Oliver Ackermann, hégémonie bruitiste du New-York alternatif, est à la tête des A Place To Bury Strangers depuis 2003. Il est aussi le fondateur de la boutique Death By Audio, qui commercialise ses propres pédales d’effets, pour guitaristes-martiens versés dans l’expérimentation. On reconnait les fans du groupe à leurs acouphènes chroniques et leurs tympans crevés.
Transfixiation est le 4ième album du groupe. Pour ceux qui se demandent, A Place To Bury Strangers c’est comme un tremblement de terre dans une quincaillerie : parasites sonores, feedback, saturations, reverb à fond, mélodies camouflées sous plusieurs couches de distorsion, le tout légèrement souligné par la voix spectrale d’Ackermann. Dans le petit monde du shoegazing, le groupe est toujours le roi de la montagne. N’en déplaise à Pitchfork, un loup est un loup et les A Place To Bury Strangers ne feront jamais dans l’indie-folk mou pour barbu peigné sur le côté.
Si pour Michel Sardou, la vie c’est plus marrant en chantant, ce n’est pas le cas pour A Place To Bury Strangers. Ackermann, guitare-chant, est accompagné ici de Dion Lunadon à la basse et de Robi Gonzalez à la batterie. L’homme aux rouflaquettes et sa bande donnent toujours dans l’expérimentation sonore abrasive. Après un semblant d’adoucissement sur Workship, l’album précédant, le groupe redevient plus sombre, froid, névrosé, strident et agressif. La rythmique est fébrile et ressemble au The Cure période Fascination Street amphétaminisé. La guitare est omniprésente, saturée par le fuzz maison de Death By Audio. L’instrument d’Ackermann éructe un déluge de notes qui, à la fin, aboutissent en une mélodie aux surprenantes qualités pop. A partir d’un cillement, l’homme déchaîne ses doigts et fait flèche de tout bois. Le groupe frappe fort par moment avec quelques pièces qui sortent du lot. Les Straight, Supermaster, Now It’s Over, resteront malgré tout très loin du hit-parade, trop loin des standards frileux de la radio commerciale. L’influence My Bloody Valentine se fait sentir sur certaines pièces comme Love High et Deeper, qui semblent ridiculement trop lentes, à la limite soporifiques, un rêve sous opiacé. Avec cet album, le groupe ne se réinvente pas, ce qui est une bonne chose. C’est sauvage et douloureux comme un coup en plein foie, une bouché de papier sablé.
Si certains ayatollah leurs reprochent leur son monolithique, il faut reconnaître que le groupe possède sa propre identité: une âme glaciale. Donnant très peu dans le racolage, les new-yorkais n’iront pas se chercher de nouveaux fans avec cet album. Par contre, les vieux admirateurs y trouveront leur compte. À écouter si vous aimez Jesus & Mary Chain, Telescopes, My Bloody Valentine, Sonic Youth et les tondeuses à gazon.
Texte : Fred Lareau