C’est en janvier qu’est sorti le superbe ‘Kvitravn’ de Wardruna. Un album autant mystique qu’animal, qui nous a donné des frissons nordiques. Rencontre avec l’âme du projet.
Comment vas-tu en cette période étrange ?
Je vais bien, comme tu dis c’est une période étrange ! Nous avons dû reporter la sortie de l’album et du reporter beaucoup de live. Mais j’ai beaucoup de chance dans le sens où j’ai eu beaucoup de travail en studio qui m’a gardé occupé pendant cette période. En plus, je vis à la campagne, donc c’est pire pour ceux qui vivent en ville. Le fait de ne plus pouvoir jouer en live est étrange aussi mais ceci est hors de mon contrôle et c’est le genre de situation où il faut avoir un plan A, un plan B et même un plan C, donc j’essaie de me concentrer sur ces choses-là car j’ai une possibilité de les influencer.
Une chanson de l’album parle des animaux dans les légendes. Pourrais-tu nous en dire plus sur la place des animaux dans la mythologie nordique ?
Dans la tradition nordique, on trouve une racine animisme. Cela se reflète bien entendu dans notre relation avec les animaux. Ces traditions ont changé durant les siècles mais je pense que les animaux étaient personnifiés. Dans les mythes on rencontre des animaux qui sont des symboles, comme le corbeau qui est une sorte de messager de l’au-delà, et est très relié à la mort dans une partie de la tradition mais aussi personnifié comme l’esprit humain. Les corbeaux du dieu Odin en sont des exemples. Ils sont très présents dans la mythologie nordique et représentent plusieurs choses différentes.
Est-ce que tu peux expliquer de quoi il s’agit en quelques mots et de quelle façon c’est lié aux chansons que tu écris ?
L’animisme est la croyance que toute chose possède son propre esprit, sa propre énergie ou sa propre vibration. D’un point de vue scientifique c’est même vrai pour la vibration. Avant, on pensait que tout ce qui nous entourait, même les pierres et les fleurs, avaient une conscience. L’idée est que nous faisons partie de cette nature qu’on considère comme sacrée. On le combine souvent au chamanisme, qui est un l’aspect religieux ou rituel du point de vue animiste. La nature est très centrale dans ma musique. J’ai utilisé les runes comme images pour montrer différents aspects de notre relation entre nous, la nature et une certaine puissance supérieure. Que l’on soit religieux, spirituel ou pas du tout, cela n’a pas d’importance, c’est quelque chose par lequel on est tous relié. Je déteste prêcher mais si ma musique a un message, elle veut promouvoir l’idée que la nature est quelque chose de sacré qu’on devrait protéger au lieu de dominer.
Tu parles beaucoup de mythes et de légendes. Que penses-tu que ces histoires peuvent apporter à notre société aujourd’hui ?
J’essaie de ne pas juste réciter des poèmes, je veux aller plus en profondeur pour y trouver la signification. C’est là qu’on comprend de quelle façon cela peut s’appliquer de nos jours. Une des raisons pour laquelle beaucoup de ces mythes sont toujours pertinents c’est qu’ils sont nés de notre environnement. Toute culture basée sur la nature est formée par son environnement et les personnes qui y vivent. Quand tu explores certains mythes, il y a une sagesse qui s’y cache si on voit plus loin que sa surface. La chanson ‘Munin’, par exemple, parle d’un des corbeaux d’Odin, le corbeau de la mémoire. Le mythe dit qu’Odin envoie ses corbeaux dans le monde tous les jours et il a peur que Hugin, qui représente son esprit, ne revienne pas, mais qu’il a encore plus peur que Munin, sa mémoire, ne revient pas. Pourquoi ? Le poème ne le dit pas, mais c’est logique c’est sans mémoire, il n’y a pas d’esprit, pas de pensées. La mémoire est une tellement grande part de ce qu’on est, qui définit la façon dont on pense. Et qu’est-ce que la culture si ce n’est une mémoire collective de membres d’une culture ? Cela parle aussi de la raison pour laquelle la mémoire est considérée comme une partie de nous autant que l’esprit. Dans la mythologie nordique, il n’y a pas que le corps, l’esprit et l’âme, c’est bien plus détaillé, il y a plus de couche à l’être, et la mémoire en fait partie.
Tu construits tes propres instruments. Est-ce que tu en as construits des nouveaux spécialement pour cet album ?
Je n’ai plus vraiment le temps de les fabriquer. Au début, j’ai dû le faire car il y a 20 ans, peu de gens savaient comment le faire. Aujourd’hui, l’intérêt pour ces instruments a repris et il y a de plus en plus d’artisans qualifiés qui peuvent m’aider. Sur ‘Kvitravn’ il n’y a pas de nouvel instrument mais de nouveaux modèles d’instruments déjà utilisés sur les albums précédents.
Est-ce tu as des projets prévus dans le futur comme pour la bande originale de la série Viking ou du jeu Assassins Creed Valhalla ?
Je n’aime pas faire toujours la même chose. J’apprécie les challenges. Si des projets intéressants se présentent, c’est toujours une possibilité pour moi si cela rentre dans mon agenda et ma vision artistique.