Interview de Rover le 13 juillet au Festival Les Georges

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Rover
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La semaine passée, Rover foulait la scène du festival fribourgeois Les Georges. Avant son concert, nous en avons profité pour lui poser quelques questions à propos de son nouvel album. Un artiste à ne pas louper, surtout si vous êtes au Paléo Festival le soir du 22 juillet : Rover se produira sur la scène « Le Détour »!


Pour ton dernier album, comme pour le premier, tu as choisi l’analogique. Ça veut dire que tu acceptes de ne pouvoir rien y changer une fois l’enregistrement terminé ?
J’accepte surtout de garder ce qui pourrait être tentant de changer sur un ordinateur. Donc ça change tout. C’est accepter certains défauts, qui apparaissent comme tels quand on enregistre sur un ordinateur, et se rendre compte qu’en fait c’est une qualité pour la chanson car cela permet de rebondir autour de quelque chose qui surprend dans l’interprétation. Ça pousse à interpréter toute la chanson dans son intégralité. Contrairement à ce que font beaucoup de musiciens qui jouent un couplet et qui, s’il est bien, le copient sur le deuxième et troisième couplet, là on fait de la musique tout le long, de A à Z et avec un son différent, une interprétation différente parce qu’on est en temps réel dans la musique.

Je ne critique pas le digital, mais pour la musique que je fais et pour ma personnalité, l’analogique est ce qu’il me faut. Il y a des gens qui font avec du digital des choses très belles. Peut-être que je le ferai à l’avenir, que je me vouerai une passion pour ça, mais il y a cette odeur de l’analogique, des studios avec une ambiance particulière et il y a des accidents qui me fascinent avec l’analogique. Je n’ai toujours pas exploré tout ça et je pense que ça peut me fasciner encore longtemps. Je pense que quand on enregistre avec des vraies batteries, avec du bois, des vraies basses, il n’y a pas mieux que la bande analogique pour faire sonner ces instruments-là.

C’est difficile à trouver des studios avec ce matériel ?
Ça revient mais c’est rare de trouver des bons studios analogiques, avec du matériel entretenu par des passionnés. Mais j’aime les studios analogiques où l’on est pas maniaque: on n’est pas en train de se dire que c’est une pièce de collection, on l’utilise, on fume des cigarettes autour, ça vit, on pose le café dessus.

Le lieu dans lequel tu composes à une influence sur tes chansons ? Est-ce que tu as besoin de te retrouver seul pour écrire ?
De plus en plus oui, et quand j’y repense, il y a vraiment des endroits où naissent certaines chansons, presque de façon récurrente. C’est une ambiance, c’est les gens qui sont derrière la porte si je suis accompagné, et il faut que ce soit des gens en qui j’ai confiance. La solitude est quelque chose qui à la fois me fascine et m’inspire des chansons ou une interprétation. Il faut aussi des studios qui soient loin de la ville, loin de la vie même, pour recréer une vie justement intime en studio.

Tu dis que tu considères les disques que tu fais comme des photos, des instantanés d’un moment donné. Du coup quand tu les rejoues plus tard, en ayant évolué, tu ne ressens pas un décalage ?
C’est ça qui est extraordinaire. Le disque est tellement figé quand on l’enregistre, c’est en ça que c’est une photographie, et l’avantage de faire des concerts c’est de refaire vivre la musique, de la réinventer, de changer les tempos et qu’elle vive avec moi, qui grandit, qui mûrit, qui vieilli, qui suis fatigué ou en forme et de rendre la musique vivante. Il est hors de question que les gens aient en face d’eux le disque studio, c’est mon avis artistique, ça ne serait pas forcément très intéressant. Avoir un artiste qui joue sa chanson quelques mois après ou un an après est intéressant, avec tout ce qu’il a vécu entre temps: sa guitare qui a vieilli, lui aussi, et ça rend la musique encore plus organique. Ce n’est pas péjoratif l’image de la photographie mais c’est frustrant de figer la musique sur un disque. Le live permet de le décongeler et de le faire vivre en le jouant plus fort ou en rajoutant des parties. On n’est jamais frustrés en live !

Alors enregistrer un album live, t’en penses quoi ?
Ça m’a traversé l’esprit, mais je suis tellement exigeant sur le son que j’ai toujours peur que ça ne sonne pas comme je veux. J’ai rarement écouté des albums live qui m’ont donné envie de les réécouter en boucle. Il y a une précision en studio que le live n’offre pas. Si c’est accompagné d’images peut-être que ça peut être plus intéressant, un DVD par exemple. Mais un album live audio, je risque d’être très critique sur sa qualité sonore.

Ça me surprend vu que ton rapport à l’image est très controversé, non ?
Tout à fait, c’est pour ça que je sors pas de DVD (rires). Le son live serait effacé par une image qui pourrait avoir de l’intérêt avec les lumières, l’énergie, le public, mais juste un disque audio de live… Ça veut dire qu’il y aurait aussi ce que je dis entre les morceaux, mes blagues ne sont pas drôles et je n’aime pas m’entendre hors musique. Je ne trouve pas qu’il y a un grand intérêt, même en interview, de m’entendre. Mais après c’est un travail car parfois certaines interviews me font rire, car je dis des choses sur l’instant que je n’aurais pas forcément exprimées. C’est une psychologie thérapeutique plutôt intéressante.

Tu as l’impression d’avoir ta place dans la «scène» française ?
Quelle drôle de question ! Je m’y retrouve dans le sens où je me sens légitime, c’est à dire que j’ai quelque chose à dire, que les gens ont un intérêt pour ma musique. Après en comparaison avec d’autres artistes, c’est plus compliqué ! Il y a une relation entre artistes qui est toujours bienveillante et ça se passe toujours très bien, par exemple j’ai vu Lou Doillon à un festival il y a deux jours, on a rigolé. On se voit rarement mais c’est quelqu’un d’adorable. Je peux croiser des gens qui font de la chanson française, après est-ce qu’on fait partie d’une grande écurie française, est-ce qu’on n’est pas juste des disques posés dans un display chez le marchand de disques ? Je ne pense pas qu’il y ait une scène française. Je vais être un peu critique mais on a souvent parlé des scènes de New York, au début des années 2000 par exemple. Les protagonistes de cette scène disaient bien qu’ils ne traînaient pas ensemble dans les bars, ils font des concerts, se regardent de loin, mais c’est un peu un fantasme de journaliste ce concept de « scène ».

J’étais heureux d’être aux Victoires de la Musique et d’être complimenté et encouragé par un milieu. Peut-être qu’à soixante ans je pourrai répondre à cette question !

Quand on fait un premier album qui se fait remarquer, on est souvent attendu au tournant pour le second. T’as ressenti de la pression pour «Let It Glow» ?
Pendant une semaine oui, mais c’est moi qui me suis mis la pression. Après j’ai tourné ça
à mon avantage et j’étais heureux que des gens attendent mon disque. Il y a quelque chose de très positif de savoir que l’on est attendu. C’est plein d’amour et de bienveillance, les gens sont excités de voir la suite. Ça m’a donnée envie de faire ce disque et je me suis dit qu’il n’y avait aucune raison que les gens qui nous aiment sur un premier disque soient là pour nous détruire sur un deuxième, si ça les a accompagnés durant une tranche de vie. Au pire ils sont déstabilisés ou en questionnement et ça ouvre parfois des discussions.

Je ne pense pas qu’on puisse se tromper en musique. Il n’y a pas de bonne trajectoire commercialement intéressante. Je ne veux surtout pas penser à ça mais à faire des disques cohérents qui s’emboîtent ensemble. C’est comme élever des enfants : le premier n’est pas le second et ce serait injuste de dire au second «Mais pourquoi tu n’es pas comme le premier qui dessine si bien?» Mais c’était le premier, et le deuxième a autre chose, il est peut-être moins bon à l’école, mais qu’est ce qu’il joue bien au basket! Quand on a ensuite sorti trois ou d’avantage d’albums ça forme une grande famille qui se complète. Je pense qu’il ne faut pas être trop sévère avec les disques, ils font de leur mieux.

Tu penses quoi des reprises? Si tu devais en faire une, tu choisirais quel titre?

Ce n’est pas forcément mon truc, parce qu »il y a ces titres qu’on a tellement aimé ! Que ce soit les Beatles ou n’importe qui, c’est dur de passer derrière l’interprète d’un titre, car tout le monde a son bagage de souvenirs avec celui-ci :l’endroit où il l’a découvert, comment il a pu l’aider… Donc je crois que je reprendrais un titre de Rover, «Aqualast» du premier album.

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