C’est grâce à Mathieu de la boutique de disques Sonik que je suis entré en contact avec Luc Paradis. Je me rends à fond la caisse au café Névé rue Rachel, une ancienne plomberie, tiens. Du gros soleil plein la poire. C’est vendredi, vive l’oisiveté, je conduis sans mes lunettes et je stationne en zone interdite, carpe diem! (-143 dollars en frais de remorquage).
En arrivant au café où a lieu le rendez-vous, je réalise que je n’ai aucune idée de ce à quoi ressemble Luc. À l’extérieur un moustachu fait les cent pas l’air un peu anxieux un petit calepin dans une main, tripote son téléphone de l’autre. C’est lui. C’est Luc. Pas de doute.
Je n’ai jamais vu Luc, mais il est déjà entré dans ma vie il y a plusieurs années, plus précisément en 2009 au moment de la sortie du 1er disque des Jacuzzi Boys, No Seasons, trio floridien à haute énergie. Luc est responsable de l’illustration salace des cartoons libidineux en couverture d’album. Une image qui reste en tête et qui donne envie de jouer à touche pipi dans le gazon. Un dessin à l’humour subversif qui rappel Raymond Petitbon, illustrateur chouchou des furieux Black Flag, groupe hardcore épique des années 80. Une influence pour Luc qui développe un certain goût pour ce qui est sulfureux et vilain.
Né à Vancouver en 1979, exilé à Montréal depuis une quinzaine d’années, Luc se passionne pour la musique. Il aime le rock encore plus que Joey Tardif, disons. Sympathique et affable, Luc parle un très bon français.Il me parle surtout de musique et de ce qui l’inspire dans sa démarche artistique. Fortement influencé par le minimalisme, l’esprit DIY des belles années punk et le graphisme géométrique des très sauvages Germs (un rond bleu sur fond noir) de Darby Crash suicidé la veille de la mort d’un certain John Lenon. Il y a aussi le chien mutant de l’album Diamond Dogs de David Bowie… Le beau dans le moche. Artiste multidisciplinaire, Il n’hésite pas à sortir de sa zone de confort pour repousser ses limites et de se torturer un peu afin de trouver l’épanouissement. Il trouve le confort dans l’inconfort.
Luc a présenté ses œuvres dans de nombreuses expositions, notamment à L’œil de poisson à Québec. Pompia a été présentée à la galerie Parisian Laundry à Montréal en 2012. Ce fut sa première expo individuelle. Il a aussi réalisé l’illustration du livre Martine à la plage de Simon Boulerice.
Dans un registre plus bruyant, il est également batteur chanteur pour la formation rock crados The Letouts. Un album est prévu pour le mois de mai.
En 2007 il fraternise avec les infâmes Black Lips lors d’un séjour à Atlanta il partage avec eux un certain idéal du rock, festif sauvage et viscéral. Un produit rendu trop stérile qui manque d’audace et de dangerosité. Ah, si GG Allin était encore vivant…. Enfin, c’est Luc qui est responsable du design visuel pour le dernier album du groupe, Underneath The Rainbow. L’illustration interne représente un gourou satanique en compagnie d’une dévouée nymphette, captive sur l’autel du sacrifice (ne restait plus de chèvre). Pour la couverture il a travaillé à partir d’une photo prise par un certain Mick Rock… Il a également fait la typo à la main. Si vous avez une table tournante, achetez le vinyle pour apprécier pleinement le travail de Luc.
Texte : Fred Lareau