La sortie de « Hight Hope » avait fait peur à beaucoup de fans de Springsteen. Malgré la qualité de ses compositions, le disque était surtout composé de titres issus des sessions de « The Rising », d’une reprise du groupe suicide , et d’un « Ghost of Tom Joad » propulsé par le solo hallucinant de Tom Morrelo . Le symbole était surtout contenu dans les morceaux issus des sessions de « The Rising » qui furent les derniers où l’on pouvait entendre le souffle grandiose de Clarence Clemons.
Bref , « Hight Hope » semblait représenter une façon de boucler la boucle , et le voir réciter « The River » sur scène après sa sortie n’avait rien de rassurant. Sur les affiches de cette tournée célébrant ce classique des seventies, on voyait le Springsteen de la grande époque, comme si sa carrière était désormais derrière lui.
Voilà pourquoi la sortie de ce « Western Star » est une excellente nouvelle, celui pour qui l’enregistrement fut toujours une épreuve n’a pas encore rendu les armes. Le E Street Band n’est pas encore de la partie, des rumeurs de plus en plus fortes affirment néanmoins qu’il serait déjà en train d’enregistrer son prochain album avec le boss.
Comme la plupart des disques solos de Springsteen, « Western Star » est plus épuré, la voix du boss planant au-dessus de mélodies légères. L’ambiance général fait beaucoup penser à « Working On a Dream » , ce disque d’un homme ayant atteint ses objectifs, et s’autorisant à célébrer la beauté de la vie qu’il s’est construite. Alors, bien sûr, vous ne trouverez pas ici de longs récits épiques à la outlaw Pete , mais il règne sur « Western Star » la même légèreté.
Cette douceur vous enveloppe dès les premières notes, avec en plus ce spleen campagnard, qui flirte avec le Neil Young de Harvest. La country est là, rythmant « Sleepy Joe’s Cafe » de ses tempos festifs. Le disque a le charme des longue virée en voiture où , en regardant par la fenêtre , on passe rapidement d’une euphorie légère à la nostalgie chaleureuse des lendemains de fêtes.
Si les instrumentaux sont aussi sobres, si aucun de ses solos déchirants ne vient percer ses méditations bucoliques , c’est parce que leurs seuls rôles est de servir de fond sonore aux paroles du boss, comme les décors du film « Les Raisins De La Colère » donnaient plus de force aux dialogues d’Henry Fonda.
La métaphore cinématographique n’est pas innocente . « Depuis Darkness And The Edge Of Town » , et la pochette de « The River », le boss c’est régulièrement inspiré du septième art. Ses textes sont des scripts , et le groupe derrière lui se charge de la mise en scène. En ce sens , « Western Star » renoue bien avec un processus qui atteignit son sommet sur « The River ». Et c’est sans doute ce lyrisme qui fait que « Western Star » est déjà célébré comme « le meilleur disque de Springsteen depuis dix ans », il nous donne l’impression de retrouver un paradis perdu.
Débarrassé des expérimentations parcourant les deux disques précèdents , le boss montre une nouvelle fois que sa musique est éternelle.