Après un album auréolé de récompenses, Thiéfaine a choisi de surfer sur cette vague positive et a remis l’ouvrage sur le métier sans tarder. Surprise, sa nouvelle galette est produite par son plus jeune fils.
Votre nouvel album est né de manière inattendue.
J’ai senti qu’il y avait des aspirations nouvelles après ‘Supplément de mensonge’, qu’il ne fallait pas que je perde de temps. L’album est sorti début 2011, et dès le mois de mai je me remettais à travailler. Une fois en tournée, comme j’étais en pleine forme, j’écrivais le matin dans les chambres d’hôtels. Mais surtout il y a eu un incident inespéré il y a un an. Alors que j’avais des notes pour une vingtaine de titres, j’ai voulu savoir où j’en étais. J’ai demandé à mon fils, Luca, qui avait réaménagé mon studio pour lui, de m’enregistrer proprement. On y a consacré trois jours, et puis c’est tout. Du temps a passé et un jour j’ai reçu un mail avec un titre où il avait gardé juste ma voix et mis ses idées d’arrangements. Le résultat m’a complètement bluffé. Je lui ai alors dit que si d’autres titres l’intéressaient, il devait s’y atteler. Au final avec ma maison de disques, on a décidé de lui faire réaliser tout l’album.
Vous dites toujours que vous voulez accéder à toutes les demandes de vos réalisateurs. Mais là, avec votre propre fils, est-ce que vous avez osé lui laisser la même liberté?
Plus même. J’avais à faire à un môme de vingt ans, la tête pleine d’idées, bourré d’énergie. Donc je me suis dit que je n’allais pas l’emmerder tous les quarts d’heures à lui demander pourquoi il faisait ci ou ça. J’allais de temps en temps lui poser des questions, pour savoir pourquoi il faisait certains choix, juste pour comprendre.
Dans «Médiocratie…» vous évoquez une société rivée derrière ses écrans. Vous avez toujours envie de combattre l’homme qui fout en l’air son humanité?
Je n’ai jamais trouvé la société formidable, mais plus ça va, plus elle se dégrade. Ce qui me gêne, c’est que si Internet est une chose géniale pour élargir ses connaissances, comme toujours, l’humanité sait détruire ses mines d’or. On en arrive à cette chose que je trouve déplaisante, l’anonymat. Je m’appelle Thiéfaine, je suis quelqu’un de responsable ; si je dis quelque chose, s’il peut y avoir cent mille personnes qui me crachent dessus, c’est toujours moi qui l’ai dit. Eux, on ne sait pas qui parle, qui m’insulte. Cet anonymat me rappelle Vichy, ce côté sordide de l’histoire française. Les gens qui se cachent derrière un pseudo, ça me rend violent.
Cette violence, vous parvenez à la canaliser par la chanson?
Ça calme un peu ma colère, mais c’est juste mon point de vue. Je dis : «vous êtes des cons à utiliser l’anonymat», je ne fais pas une loi pour l’interdire, je vais vivre avec. Ça m’aura juste soulagé un moment.
En concert le 14 avril à la Salle de Fêtes de Thônex.
FICHE CD
‘Stratégie de l’inespoir’
Columbia Records