Avant de débuter, on va mettre quelque chose au clair. Un festival qui se respecte se doit d’offrir des choix difficiles à ses festivaliers. C’est-à-dire qu’on ne peut pas tout voir. J’ai donc manqué certains spectacles auxquels j’aurai aimé assister. Les décisions ont parfois été crève-cœurs, parfois mère nature a limité mes déplacements, et parfois la faim et la fatigue transforment les plans qu’on s’était donné. Il y aura donc obligatoirement certains trous — volontaires ou nons — dans mon résumé du festival.
Tout festivals offrent également son lot de bons coups et son lot de déceptions. Et franchement, au Festif, les déceptions se font rares.
JOUR 1
La 138 est couverte d’un gros nuage noir qui laisse tomber une forte pluie, sur tout le territoire de Charlevoix, à mon arrivée jeudi en fin d’après-midi. La soirée s’annonçait plutôt moche, moi qui espérais tant entendre le nouveau matériel de Marie-Pierre Arthur. Elle qui semblait si heureuse de son nouvel album lorsque nous l’avions rencontrée (Entrevue). Et quoi dire du maître Charlebois juste après ? Le parapluie était prêt.
En fait, c’est au tour du groupe Groenland à qui revenait la lourde tâche d’ouvrir le festival. Dès les premiers accords, la pluie a cessé pour ne plus jamais revenir. Performance propre et digne de leur réputation, idéal pour plaire aux quelques centaines de personnes présentes âgées entre 7 et 77 ans. Bon coup des organisateurs de recevoir Groenland en ouverture, et ainsi réaffirmer leur mandat de festival familial. Une belle pop-orchestrale, pas tant originale, mais tout de même de grande qualité.
Marie-Pierre Arthur est entrée sur scène avec la joie de vivre qu’on lui connaît, et accompagnée de son acolyte de toujours François Lafontaine. Elle nous a servi principalement une bonne dose de son plus récent album entrecoupé de quelques vieux succès. Entre autres, une version complètement réarrangée de la pièce «Droit devant» qui figure sur son premier album. Une version beaucoup plus lourde et avec une orchestration épique signée Lafontaine. Rien qui ne passera à l’histoire, mais une très bonne performance et parfait pour réchauffer la foule à ce qui s’en venait.
Le maître. Que dis-je ? Le Dieu Charlebois allait suivre avec son big-band et ses classiques «Entre deux joints» et «Les ailes d’un ange». Une pure leçon de rock n’ roll qui n’a rien à envier au Jagger, Mc Cartney et Steven Tyler de ce monde. Le terrain du festival commençait alors sérieusement à se remplir. Beaucoup de gens étaient présents pour Charlebois jusqu’à la fin pour entendre «Ordinaire», l’une des plus grandes pièces du répertoire québécois. Spectacle digne de son aura quasi-mystique, Charlebois est encore bien vivant.
Je commençais toutefois à me poser une grande question existentielle. Mais comment donc Le Festif pourra-t-il faire entrer tout le public de Reel Big Fish demain ? Est-ce que le festival sera victime de sa popularité ?
On verra demain.
JOUR 2
11H57 a.m. L’application du Festif, téléchargée le matin même, m’informe qu’un spectacle surprise de Fred Fortin aura lieu à 14h45 pour 80 chanceux. J’apprends par le fait même que Karim Ouellet a, quant à lui, fait un show surprise la veille à minuit à l’hôtel du coin. Triste d’avoir manqué Ouellet, mais heureux de savoir que Fortin sera de la fête.
Mon premier rendez-vous de la journée était avec Milk and Bone. L’application m’informe également que le spectacle a été déplacé dû à la température instable. Changement impromptu qui a empêché le duo féminin de faire des tests de son convenables. Les problèmes techniques ont été nombreux, mais rien pour empêcher la salle comble d’y trouver son compte. Milk and Bone est la nouvelle sensation de l’heure sur le Plateau Mont-Royal, et avec raison. Les voix sont charmantes, les mélodies accrocheuses et les rythmes oniriques. Leur succès soudain et instantané aurait-il justement été un peu trop rapide ? Le duo manque encore un peu d’expérience sur scène, mais c’est un léger détail qui automatiquement se résoudra avec les nombreuses dates de concerts inscrites à leur calendrier. On risque de beaucoup entendre parler d’elles dans les prochaines années. À suivre.
Direction show secret de Fred Fortin pour me retrouver dans une file beaucoup plus longue que 80 personnes. Il fallait arriver tôt si on voulait entendre le Springsteen du Lac. Trop tard pour moi.
Après avoir jasé un brin avec Clément, l’un des braves organisateurs du festival que l’on voit courir d’un côté et de l’autre depuis hier. Il m’affirme que tout roule à merveille, et que si la température est clémente, le festival sera, encore cette année, une belle réussite. La journée ne faisait à peine que commencer que tout Baie St-Paul vibrait au rythme du Festif.
Philippe B. nous donnait ensuite rendez-vous sous l’énorme chapiteau installé sur le terrain de l’église. Ambiance très conviviale avec les enfants qui courent et qui pleurent. B. a su captiver la foule avec sa poésie urbaine et son folk épuré. Son hit «California girl» une chanson de voyage «par celui qui reste à la maison» et des histoires loufoques de problèmes d’harmonica survenus en spectacle, dont la fois où celui-ci tomba en plein studio de radio ou la fois où la moustache mal-trimmée du chanteur se pognait dans ledit harmonica. Belle performance avec un duo de choristes. Propre et pro. Simple et efficace.
J’ai à peine eu le temps de bouffer un morceau avant la montée sur scène des Planets Smashers. L’un des groupes que j’ai vus le plus souvent en spectacle dans ma tournée des festivals. Cette fois-ci était probablement la meilleure performance du groupe que j’ai pu voir. Le public leur a réservé un accueil plus que chaleureux et le groupe n’a déçu personne. Ils ont réussi à faire asseoir par terre quelques milliers de personnes — semblerait que Le Festif a répondu à l’appel davantage que le Rockfest —. À peine le spectacle des Smashers terminé, qu’une fanfare s’est présentée sur le balcon de l’édifice adjacent laissant ainsi le temps au technicien de préparer la scène pour Reel Big Fish. La douzaine de musiciens de la fanfare ont descendu les marches, tout en continuant à jouer, pour aller se promener parmi le public qui attendait impatiemment le prochain groupe. Voilà un 15minutes bien investi, sans temps mort, une merveilleuse idée des organisateurs pour faire continuer la fête.
Seule performance en sol canadien pour Reel Big Fish cette année. Beaucoup de touristes provenant des maritimes et de l’Ontario étaient présents pour ce concert exclusif. Tous les hits y sont passés, She has a girl friend now et Beer. Le stationnement de Baie St-Paul est vite devenu une plage chaude d’été où des milliers de personnes sont venus skanker leur vie. Finalement, tout le public a pu entrer, mais les organisateurs devront peut-être se poser la question d’agrandir pour l’année prochaine parce que clairement il n’y avait plus beaucoup de place. C’est ce qu’on appelle un beau problème.
Reel Big Fish a donné un concert mémorable qui m’a quand même fait réaliser une chose, c’est-à-dire que les Montréalais de Planet Smashers sont un des meilleurs groupes ska de la planète. Auraient-ils volé la vedette aux Californiens. Je crois que oui.
Rien ne me préparait pour la suite de la soirée. Galaxie allait jouer dans le sous-sol de l’église. Je n’avais même pas l’intention de m’y rendre, mais je me suis laissé convaincre. Leur dernier album m’a laissé plutôt indifférent malgré les excellentes critiques et les hits radio, album que je trouvais complètement sur-produit et qui ne me semblait pas à la hauteur de ce que Galaxie 500 faisait il y a quelques années. J’étais dans le champ. J’ai assisté à un des moments les plus rock de ma vie. Une salle comble et un groupe en forme, stoner à souhait, lourd et excessivement fort et puissant. Un mosh-pit et du bodysurfing dans un sous-sol d’église, on ne voit pas ça souvent. Un concert épique, un 20 minutes de rappel, François Lafontaine qui débarque avec sa clope sur la scène avant de sauter dans la foule pour se faire porter. Un rêve de jeunesse pour lui qui, selon les dires de Langevin, en parle depuis 15 ans. Sans contredit le moment le plus intense de ma fin de semaine. Je devrai réécouter l’album et oublier les nombreuses couches d’effets qui camouflent l’agressivité et les mélodies des chansons. Un moment qui restera gravé dans ma mémoire pour très longtemps.
Le rappel de Galaxie m’a fait manquer les premières chansons de Mononc Serge qui a débuté aux alentours de 1h00 a.m. La salle communautaire était comble, mais le spectacle n’a pas levé. Le son (semi-acoustique) avait de la difficulté à se rendre jusqu’à l’arrière de la salle. Même le principal intéressé a semblé trouver le concert un peu ennuyant et le public trop propre et poli. Lui qui s’attendait à avoir un public «saoul-mort», a plutôt eu droit à un public endormi. Mais soyons honnête, le spectacle manquait de succès.
JOUR 3
Le soleil et la chaleur étaient au rendez-vous pour cette troisième journée du Festif. Une des plus belles découvertes que j’ai faite cette année est Pierre Kwenders, révélation de l’année de Radio-Canada, l’africo-québécois nous a servi une dose de soleil et de danse tribale accompagnés de rythmes électroniques et de mantras dans une langue qu’on ne saisit pas. Un excellent concert qui n’a déçu personne. Kwenders est un autre auteur-compositeur qu’il nous faudra surveiller dans les prochaines années, et qui, sans aucun doute, aura beaucoup de succès.
Après le concert de Kwenders, nous ferons un saut dans le temps jusqu’au Trois Accords à 21h45. Aucun spectacle n’a su capter mon attention entre les deux. Dany Placard a offert une performance plutôt moyenne. Radio Radio a ensuite fait lever la foule…sauf moi. Et Alex Nevsky, quant à lui, a offert une performance ok sans plus, mais ne semblait pas trop dans son élément, peut-être une différente plage horaire lui aurait été bénéfique. Tout cela pour finalement mener au spectacle des Trois Accords qui sont apparus sur scène avec la fougue punk d’adolescent qu’ils semblaient avoir perdu au fil des années. La première partie du spectacle fut rock à souhait, beaucoup de distortion, du bodysurfing et une excellente percussionniste qui propulsa les chansons du groupe à un autre niveau. Que des hits que le public chantait par coeur; Saskatchewan, Hawaienne, Tout nu sur la plage, J’aime ta grand-mère…L’énergie du groupe s’est tranquillement dissipée, mais tout de même une performance punk rock digne des Drummondvillois.
Plusieurs groupes de grande qualité allaient suivre sur les différentes scènes du festival. Qualité Motel, Chocolat, Heat, We are Wolves, Franklin Electric et Dylan Perron….mais au risque de m’en vouloir, je me devais d’aller boire une bière au bar Tony et Charlo pour entendre le groupe Prieur/Landry. Duo originaire de Joliette, et récemment sous contrat avec les productions Bonzai (Québec Redneck Bluesgrass Project), les deux gars ont offert un des meilleurs concerts du festival devant probablement la plus petite foule du festival. Une trentaine de personnes ont reçu une dose bien grasse de stoner, de grunge et de blues en plein dans les dents. Quelques reprises de Black Sabbath, Beatles et Nirvana étaient au programme. Le public ne s’est pas gêné pour dire au groupe qu’il s’agissait là d’un des meilleurs spectacles de la fin de semaine. Une soirée qui s’est terminée à la fermeture du bar sous une pluie de feedback, et avec une caisse claire tachée de sang. Ce groupe aurait peut-être dû être placé en première partie de Galaxie, mais ce n’est que partie remise; Prieur/Landry sera au FME en Abitibi en première partie justement de Galaxie et de Sandveiss. Belle découverte d’un groupe qui fera assurément beaucoup parler de lui dans les prochains mois avec la sortie imminente de leur album.
Le Festif reçoit la note honorable de A+ pour son organisation, son horaire démentiel, ses lieux enchanteurs et son public enjoué et fêtard.
Ce qu’un festival souhaite en premier lieu est de fidéliser sa clientèle. Et ce fut chose faite. Je serai de retour l’année prochaine ainsi que pour l’édition suivante et l’autre d’après, et encore l’autre d’après. Et je doute fort être le seul qui dès son retour à la maison avait déjà hâte à l’année prochaine. À+ mon beau Festif.
TOP 3
Galaxie
Charlebois
Planet Smashers
DÉCOUVERTES
Milk and Bone
Pierre Kwenders
Prieur/Landry
DÉCEPTIONS
Mara Tremblay
Dany Placard
Mononc Serge
BONS COUPS
Les verres réutilisables – les lieux du festival sont restés propre jusqu’à la fin.
Les concerts surprises
L’application mobile
La Fanfare
Texte et photos: David Atman