Véritable fer de lance de la scène post-hardcore émergente du début des années 90, aux côtés de Fugazi, Neurosis, Helmet et bien d’autres, Quicksand revient cette année avec un tout nouvel album intitulé ‘’Interiors’’, après une longue hibernation discographique de plus de vingt ans. Walter Schreifels, infatigable parolier, chanteur et guitariste du groupe, se prête au jeu de l’interview avant le passage du groupe le 22 novembre prochain à la Dynamo de Zurich.
Ce fut surprenant pour beaucoup de gens, y compris moi-même, d’apprendre qu’un nouvel album sortirait ! Qu’est-ce qui vous a poussé à enregistrer ‘’Interiors’’ ? Y a-t-il un lien de causalité avec la série de concerts que vous avez fait depuis la reformation du groupe ?
Oui il y a clairement un lien de causalité. Quand nous nous sommes reformés, cela nous a ouvert les yeux sur le fait que notre musique continue à toucher les gens, nous avons ressenti cela très fortement. Cela nous a poussés à partir en tournée, avec comme projet à long terme écrire des nouveaux morceaux, tout cela faisait sens pour nous. Nous avions besoin de sentir à nouveau ce que cela signifiait d’être dans Quicksand, dans le but de trouver notre voie d’un point de vue créatif. C’est à travers les passages d’improvisation de nos sets que nous avons fini par trouver cette même voie. Planifier une session d’enregistrement et le temps nécessaire pour répéter s’est révélé difficile pendant un certain temps, avant d’avoir une discussion cet été où nous avons convenu de nous concentrer sur la finition de l’album. Même si nous avions toujours beaucoup de plaisir à nous réunir occasionnellement, nous avions vraiment besoin de jouer de nouvelles chansons si nous partions dans l’idée de continuer le groupe. Nous nous sommes gardés d’annoncer la sortie du nouvel album afin de l’enregistrer sans pression et attente externes. Je suis heureux que la sortie de l’album ait surpris des gens.
Quicksand a été inactif pendant plus de vingt ans en ce termes de sorties de disques. J’imagine que chaque membre a entretemps évolué de manière considérable en tant qu’individu et en tant que musicien durant cette longue pause. Au moment d’enregistrer les nouvelles chansons, avez-vous fait face à une dynamique de groupe similaire à celle que vous aviez dans les années 90 ou avez-vous dû reprendre sur de nouvelles bases ?
Je pense que nous avons réussi à garder les bons côtés de la dynamique de notre groupe, tout en éliminant les mauvais côtés, les aspects inutiles, comme les choses qui, dans le passé, auraient débouché sur des différends. Nous nous sommes également assurés que le choix des chansons à laisser de côté soit opéré collectivement. C’est agréable de retirer le meilleur de nous-mêmes ainsi, ça a été très intéressant de voir que nous avions tous évolués, pas seulement en tant que groupe mais aussi individuellement. Pour moi, ces chansons m’évoquent des notions de coopération, de guérison et de plaisir.
Quelle est la chanson dont tu es le plus fier sur ‘’Interiors’’ et pourquoi?
C’est difficile de choisir car elles comptent toutes pour moi, mais je suis très fier de ‘’Illuminant’’ car je pense qu’elle est le chainon manquant entre le son qui nous a fait connaître et quelque chose de plus novateur. Dès que nous avions trouvé cette formule, les autres morceaux ont pu être conçus plus facilement.
Si je ne me trompe pas, tu as toujours eu tendance à écrire sur des sujets sombres, comme l’isolement, l’aliénation, etc. Je n’ai pas encore pris connaissance des paroles du nouvel album…mais récemment, une vidéo d’une des chansons de ‘’Interiors’’ est apparue sur le net, et comme le morceau s’intitule ‘’Illuminant’’, je me demandais si nous pouvions nous attendre à des textes qui évoqueraient plus la luminosité que l’obscurité ! Quelle est ton approche de l’écriture aujourd’hui, spécifiquement au sein de Quicksand ?
En surface, il y a quelque chose de sombre dans mes paroles, mais elles revêtent également un sentiment d’espoir, c’est le Gorilla Biscuit en moi (note : Walter Schreifels joue dans un groupe hardcore qui s’appelle Gorilla Biscuits et qui est connu pour avoir des paroles globalement positives et parfois humoristiques), il y a toujours un aspect humoristique dans mes textes. Par exemple, ‘’Dine Alone’’ est une chanson drôle au sujet de l’expérience de la solitude. Sur ‘’Illuminant’’, je pense avoir exploré des émotions semblables, mais je chante de manière différente et je me suis senti suffisamment confiant pour aborder un plus large panel d’émotions. Certains textes sont très simples et directs, d’autres cherchent plus à créer une ambiance. Ecrire des paroles, c’est un peu comme créer une nouvelle langue ou un nouveau dialecte, au début ça s’avère compliqué, mais une fois le processus en marche, l’exercice devient plus facile et plus sensé pour moi, je ressens une connexion plus grande des textes avec la musique.
Tu es très occupé musicalement, puisque tu joues dans pas moins de six projets différents, soit Dead Heavens, Vanishing Life, Rival Schools, Gorilla Biscuits, en tant qu’artiste solo, et bien évidemment Quicksand ! Je sais que tu es aussi producteur. Comment arrives-tu à trouver du temps pour toutes ces activités ? Travailles-tu sur ces divers projets simultanément ou passes-tu de l’un à l’autre suivant les disponibilités et les humeurs ?
Je suis effectivement très occupé, mais de bien des façons je considère chaque projet musical comme faisant partie d’un tout. J’essaie d’être le plus créatif possible et j’apprends de toutes ces expériences et de ces personnes talentueuses avec lesquelles je travaille. Tout cela demande de l’organisation en termes de planification, mais je suis très heureux et fier de toute la musique que j’ai pu faire cette année. Trois albums en une année est une première pour ma part, alors que cela fait un bon moment que je fais de la musique. [Bastien Benedetto]
Fiche CD :
Nom de l’album : ‘Interiors’
Label : Epitaph
Note : 4,5/5