toni Kurz sur l’Eiger. La chanson parle de cette tragédie.

Tu as vécu des moments contrastés pendant l’écriture de cet album. Joyeux et moins joyeux. Veux-tu nous en parler ? Et si oui en quoi cela a impacté l’album ?

Faire un disque, c’est une épopée, ça je le savais et je l’avais vécu une première fois. Mais effectivement, celui-ci a fait face à des moments de pur bonheur comme à des moments difficiles. De très beaux moments avec ma grossesse et la naissance de ma fille, une résidence de composition en Islande, un déménagement en montagne, la complicité avec mes musiciens, la belle surprise de pouvoir collaborer avec les incroyables Johann Meyer et Ted Jensen et ces étapes si fluides et épanouissantes. Et les mauvais moments avec une maladie qui m’a mise sur le carreau pendant une année et demie et la période du Covid qui nous a stoppé professionnellement et financièrement (notre famille vit de la culture). J’ai composé ‘An Ode to your Sun’ en 2018 et je sors enfin ce disque fin 2022. Je pense qu’il a pris du corps et s’est teinté de ces étapes.

Ton mari a écrit les paroles. Pourquoi et comment as-tu vécu cette ‘perte de contrôle’ ?

C’est apparu comme une évidence. Il le fait depuis plus de 20 ans pour ses groupes de métal et j’aime sa façon d’écrire. De plus, il me connaît par cœur et il sait traduire ce que je veux exprimer.  Je compose et enregistre mes démos avec des lignes de voix en yogourt, incluant déjà des mots en anglais. Ensuite, je discute avec lui du sujet que j’aimerais aborder. Parfois une phrase lui suffit pour me comprendre. Il écrit ensuite, en respectant mon yogourt. Ce n’est pas une perte de contrôle. Au contraire, je considère ça comme un réel cadeau, au même titre qu’un riff de mon guitariste. C’est une collaboration qui me touche beaucoup. Ses paroles me bouleversent parfois tellement, qu’il me faut plusieurs essais pour réussir à les chanter sans trembler de la voix.

Premier morceau en français aussi. J’ai entendu plusieurs artistes me dire que l’anglais les protégeait un peu et que le français est une sorte de mise à nue. On a moins le droit à l’erreur. Pourquoi cette envie ?

Oui c’est effectivement une prise de risque à mon sens, mais j’avais envie d’essayer. Ce sont des paroles que j’ai co-écrite. C’était une envie parmi tant d’autres. C’est intéressant d’expérimenter et oser. Par contre, je ne suis pas sûre de réitérer l’expérience. On verra.

Pour finir, parlons de ‘Seal Skin’, une femme phoque…?

La chanson ‘Seal Skin’ fait référence au mythe nordique de la femme phoque. J’ai découvert cette histoire en Islande quand je me suis penchée sur les mythes et légendes nordiques. J’ai voulu chanter celle-ci. C’est l’histoire d’une phoque éternellement déchirée entre la terre et l’océan après s’être fait voler sa peau de phoque, un soir où elle était venu danser sur la terre.

www.alicetorrent.ch

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