Putain de Spotify ! Shovel y est un groupe de funk rap qui a sorti un album en 2008 featuring Josh Martinez. Autant dire qu’il va falloir mettre les mains dans la poussière pour ressortir les reliques du passé, enfermées dans des cartons Chiquitas à la cave ; nos Madeleines de Proust ont parfois l’odeur de renfermé et de moisi.
En 1999, quand le Shovel qui nous intéresse sort son premier album, c’est encore l’âge d’or du CD. La boîte aux lettres déborde de disques promo et de digipack. Les petits labels pullulent. A Lausanne, on traîne à la Dolce Vita, au Tir Groupé (une salle associative à la place du Château qui organise des soirées concerts tous les week-ends) ou encore aux soirées gothiques du Kilt.
On boit des cafés chez l’ami Théo qui tient Disc-à-Brac. Pas de hipsters sapés chez Bershka, des mecs pour te dire que Bigflo et Oli c’est quand-même vachement bien. Il est l’heure du stoner avec Fu Manchu, Clutch, Unida, et le magnifique « Time Travelling Blues » d’Orange Goblin. Neurosis sort « Times of Grace ». Soulfly sonne le glas du neo-metal, ce sont désormais Breach, Cave In et Will Haven qui nous explosent les tympans avec un hardcore revisité.
A la radio, on passe « Learn to Fly » des Foo Fighters et « Californication » des Red Hot Chili Peppers. Depuis deux ans, on se déplace en stop pour aller voir Shovel. On attend le 21 juillet pour les retrouver avec Lofofora à Paléo ou le 14 août à Rock Oz’Arènes (c’était autre chose que Slimane ou Kendji Girac).
J’ai fait la rencontre de Frank Matter, le batteur, vers 1996 chez Nyff, un café pour grand-mère où tu peux passer l’après-midi tranquille avec un espresso à deux balles cinquante et des clopes, qui est devenu aujourd’hui un de ces putains de Starbuck.
Celui qui deviendra animateur sur Couleur 3 me glisse l’album « Behind the Wall » de son groupe Eastwood qui vient de splitter. Mais Frank s’apprête à lancer, avec son pote François Barras, un nouveau projet : Shovel (hommage à un track de Quicksand).
Je découvre le groupe sur scène un peu plus tard vers 1997, en première partie d’Helmet à Fri-son. Le concert est sold-out ! Influencé par le punk et le hardcore, façon Hot Water Music, Refused ou encore Deftones, Shovel tabasse sévère. L’EP 4 titres « Birth », c’est Wicky (le chanteur des Favez) qui me le fait découvrir en passant un après-midi chez DAB. On écoute ça plein volume dans la boutique, quitte à faire fuir deux-trois clients égarés. Enregistré au studio des Forces Motrices par David Weber, les quatre titres retrouvent l’ampleur du live. On se dit vivement l’album, puis on se repasse quelques vieux Springsteen.
Durant l’été 1998, Shovel s’envole pour Uppsala pour enregistrer l’album « Latitude 60°Low » produit en quatre semaines par Daniel Berstrang (Strapping Young Lad, Stuck Mojo, Meshuggah) et qui sortira sur le label Headstrong tenu par Fabrice Bernard.
François contacté via WhatsAppse rappelle : « En arrivant à Uppsala, le mec nous dit qu’on n’avait pas un seul mauvais morceau. Quand il a bossé la voix de Francisco, on était sur le cul, c’était … large ! Ambiance d’été, vélo, pas de nuit, vraiment relax ».
Autre souvenir celui d’un direct en février 2000 dans l’émission Nulle part ailleurs sur Canal + (ancêtre anarcho-cool de l’émission Quotidien) période Thierry Dujeon : « Notre tourneur nous lance un coup de fil pour nous demander de remplacer au pied levé Rage Against The Machine. La trouille totale avant de monter sur le plateau et ce con de Tommy Lee qui était l’invité et qui braillait comme un Valaisan beurré ». Mais quelques mois plus tard, le groupe se sépare après environ 150 concerts. François rentre dans les détails du split : « On a eu du succès (surtout en Suisse et en France) sans jamais pouvoir vivre du groupe – on a vendu moins de 10’000 CD et on touchait en moyenne 1’000CHF par concert. Francisco était le seul avec un vrai job, Frank, Pol, Diego et moi étions encore aux études : ce n’était pas aussi pénible pour nous de revenir de tournée le dimanche à 4h du mat et se lever à 8h pour aller bosser…
Comme le groupe n’étais pas assez gros pour jouer non-stop, on partait en concerts pour une, deux ou trois dates max le week-end, dans un petit bus. Et comme notre management était tourné vers la France, on bouffait des milliers de kilomètres, genre Lausanne-Brest aller-retour… Et puis souvent, on partageait la scène avec des merdes ignobles comme Pleymo, qui vendaient des palettes. Nous étions mis dans ce sac de merde de « nu-metal » avec des dreadlocks et des pantashorts ».
Aujourd’hui, les influences n’ont pas été reniées et personne n’a baissé son futal ; on a retrouvé des membres de Shovel dans Ventura et dans John Lisbon. De leur côté, Frank et François ont monté Houston Swing Engine en 2001, avec Danek d’Unfold (avec qui Shovel avait sorti un split en 1997), Songs Of Neptune entre 2009 et 2011, Bloody Sailor entre 2011 et 2013 et Hey Satan ! depuis 2014.
Pour cette chronique, il est 17 heures, l’étudiante qui bosse pour 14 francs de l’heure chez Starbuck daigne enfin venir débarrasser la dizaine de gobelets en carton qui jonche le sol.
« On ferme ! ». Avant de débrancher mon laptop, je cherche Shovel sur Youtube ; pour faire chier la fille, je monte le volume. Le titre « Lurk » joué live sur NPA recouvre un instant le son de la compil’ lounge qui passe depuis des heures. Deux hipsters me regardent comme si j’allais faire péter une bombe. [Marc Kiener]
Membres :
- Pol (guitare)
- François (guitare)
- Franck (batterie)
- Francisco (chant)
- Raph (basse)
Discographie :
- Birth, EP, Noise Product, 1997
- Split Shovel / Unfold, Division Records, 1997
- Latitude 60° low, Headstrong Records, 1999
Liens :
Latitude 60° Low :https://www.youtube.com/watch?v=CgCx7I3Yc8U
Birth :https://www.youtube.com/watch?v=Vn0C0FLFq00
Lurk sur NPA : https://www.youtube.com/watch?v=y-njBTBuFDk
Boil Over sur TV à la carte : https://www.youtube.com/watch?v=Du7nQ9tbUlM
Réédition en vinyl de Latitude 60° Low de Shovel le 28 avril 2023 !
Sorti en 1999, l’album latitude 60° low de Shovel est resté gravé dans les mémoires et a donné une visibilité de la scène suisse sur le plan international. Enregistré par Daniel Bergstrand à l’époque et sorti sur le label suisse Headstrong Records, c’est Serge Morattel qui s’est occupé de remasteriser cet album qui sortira le 28 avril pour la première fois en vinyl dans une version limitée à 350 copies en double vinyl avec en bonus les titres “Scythe” et “Spark” dans leurs versions parues sur le premier EP du groupe “Birth” en 1997.
C’est grâce à une initiative de MA Såret Records et Head Records que nous allons pouvoir se procurer ce petit bijou ! Il sera distribué en Suisse par Hummus Records !
Ne passez pas à côté !
Précommandes sur www.head-records.com