Tout a commencé en 2010, lorsque Katy Perry rendait le ‘wa-ho-wa-ho’ célèbre avec son ‘California Gurls’ , estampillé ‘Millenial Whoop’ en 2016. Pour les plus musiciens d’entre vous, il s’agit de vocalises entre la cinquième et la troisième en gamme majeure, souvent verbalisés en ‘ah’ et ‘oh’. Imaginez chanter une note, vous retrouver à deux notes d’écart, et revenir sur votre note initiale.
Mais tout cela a commencé bien avant l’an 2000, avec notamment Buggles et leur célèbre ‘Video killed the Radio Star’ en 1979, ou encore Toto et leur ‘Africa’. Depuis, la pop s’en est emparée à grands renforts de refrains entêtants et de paroles inexistantes… Donc plus facile à se rappeler ! Ce fléau s’est donc répandu, en quelques années seulement, sur toutes les ondes radios. Pour une raison des plus simples : l’être humain se réconforte rapidement dans ce qu’il connaît déjà. Notre cerveau se sent rassuré lorsque l’on peut prévoir l’avenir à court terme, et cela crée naturellement un sentiment de réconfort, et donc d’appréciation. Le Millenial Whoop a trouvé son terrain de jeu.
Depuis, le rock n’est pas en reste, avec des artistes comme The Lumineers, Kings Of Leon, Green Day, tous se sont amusés, consciemment ou non, à ancrer le Millenial Whoop dans les annales.
Mais la nouvelle la plus choquante est arrivée cet été, quand Arcade Fire décidèrent de clamer le Millenial Whoop comme une de leurs inventions sur leur titre ‘Wake Up’, sorti en 2004. Win Butler déclarant même ‘Ces gens nous doivent leur carrière ! Montrez-moi vos royalties !’ Internet se déchaîne (‘Hé les mecs, j’ai inventé la note ‘do’, filez-moi votre pognon bande de voleurs !’), avant de découvrir une vaste blague par un faux site similaire à Billboard.
Une question subsiste néanmoins : à quel point a-t-on tout inventé, et surtout, à quel point notre cerveau peut-il être si prévisible que le Millenial Whoop est devenu le moyen le plus sûr pour passer sur les ondes ? Pour les groupes, facile à créer et à insérer dans n’importe quel morceau, pour les fans, la façon la plus sûre de chanter à tue-tête sans se tromper dans les paroles. Pas de propos politiques indécents, pas d’accent à adopter, le Millenial Whoop est sans sexe, sans couleur, et certainement pour le meilleur.
La science marque un point en déclarant que la musique est sur le déclin d’année en année. Pour une raison pourtant bien simple, se dit-on : créer de la musique actuellement est devenu bien plus facile et abordable qu’il y a cinquante ans ! Alors que tout devait être fait en live pour les premiers enregistrements, on peut désormais s’amuser comme un fou sur Garage Band et sortir un album sans avoir dépensé un centime. Michael Cera, le héros de Scott Pilgrim, l’a d’ailleurs fait avec son album ‘True That’. La science est néanmoins faite de plus que de bon sens, et a analysé 50’000 titres sur 60 ans. Faites vos stocks de ‘Sergent Pepper’, on s’enfonce dans un terrier dont on ne voit pas le fond.
En analysant la complexité harmonique, la diversité vocale et le niveau sonore de chaque titre, les trouvailles furent surprenantes. La richesse musicale, à son pic dans les années 60, s’est vue s’effondrer au fil des ans. La faute aux ordinateurs, aux drum-machines, au disco et autres artifices qui rendent les compositions homogènes. On blâme également la technologie pour avoir réduit notre capacité d’attention et de concentration à celui d’un bébé lama sous speed, les musiciens devant donc insérer des ‘hooks’ (gimmicks musicaux qui retiennent l’attention) plus vite et plus souvent dans leurs titres. Vous vous souvenez encore de ‘Barbara Streisand’, sortir en 2010 ? Tandis que choisir avec attention un vinyle, le payer rubis sur l’ongle nous forçait à apprécier un morceau, nous voici donc avec des milliers de morceaux gratuits sous notre index, merci au streaming.
Et nous voilà à la question de l’argent : combien cela coûte-t-il de signer un artiste et le rendre célèbre ? Entre 500’000$ et 3’000’000$ pour les labels, qui ne peuvent s’assurer de revoir cet argent de sitôt. A moins de créer un Frankenstein, jeune et assez talentueux, pour le former à son image ? Après tout, l’on comprend le cerveau humain bien mieux à présent – il y a donc de quoi s’amuser avec l’argent du contribuable. A coup de lavage de cerveau, l’industrie musicale force les radios, les sites, les films à diffuser un morceau jusqu’à ce que nos petits cervelets apprécient un titre oubliable à la première écoute. De là à dire que nous ne sommes que des cobayes avec un compte en banque, il n’y a qu’un pas. Whoop, whoop !