COILGUNS – Le regard tourné vers l’avenir

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La sortie de l’album « Odd Love » dévoile un groupe qui malaxe son noise rock pour lui donner un relief plus complexe, avec la ferme intention de toucher un large public. Le guitariste Jona Nido rêve même d’un avenir dans la cour des grands. Rencontre au lendemain de la prestation des Chaux-de-Fonnier à Label Suisse.

Lors de ce concert aux Docks mi-septembre, le premier en Suisse Romande à proposer les titres de votre nouvel album, quel était votre sensation au sortir de scène ?

On s’est senti hyper en place, en phase avec un public très éclectique, et extrêmement contents d’être de retour. Quand on a eu fini de ranger le matériel, Kevin notre bassiste a dit un truc du genre : « What, mais le prochain concert, c’est dans trois semaines ? », sous-entendu, on doit attendre avant de remonter sur scène. On est un peu comme des enfants dans un bac à sable. C’est un sentiment génial.

Comme la semaine précédente au Bad Bonn, on l’a dit, une partie des titres du nouvel album était jouée pour la première fois en live. Si ces titres pouvaient parler, comment ont-ils vécu cette première, selon toi ?

Je me serais dit qu’il y avait beaucoup d’énergie mais peut-être pas assez de travail. Pourtant je me serais senti à l’aise parce qu’on propose quelque chose qui est du Coilguns, mais je dirais plus accessible ou plus construit. On a quand même écrit ce disque pendant plus de deux ans, donc les morceaux se sentent un peu adulte.

L’album propose textures travaillées et tempos plus déconstruits, quelque chose de neuf dans votre univers. Avez-vous soumis les nouveaux titres à la critique ou n’ont-ils subi que votre propre regard ?

Les seules personnes qui ont suivi l’évolution de ces titres de bout en bout, c’est notre management. Ils nous ont fait des commentaires quand il y avait à en faire. On a tellement déconstruit ces morceaux après les avoir écrits, que c’est presque comme si on avait fait cinquante pas de recul pour les laisser reposer pendant des semaines, voire des mois. Puis, nous les avons repris comme si ce n’était plus nos morceaux et les avons re-déconstruits. Du coup je pense qu’on était assez sain dans l’autocritique. J’ai en tête depuis toujours où j’aimerais amener ce groupe, mais je me suis dit que cette fois je devais penser la musique dans ce sens. Jusqu’à maintenant elle était très frontale, hyper bien à jouer dans des petites salles sans scène avec la proximité du public. Là j’avais envie d’écrire des morceaux qui sonneraient mieux sur des gros systèmes. Après avoir présenté les titres aux autres, les avoir travaillés, on les a réenregistrés en live pour comprendre l’attitude qu’ils auraient sur scène. On est même allé faire des résidences comme à la Case à Choc avec le son ouvert, juste pour se rendre compte du résultat quand il y a tout qui tremble. C’est comme ça qu’on a écrit « Featherweight », qui est un des longs morceaux du disque, un peu prog, assez calme mais avec beaucoup de dynamique. 

En dehors du groupe, vous avez de nombreux projets, que ce soit Closet Disco Queen, comme backing-band de Louis Jucker ou en collaboration avec Birds In Row. Est-ce que Coilguns a été nourri par ces projets ou est-ce l’inverse ?

Après douze ans d’activité on ne sait plus trop. A la base il y a Coilguns et la même année Louis a monté son projet solo. Mais Coilguns, au niveau musical, dans l’énergie, a tout influencé. Typiquement Closet Disco Queen est né d’un besoin de faire autre chose. Au moment du split avec Abraham une tendance post black metal avec des accords classique rock est apparue et je me suis dit « ce n’est pas pour Coilguns ». J’avais besoin de canaliser cette énergie. La tournée avec Louis c’était une histoire d’agenda. Mais à la suite de cette tournée il disait trouver cool parce qu’avec Coilguns on refusait de chanter, alors qu’à travers ce projet on l’a tous fait. Du coup il rêvait du jour où l’on serait en train de jouer du punk et que l’on serait derrière des micros en train de scander des trucs avec lui. Ce que l’on a commencé à faire. Chaque projet a absorbé de l’autre.

Dans ce processus, y a-t-il un visage inconnu du groupe que vous avez découvert ?

Pas au niveau musical. Mais on a eu tendance à transformer un peu ce groupe qui se voulait hardcore en groupe de noise rock. Et je trouve que ça a ouvert le champ des possibles. Pour Louis, le challenge était de trouver une façon de poser des voix ne venant pas renforcer le côté metal moderne qui se dessinait. Et j’ai vraiment découvert qu’il pouvait faire autre chose que des mélodies toutes douces pour des chansons d’amour tristes, comme il en chante en solo. Il pouvait aussi faire des mélodies sur du rock vénère. Et ça me réjouit à fond parce que de toute façon il sera toujours hyper surprenant avec son esthétique particulière.

Vous avez souvent parlé ces derniers temps de la volonté d’évoluer, de chercher un public plus large. Une fois que « Odd Love » a été bouclé, est-ce que vous aviez l’impression qu’il était cet objet qui allait permettre d’atteindre cet objectif ?

Tu as raison, on l’a fait dans cet esprit. Enfin c’est ce que j’avais derrière la tête. Mais en faisant le disque on avait tellement la tête dedans qu’on n’y a pas du tout pensé. Quand on l’a finalisé on était juste contents de ces titres, de la façon dont on les avait faits. Même maintenant, je crois que je ne me suis pas posé la question. C’est trop bizarre, tu me mets un nœud dans la tête. Je trouve que le disque est super, il raconte définitivement autre chose. Si on avait bien une idée en tête, je ne sais pas du tout si l’on a atteint cet objectif.

Pourquoi la facette « Do It Yourself » que vous revendiquez est-elle vitale ?

Parce qu’il n’y a personne qui veut faire des choses pour nous. Ce n’est pas pour pleurer que c’est dur, mais ce discours raconte qu’on n’a pas eu le choix et qu’on en a fait une force, mais par défaut. Ça l’a encore été récemment. Oui, on a bossé avec quelqu’un pour l’enregistrement du disque, oui, on l’a fait mixer. Mais c’est beaucoup de job de sortir des disques et je n’avais pas envie de le faire. J’aurais apprécié d’avoir un label plus établi à l’international qui nous serve de vitrine. On est allés taper gros, parce que connaissant cette industrie, on voit comment ça marche, on connaît les mécanismes, les ressources et les moyens de ces structures. Mais on fait déjà tellement bien les choses en ayant le contrôle sur tout, sans compromis, que soit on signait chez un super gros pour utiliser leur force de frappe, soit on le sortait chez Humus. Pendant des mois on a cherché et ça n’a pas marché. Alors fuck, on a fait comme d’hab’, on a tout fait nous-mêmes.

C’est l’artistique ou la vision du groupe qui n’ont pas plu ?

J’aimerais bien que ce soit ça, ça aurait été plus facile, enfin, moins décevant. Non, ça a été une histoire de stats. A travers les réseaux sociaux tu peux tellement te développer seul que c’est devenu un peu une règle tacite, les labels ne signent pas en-dessous de cent mille followers. Ils savent qu’à ce stade la fanbase est telle que ce qu’ils vont investir va très vite être converti en pognon. S’ils s’arrêtent aux stats, ainsi soit-il.

Il est donc primordial que l’évolution que vous souhaitez au groupe amène un élargissement du public ? La survie passe par là ?

Complètement, mais je pense que ce sera pour le prochain album. Avec celui-ci on va déjà essayer d’avoir la reconnaissance du public concerné par notre musique. J’aimerais bien que ça aille plus loin et je vois qu’il y a le potentiel. Le disque est un peu plus facile d’accès en termes de son, pas juste en termes de compos, ça fait beaucoup.

Et si ça marchait, si cet album parvenait à vous ouvrir des portes ?

Ce serait génial, c’est tout ce que je souhaite à ce groupe ! Après c’est quoi « marcher » ? J’ai dit aux gars « soit ça marche, soit j’arrête ». J’arrête juste de définir ma vie à travers Coilguns qui devient du coup un groupe hobby. Maintenant ça fait trop longtemps qu’on bosse sur ce groupe pour arrêter d’y dédier nos vies, ça serait un peu con. Mais parfois je ne suis pas sûr que les autres me suivent dans ce trip. Surtout il faut dire que je me satisferais d’une évolution organique, que je voie les choses bouger. Si « marcher » c’est faire un million de vues sur youtube, alors ça ne marche pas. Mais mon seuil n’est pas là. Je vois que les clips qu’on a sortis ont fait plus de vues en un mois que ceux qu’on a postés il y a cinq ans. Du coup, je me dis qu’il y a du mouvement. On nous invite à Label Suisse, les offres pour cette année en Suisse ou à l’étranger viennent de plus gros clubs. Il y a une confiance qui s’installe. Donc quelque part ça marche déjà.

Et l’effet couperet qui était dans ton esprit s’éloigne un peu ? 

Il s’est déjà estompé. Il y a là un phénomène très simple. Quand tu n’es pas dans l’action, tu voudrais juste qu’il se passe quelque chose et tu réfléchis trop. Il suffit que tu retournes en répète pour réaliser que c’est ce que tu aimes faire dans la vie avec tes copains. Mais avouons que le groupe va dans un sens où c’est cool. Ça donne à penser que ça continue d’avoir du sens de faire ça. J’ai le sentiment que les étoiles sont alignées. On a un entourage professionnel incroyable, un petit public assez loyal. On ne va pas faire dans le sensationnel, mais on va faire un step significatif. On est arrivé en classe supérieure, tout d’un coup, tu vois (rire) ? On n’est pas encore vraiment chez les adultes, mais on est à l’école secondaire du rock.

Yves Peyrollaz

En concert le 7 décembre, Humus Fest, Usine à Gaz, Nyon

coilguns.ch

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