Près de 14’000 personnes, soit une augmentation de 75% par rapport à l’édition 2017 ont participé à la 14ème édition du festival Les Créatives. Cet extraordinaire enthousiasme durant 13 jours démontre s’il le fallait le rôle de l’art et de la création en général comme force de rassemblement politique. Fort de cet incroyable succès, le festival Les Créatives se positionne aujourd’hui comme la seule manifestation artistique et féministe de cette ampleur en Europe.
« Nous avions voulu une édition flamboyante, rassembleuse et engagée. Nous sommes aujourd’hui profondément reconnaissantes au public qui nous a massivement suivi dans ce pari ambitieux ! », affirment les deux co-directrices Anne-Claire Adet et Dominique Rovini.
LE FÉMINISME COMME UNE CELEBRATION JOYEUSE ET ENGAGÉE
La force des Créatives aura été d’aborder les enjeux féministes de manière artistique, joyeuse et décomplexée malgré leur urgence et leur complexité. Au delà des discours, cette 14e édition s’est placée dans l’action, proposant au public et aux artistes invitées une sororité concrète et des solutions pratiques pour faire avancer les causes des femmes. La mobilisation, l’engouement et la diversité auront constitué les lignes de forces des 56 événements proposés.
DU PLAISIR A L’ENGAGEMENT, QUELQUES TEMPS FORTS
Par son positionnement, liant art et politique durant 13 jours, cette édition a permis l’émergence d’un récit convaincant et rassembleur pour aborder aujourd’hui les féminismes dans leur pluralité. Cette posture éditoriale ferme mais généreuse s’est ressentie dès l’ouverture sur le thème du plaisir, envoyant le Théâtre Saint-Gervais au 7è Ciel avec le très visible Cli-Cli gonflable de Daïana Action culturelle et du Bioscope, mais aussi par la pièce d’Emilie Chariot, une table ronde, une performance de Marie-Caroline Hominal et une collaboration avec la Fête du Slip.
Où sont les femmes dans la culture ? Devant une salle comble et animée, cette question urgente qui sous-tendait l’ensemble de cette édition a trouvé une première réponse, avec l’annonce du lancement par Pro Helvetia d’une étude nationale sur les femmes dans la culture, lors d’une discussion à La Comédie de Genève, regroupant la metteure en scène Anne Bisang, l’artiste Mai-Thu Perret, le directeur de Pro Helvetia Philippe Bischof, le Conseiller d’Etat Thierry Apothéloz, le Maire de Genève Sami Kanaan et la Présidente de la commission culturelle de l’ACG et conseillère administrative Stéphanie Lammar. A cette même occasion, les élus genevois ont fait savoir qu’ils poseraient à l’avenir des exigences de parité au soutien des projets artistiques soutenus par la Ville de Genève, le Canton et les communes genevoises.
Un nouveau vent féministe a soufflé sur Genève le 24 novembre pour une journée de clôture sous le signe de l’engagement, à l’occasion du rassemblement contre les violences faites aux femmes et de la grande marche menée par la flamboyante fanfare « 30 nuances de noir(e)s ». Cet événement constituait le point d’orgue du projet « La rue est à nous toutes », organisé avec la Ville de Genève, pour sensibiliser la population sur la question de la place des femmes dans l’espace public. Une foule de près de 2’000 personnes a déambulé en chantant dans le centre de Genève avant de rejoindre l’Alhambra pour une table ronde de haute volée sur les enjeux féministes contemporains, avec notamment la journaliste française Lauren Bastide et la chanteuse américaine Akua Naru – qui a enflammé l’Alhambra lors de son concert le soir même.
UN PROJET A L’IDENTITÉ FORTE ET COSMOPOLITE
L’équilibre entre la force des propositions artistiques et l’exigence d’une ligne éditoriale forte était l’objectif de la programmation réalisée par Anne-Claire Adet et Dominique Rovini, pour la première fois co-directrices du festival.
Arts … Du baroque au hip-hop, en passant par la danse, le théâtre, l’art contemporain et l’humour, le florilège de disciplines et propositions artistiques se voulait à l’image de la diversité de la création féminine : forte, impertinente et créative, mélangeant les disciplines et les esthétiques artistes.
Un soin tout particulier a été porté à mettre en avant la scène locale et ses talents, avec plus de 50% des artistes et invitées issues de la région. La soirée Local Sheroes à l’Usine, en lien avec le BPEV, a aussi été l’occasion du vernissage de la compilation « Swiss Sheroes » 100% féminine réalisée pour le festival en collaboration avec la FCMA. Les illustratrices du collectif romand La Bûche ont accompagné tout le festival, croquant chaque événement de leurs plumes et crayons. Leurs dessins sont visibles sur les réseaux sociaux des Créatives, en attendant une prochaine publication.
La diversité des propositions et des partenaires a entrainé une incroyable diversité des publics tout au long du festival, convergé lors de la marche du 24 novembre, menée par la fanfare « 30 nuances de noir(e)s » qui a rassemblé dans les rues de Genève femmes et hommes, de tous âges. Nous retiendrons aussi le battle de hip-hop décapant 100% féminin à l’Undertown de Meyrin, l’intimiste concert d’Elina Duni au temple d’Anières, le pissant concert de Neneh Cherry à l’Alhambra, la sidérante performance de Oona Doherty à l’ADC, l’exceptionnelle discussion sur l’adoption internationale avec la cinéaste Amandine Gay. Signalons encore la cohue inédite qui s’est présentée à la librairie du Boulevard pour entendre Mona Chollet, les éclats de rire provoqués par Marina Rollman et la fièvre enivrante suscitée par la prestation de Yasmine Hamdan.
… et politique L’événement est politique, au sens premier du terme, celui de la mobilisation de la « polis », la Cité. Le festival a permit de rassembler des artistes et le grand public, hommes et femmes, à faire front commun pour plus d’égalité – avec de premières incursions sur les questions plus larges liées au genre.
Cette 14e édition des Créatives a également révélé un fort mouvement féministe mis en marche, hors des clivages politiques, et une envie des genevois et genevoises d’interroger le monde dans lequel ils et elles vivent.
En 2018, le festival Les Créatives est devenu un événement incontournable du calendrier culturel genevois, mais aussi international.
UN AVENIR INCERTAIN
Malgré le succès incontestable et la notoriété croissante des Créatives en Suisse et à l’international, la tenue d’une quinzième édition reste incertaine au vu du budget extraordinairement limité du festival qui a contraint l’ensemble de l’équipe responsable à travailler dans des conditions de haute précarité. « D’une certaine manière, nous sommes l’exemple même de ce que nous souhaitions mettre en lumière dans nos discussions. », expliquent Anne-Claire Adet et Dominique Rovini, les deux nouvelles co-directrices. « Très clairement, nous sommes encouragées par les propos qui ont été tenus par les élus genevois lors de la soirée à La Comédie. Au vu du succès de cette édition qui a prouvé l’importance des Créatives, nous espérons que des subventionnements se concrétiseront et que le festival pourra élargir et renforcer sa base de financements. »