A l’occasion des trente ans du groupe, Dark Funeral a décidé de réenregistrer leur album éponyme ‘Dark Funeral’ (1994). Nous avons eu la chance d’interviewer Lord Ahriman, compositeur et figure emblématique du groupe pour revenir sur ces trois décennies intenses de black metal.
Comment s’est passé le réenregistrement de ces anciens morceaux et pourquoi l’avoir fait ?
C’était une super expérience d’enregistrer à nouveau ces morceaux et de leur donner une nouvelle vie pour les mettre au goût du jour. C’était l’occasion de rendre certaines choses plus audibles que sur l’original et de rééquilibrer tout ça grâce au matériel que l’on n’avait pas en 1994. Je suis toujours heureux de pouvoir sortir un produit de qualité et je ne comprends pas ces groupes qui vont en studio pour avoir un son dégueulasse. Quelle perte de temps et d’argent !
Est-ce que ça vous a donné envie d’écrire à l’ancienne en rejouant ces morceaux ?
Non, je pense que ce que nous faisions à l’époque, c’était essayer de créer quelque chose de nouveau, de plus sombre, de plus extrême. C’était juste une étape sur le chemin. Si vous écoutez les albums récents, vous verrez qu’ils se sont améliorés en termes d’extrêmes et d’atmosphère. Depuis ‘Vobiscum Satanas’, je voulais aller vers une atmosphère plus prononcée tout en gardant cette agressivité, essayer de trouver un équilibre entre tous les éléments que j’aime dans la musique : la noirceur, l’extrême, des passages rapides, des passages plus lents, des mélodies, etc.
Je n’ai jamais été du genre à regarder vers le passé, car tout ce qui s’est passé à l’époque et chaque album que nous avons enregistré en 94, 96, 98, faisait partie de cette époque et c’est là qu’ils appartiennent.
J’essaie vraiment de regarder vers l’avenir et de voir où je peux amener notre musique. Quelles émotions et quels sentiments différents puis-je incorporer dans la musique ? La musique est un exutoire pour moi. Que veux-je partager avec le monde ? Est-ce que je veux partager un aspect différent de moi ou non ? Je veux que cela reste intéressant pour moi dans le processus de création. Que le monde aime ou non, c’est secondaire.
Vous commencez une tournée avec Gwar en automne, comment va l’industrie des tournées en ce moment ?
Nous avons beaucoup tourné aux États-Unis, donc nous avons une grande base de fans et nous sommes encore en pleine ascension là-bas. Mais bien sûr, ça nous manque de tourner en Europe. Nous n’avons pas reçu beaucoup de bonnes offres par ici, c’est pourquoi nous avons été à l’étranger. Nous avons principalement fait des concerts uniques et des festivals en Europe ces dernières années.
C’est difficile, c’est sûr, car tout coûte cher de nos jours et il y a des réactions négatives de partout. Les gens se plaignent des prix des billets, des produits dérivés, et la plupart du temps, c’est le groupe qui est blâmé pour sa supposée cupidité. Mais les gens ne voient pas tous les coûts. Il y a beaucoup de frais liés à une tournée. Bien sûr, on veut offrir un spectacle en direct, une expérience au public, et cela coûte aussi beaucoup d’argent. Je pense que la plupart des gens comprennent, mais certains se plaignent toujours. J’aimerais qu’ils voient l’ensemble des coûts : il y a des frais pour le spectacle, mais tout le monde veut une part. La dernière part revient au groupe, et avec ça, on doit payer l’équipe, le bus, l’essence, les vols, les excédents de bagages, etc.
Parfois, c’est un pari : allons-nous rentrer avec de l’argent ou non ? Heureusement, jusqu’à présent, tout s’est bien passé, ce qui nous permet de continuer. Sinon, nous ne pourrions pas faire ça. Nous investissons beaucoup d’argent pour améliorer nos spectacles, et j’espère que le public le voit et continue de nous soutenir, ainsi que les autres groupes. Tout le monde travaille dur pour des salaires très bas. Nous faisons de notre mieux, et je pense que cela vaut pour tous les groupes, qu’ils soient petits ou grands. Nous sommes tous dans le même bateau.
Est-ce que ce réenregistrement de ‘Dark Funeral’ est aussi un hommage pour le dixième anniversaire de la mort de Blackmoon (2013) ?
C’est évidemment son héritage, ce dont il faisait partie en créant le groupe. Mais c’est aussi une manière de lier le passé et le présent, en donnant aux générations qui nous suivent depuis le début et à la nouvelle génération un aperçu de nos débuts. C’est quelque chose que Blackmoon et moi avions commencé à planifier avant sa mort. Mais comment cela allait se concrétiser, nous ne le savions pas à l’époque.
Je sais qu’il voulait autant que moi donner à ce projet une véritable réédition sous un bon label comme Century Media. C’est chose faite, et je peux maintenant me tourner vers l’avenir. Cette mission est accomplie et je me sens bien à ce sujet.
Quels sont vos groupes actuels préférés de black metal ?
Je n’ai pas vraiment découvert beaucoup de nouveaux groupes. J’écoute encore tous ces groupes avec lesquels j’étais ami et qui faisaient partie de la scène à l’époque, voire avant. Les fans de cette époque sont toujours là, et ils effectuent encore un travail fantastique. C’est là que se trouvent mon cœur et mon âme.
Je me rends compte, en parlant avec toi et les autres journalistes, que je me sens presque un peu honteux de ne pas être à jour avec les nouveaux groupes. Je vais essayer de passer du temps à découvrir ce qui se passe. Parfois, je mets des playlists de nouvelles sorties sur Spotify, mais peu de choses m’ont vraiment impressionné. J’espère qu’il y a beaucoup de bons nouveaux groupes, mais je suppose que j’ai encore beaucoup à découvrir.
Vous avez prévu d’écrire un nouvel album bientôt ?
J’ai commencé à écrire plus tôt cette année et j’avais un bon rythme. Je n’ai pas vraiment terminé de chansons, mais j’en ai quelques-unes presque finies et pas mal en cours. Mais ces quatre ou cinq derniers mois ont été principalement consacrés à ce projet de réédition, son enregistrement, et à beaucoup de détails de planification. Je n’ai donc pas vraiment eu le temps. J’y pense presque tous les jours et je veux retourner travailler sur ce que j’avais commencé, car j’avais vraiment de bonnes idées. Mais avec tout ce qui se passe autour de moi, je ne peux pas me concentrer et trouver la paix intérieure dont j’ai besoin pour écrire.
Mon plus grand souhait est de pouvoir enregistrer un nouvel album l’année prochaine.
Quel est le secret pour garder un groupe comme Dark Funeral vivant pendant trente ans ?
Ne jamais être satisfait et être obstiné. Tant que je vois que je peux améliorer quelque chose, je continuerai. Même si je peux être en partie satisfait de ce que j’ai fait, je vois toujours des moyens d’améliorer les choses. Ma vision pour le spectacle en direct est de combiner le style musical, la philosophie et l’aspect visuel du black metal sur scène. Avec Dark Funeral, il y a une grande vision à réaliser sur scène pour correspondre à la musique. Tout dépend du budget, ce qui me limite, mais nous investissons beaucoup en ce moment pour rendre le spectacle plus visuel et plus épique. Cela coûte cher, donc il faut y aller étape par étape. Tant que j’aurai cette soif, je continuerai.
Quel est votre meilleur souvenir avec le groupe ?
Pour moi, chaque fois que nous allons en studio et que nous avons nos chansons prêtes à être enregistrées, c’est une récompense. Mais aussi le soutien incroyable que nous recevons des fans et d’autres musiciens talentueux de tous genres, pas seulement du métal. Je suis toujours surpris par ce soutien, et je me demande pourquoi on prête attention à moi. Je ne suis qu’un gars jouant du black metal. Le soutien des musiciens et des fans du monde entier est vraiment touchant.
Un dernier mot pour vos fans de Suisse ?
Continuez de nous suivre sur les réseaux, nous avons du neuf qui arrive. Commencez par découvrir la réédition de ‘Open The Gates’ et de ‘My Dark Desires’. C’est une grande histoire, et si vous n’aimez pas les nouveaux enregistrements, vous pourriez préférer les versions originales si vous ne les avez pas entendues. Ou peut-être que vous aimerez les deux et comprendrez ce que nous avons essayé de créer ici. C’est une excellente réédition avec beaucoup d’âme et de passion derrière. Alors, jetez-y un œil et j’espère vous voir en tournée très bientôt.
Franck L.