Enfin ! Cette date zurichoise de YES repoussée à quatre reprises et reprogrammée dans des salles différentes pour diverses raisons (pandémie, décès d’Alan White (batteur), retour en studio…) depuis 2020 a finalement eu lieu au Kongresshaus de Zurich. Entre temps, une nouvelle galette (« Mirror to the Sky » / InsideOut Music – Sony Music, 2023) est sortie et la tournée anniversaire des 40 ans de l’album « Drama » a muté en « The Classical Tales of Yes Tour », avec un clin d’œil appuyé à l’occasion des 50 ans de l’album « Tales from Topographic Oceans ». Pas de quoi bouder notre plaisir, bien au contraire, car le groupe mythique – l’un des pères fondateurs du rock progressif – a proposé une intéressante setlist couvrant la quasi intégralité de sa carrière, puisant dans pas moins de 9 albums différents.
Configuration assise dans le Kongresshaus, plutôt habitué aux concerts de musique classique, mais agréable pour écouter idéalement nos ménestrels. Emmené par Steve Howe, génial guitariste présent quasiment depuis la genèse de YES, le groupe attaque le set avec l’immersif « Machine Messiah » et son refrain quasi cérémonial, enclenchement idéal de cette machine musicale à remonter le temps. Touche plus légère et lumineuse avec « It Will Be a Good Day (The River) », mélodie et refrain entraînants, belles harmonies vocales. Jon Davison, que certains esprits chagrins trouvaient un peu fade à ses débuts, montre que son chant a pris de l’assurance et bien que discret, il a une belle présence sur scène. « Going for the One » tiré de l’album éponyme enregistré à Montreux en 1977 emballe le public avec les riffs échevelés de Steve Howe à la guitare Pedal Steel. Un peu plus tard, du même album, une sublime version de « Turn of the Century », l’une des chansons les plus émouvantes de YES avec ses subtils échanges entre les accords de la guitare acoustique de Steve et le chant pur de Jon.
La fête ne serait pas complète sans des classiques des classiques comme le jouissif « I’ve Seen All Good People », le tube « Don’t Kill the Whales » ou « Time and a Word », l’un des fonts baptismaux du groupe. Petite surprise dans cette première partie de concert avec « America », en instrumental, reprise de Simon & Garfunkel.
Le temps d’une courte pause de 20 minutes et le groupe regagne la scène avec une version pêchue de « South Side of the Sky » au cours de laquelle on se régale avec la ligne de basse bondissante de Billy Sherwood qui rappelle tant celles de son ami, Chris Squire. La partie centrale de la chanson avec ses joutes vocales entre les musiciens est également de toute beauté. « Cut From the Stars » fait honneur au dernier album en date sorti l’an dernier. Dommage que cette version soit écourtée et qu’il n’y ait pas d’autres titres de cet opus de bonne facture. Bémol vite effacé par le long medley rendant hommage à « Tales from Topographic Oceans » et un magnifique final avec « Ritual (Nous sommes du soleil) ».
YES repart brièvement en coulisses avant d’offrir à ses fans deux monuments, « Roundabout » et « Starship Trooper » pour leur plus grand plaisir. Le public, en majorité aux cheveux gris ou blancs pour ceux qui en ont encore, repart chez soi, partagé entre le bonheur d’avoir assisté à un très bon concert et le spectre d’avoir peut-être vu ce groupe mythique pour la dernière fois sur scène.
Texte : Jean-Blaise JB Betrisey
Photos : Stéphane Bee